Chapitre 3 L'ébauche

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Pendant le repas, Denis fut bombardé de questions par Anthéa et Endora sur ce qu'il aimait, avait fait, comptait faire... Finalement, la seule à demeurer silencieuse était Lena. Mais l'intensité de son regard semblait le révéler plus nettement encore que les interrogations de ses sœurs. Repérée par Denis, elle tournait parfois la tête sur ses doigts aux ongles soignés. Ses joues roses trahirent une gêne qu'il ne comprit pas.

Le lendemain, il se leva tôt afin de ne pas subir la chaleur de l'été. Dès sept heures, il longeait les enclos pour rejoindre une cabane à outils au milieu des arbres, à vingt mètres de la clairière. Il coupa les barbelés, puis entreprit de déterrer les poteaux de bois bien plantés. Quand il en avait ôté une partie, il sectionnait les trois lignes rouillées pour empiler les débris dans la brouette et les jeter derrière l'abri de jardin. Au début, Denis s'était demandé s'il allait revivre l'expérience de la première visite. Le calme du lieu le réconforta. Du moins jusqu'à neuf heures, où la question d'une fillette interrompit le chant des oiseaux.

—Que faites-vous ?

Occupé à retirer un poteau du deuxième enclos, Denis obliqua face à Lena, troublé par la voix fluette.

—Pardon ?

—Je vous demande ce que vous faites Denis, répéta-t-elle de sa voix de femme.

Elle portait une blouse beige en lin avec une poche à hauteur du sein, et un pantalon patte d'éléphant blanc en coton. Ses petits sourcils roux étaient levés, ses lèvres serrées, et une fraîche odeur de savon s'échappait de sa peau. Ses yeux étaient toujours aussi inquisiteurs. Elle gardait ses mains contre le ventre d'un air digne.

—Je retire les barbelés pour aménager le jardin, mademoiselle Lena.

Il espérait que sa politesse camouflerait bien sa surprise.

—Cela risque de déplaire à mon père.

—Il est au courant, ne vous inquiétez pas. Je ne me permettrais pas de prendre des décisions sans vous consulter vous ou votre père.

—J'espère bien ! Quand vous aurez fini ou si vous prenez une pause, rejoignez-moi sur la terrasse afin que nous en discutions.

—Bien mademoiselle.

Il suivit des yeux son éloignement. Le mur de dédain de Lena ne cessait de l'interloquer.

Le zénith acheva l'employé d'un coup au crâne. En sueur, Denis ne prit même pas la peine de reboucher les trous. Tout juste ramena-t-il sa brouette dans le chalet. Les yeux de Lena arrêtèrent de parcourir son livre pour l'estimer en silence. Elle avait mis un chapeau tressé finement d'un ton jaune pâle et cachait son regard derrière de grosses lunettes noires. Denis tenta de deviner ce que signifiait cette scrutation.

—Je vais d'abord me rafraîchir, je ne suis pas très présentable.

—Anthéa veut que l'on mange sur la terrasse de toute manière. Ce sera prêt dans une demi-heure, nous aurons tout le loisir de discuter après. Profitez-en, conseilla-t-elle en reprenant sa lecture.

Dans le salon, il croisa Anthéa, toute souriante, avec des maniques aux mains.

—Bonjour Denis ! Je n'osais pas vous déranger durant votre travail ; aimez-vous les pêches au thon ?

—Tout à fait, rassura-t-il en répondant à son sourire.

—La vinaigrette ou la mayonnaise dans la salade ne vous incommodent pas ?

Souvenirs d'une rose (Avant chez SEE !)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant