Chapitre 12 : Folie et difformité

13 1 0
                                    

Rafaël et Chuck s'assirent sur leurs sièges, Weidmann prit sa place derrière son bureau et il se mit à écrire sur une feuille. Un rapport sûrement. Et celui prit de longue minutes, interminables. Le bruit du stylo qui grattait le feuille perturbait l'inspecteur, il regardait cette vieille main aller et venir à cadence régulière. C'était un peu comme de l'hypnose. Elle calma son cœur palpitant mais pas sa tête. Puis finalement le professeur se leva de nouveau et vint se mettre en face d'eux, il n'accorda pas même un regard à Chuck.

Il plongeait ses yeux sévères dans ceux de Rafaël. Il soutint le regard.

- Vous voulez que j'arrête ? avança le jeune homme.

- Bien sûr. Plus encore, je voudrais que vous effaciez tout.

- Si seulement je pouvais, j'aurais plus des images de guerre dans l'esprit, ne serait-ce que ça.

- Mais vous ne comprenez pas, vous ne comprenez toujours pas, souffla désespérément le vieil homme découragé. Vous n'y étiez pas, mon pauvre.

- Pardon ?

Rafaël était bouche-bée, il jeta un regard à Chuck mais celui-ci détourna les yeux. Il fronça les sourcils et serra les poings. Il ne devait pas le croire, il essayait de le perturber car il savait que son secret, quel qu'il soit, allait bientôt être découvert.

- Les signes du zodiaque, c'est ça hein ? tenta l'inspecteur. Bélier, taureau, qui ne sont pas ici. Et Prudence qui est gémeau ? Et vous êtes quoi vous ? C'est une sorte de secte ?

- Vous n'y êtes pas du tout, mon pauvre... murmura Weidmann en frottant son front douloureux. J'abandonne, il faut tout arrêter. Je n'y suis pas arrivé, vous pouvez arrêter de vous jouer la comédie. Arrêtez tout, lâcha-t-il dans un dernier soupir de désespoir.

Rafaël resta interdit devant lui. Il ne comprenait pas.

- Arrêter quoi ? demanda-t-il.

- Vous savez, vous savez au fond de vous que c'était un mensonge. Aller, je vous en prie... Il faut rentrer au pays.

L'esprit de Rafaël s'arrêta de réfléchir, de penser, de douter. Il sembla presque... s'éteindre. Comme si cette phrase était le bouton d'arrêt de son âme. La salle autour de lui s'effaça, laissant dans son champ de vision seulement le professeur, lui-même et Chuck, plongés dans un trou noir.

Il faut rentrer au pays ?

Rentrer ?

Soudain il remarqua qu'il ne se souvenait même plus de ce à quoi ressemblait « le pays » ou bien sa vie avant qu'il arrive sur Missed Creek. Rien, rien du tout ne lui venait à l'esprit. Il eut peur de ce vide, peur de comprendre une nouvelle fois. Doucement, il se leva, imité par Chuck qui semblait prêt à le rattraper s'il tombait, mais il le repoussa de sa main. Non, il n'avait pas besoin d'aide, il n'allait pas faire une autre bêtise, il n'était pas dangereux. Il voulait juste s'éloigner, respirer.

Il faut rentrer au pays...

Il refusait. Pas encore, pas comme ça.

- Non. Non, vous devez vous tromper...

Il s'éloigna d'eux, lentement, les yeux baissés. Il prit la poignée de porte et la tourna puis sortit, sans un mot. Chuck voulut le suivre mais Weidmann le retint, il regarda simplement la porte se refermer doucement.

- Laissez-lui un moment. Il a bien besoin de ça je pense.

- Vous pensez que ... qu'il va redevenir comme avant ? demanda Chuck en se rasseyant lourdement.

The islandOù les histoires vivent. Découvrez maintenant