Chapitre 2 L'aménagement

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Denis fit le tour du bâtiment dès la signature de son contrat de travail. Il y était considéré comme concierge. Georges Bassenge fut clair :

—Si on vous demande votre métier, dites « homme de maintenance » ; c'est préférable, y compris pour vous.

—Comme vous voulez monsieur, c'est vous le patron.

Les meubles étaient tous d'un bois foncé joliment marié avec le rouge velours et le blanc des murs. Les sols étaient couverts du même tapis rouge moelleux, mises à part certaines pièces où du parquet verni le remplaçait. L'escalier, large, aux rambardes sombres du 19ème siècle, les invitait à rejoindre l'étage. D'après la longue table en bois près d'eux, cet espace était un sobre salon. La bibliothèque à l'étage l'encerclait, sans qu'un plafond ne vêtit les charpentes du manoir.

Trois personnes attendaient, alignées au centre de la pièce. Trois jeunes femmes, dont celle aperçue par Denis l'autre jour. En dehors de cette rousse imperturbable, ce jour-là en jeans noir et blouse d'été, patientait une blonde bouclée, et une autre plus âgée aux cheveux bruns noués, avec des lunettes noires rectangulaires. Elle fut la première désignée par le Baron Du Luvieu.

—Voici mon aînée, Endora...

Denis serra la main d'un bref « enchanté » à la grande dame en long ensemble beige. Malgré son œil brun perçant comme son père, elle étira des lèvres aussi fines que son visage.

— ...ma cadette, Lena, continua Georges en montrant la jeune froide.

Denis répéta son geste, mais elle se contenta d'acquiescer sans changer un trait de son visage ovale au teint pâle. L'absence de taches de rousseur lui parut étrange. Lui en avait peu, mais tout de même ; d'ordinaire les pommettes tachetées n'épargnaient pas les roux ! Peut-être était-ce lié au fait qu'il était d'un roux foncé comme une tomate, tandis qu'elle frôlait le blond vénitien ? Pas le temps ni l'instant pour y répondre.

— ... et ma benjamine, Anthéa.

La troisième était la plus petite. La seule à porter la jupe et à avoir lâché ses cheveux, mi-blonds mi-châtains. Elle paraissait à peine plus jeune que lui. Ses yeux possédaient le même bleu que le père et la soeur, pourtant ils brillaient de chaleur comme une lagune. Elle décocha même un petit sourire à Denis.

—Bienvenue, salua-t-elle d'un ton doux.

—Mes filles, Denis Bronckart aura en charge l'entretien du manoir. Vous pourrez l'appeler s'il vous faut un coup de main. Il dormira au-dessus de ta chambre, Lena.

—Tant qu'il n'est pas trop bruyant, cela ne me gêne pas, autorisa Lena d'un levé de menton supérieur et d'une voix posée.

Il y répliqua d'un sourire, comme un enfant taquinerait un garde anglais.

—Ne vous inquiétez pas mademoiselle, ce n'est pas mon genre.

—C'est fabuleux père, gloussa Anthéa d'une voix claire. Pendant un temps j'ai cru que nous aurions une vieille ronchonne ; j'ai sous-estimé ta capacité à engager une personne acceptable.

—C'est sûr, lâcha Endora. Une présence masculine ne sera pas un tort dans cette maison.

Ils retournèrent dans la chambre de Denis, où quelques meubles avaient été placés ainsi que des caisses et des valises. Pour y accéder, il fallait monter un escalier raide en colimaçon débutant près de la chambre de Lena. Celle de Denis était une rotonde de pierre qui prenait le restant de la tour, avec des fenêtres vitrées à égale distance, étroites et hautes. Elles formaient des cercles sur différentes hauteurs, telles d'anciennes meurtrières ensoleillées. Les premières rangées étaient transparentes, tandis que les suivantes allaient rejoindre les poutres dans des tons mauves.

Souvenirs d'une rose (Avant chez SEE !)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant