Amour détestable

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"_Nijiko! Fujiyama Nijiko! On se réveille la rookie!!!"

Une légère bourrade sur mon épaule me ramène à la réalité. Le capitaine de l'équipe de volleyball féminine, Michimiya Yui, me regarde avec des yeux sévères. Je m'incline vivement avant de reprendre, sans convictions, l'entraînement matinal. C'est une sale journée de printemps, le genre de journée où les nuages sombres et vicieux s'associent aux éclaircis rendant impossible à prévoir le temps qui va suivre, oscillant entre pluie diluvienne et ensoleillement inespéré, un temps horrible où, au beau milieu d'un footing, on se fait surprendre par la pluie et elle ne s'arrête que lorsqu'on rentre à l'intérieur pour recommencer quand on ressort. Je hais ce genre de temps, tout comme je hais le printemps. Toutes les autres filles du club semblent manifestement heureuses pour une raison à laquelle je ne sais rien et qui est, surement, d'une inutilité dispensable. J'enchaîne mon cinquième service sauté lorsque la superviseur, Hitomi-san, nous fait signe de la rejoindre. J'envoie ma balle dans le chariot prévu à cet effet avant de rejoindre les autres. Toutes sont essoufflées, dégoulinantes de sueurs, surement dans le même état de fatigue que moi, d'autant plus que ma nuit blanche de la veille me parait tout à coup beaucoup moins brillante qu'hier. Certes, j'avais eu des devoirs à rattraper mais  j'aurais surement dû éviter les dix parties de jeux en lignes qui ont suivies. Mes yeux semblent vouloir sortir de leurs orbites pour visiter le monde tandis que mes neurones sont tout simplement restés sur mon lit ce matin, incapables de réfléchir soigneusement, et mes nerfs sont entrés en guerre pour savoir qui craquera le premier. Autant dire, je ne suis vraiment pas dans une humeur clémente pour laisser passer la moindre contrariété que le Destin souhaite imposer à mon esprit déjà en piteux état. Sauf que le Destin n'écoute jamais quand on lui demande quelque chose, même si on le menace.

"_Aujourd'hui, il va y avoir un entraînement commun avec l'équipe masculine après les cours. Ca permettra de voir les progrès que vous avez pût faire ces dernières semaines." déclare Hitomi-san avec une joie enfantine des plus exécrable.   

Autour de moi, les autres membres saluent cette nouvelle avec des cris de joie et d'excitation qui finissent d'achever mes pauvres tympans déjà bien amochés par le truc gesticulant, puant et bruyant qui se trouve être accessoirement mon petit frère. Le temps que l'information d'Hitomi-san pénètre mon cerveau et atteigne les méandres brumeux de ma conscience qui semble vouloir retourner dormir sur mon oreiller aux côtés de mes neurones, les filles sont déjà en train de ranger le matériel. A vrai dire je les aide sans vraiment m'en rendre compte, mon cerveau ayant décidé de mimer les gestes de mes camarades pour s'éviter toute réflexion inutile et effort non nécessaire. Je me stoppe sur place, comprenant l'horrible réalité qui vient tout juste de reconnecter mon cerveau et ma conscience ensemble. Même mes neurones semblent revenus et de nouveaux opérationnels. Pourtant, la seul chose qu'il arrive à insérer dans mon esprit totalement paumé dans une sorte de flou proche de l'état comateux, c'est un prénom: Tsukishima Kei. Cette immonde créature narcissique, égoïste, insolent et sans aucun intérêt pour les autres qu'est Tsukishima Kei. Mon visage s'empourpre de colère, tandis que mon cerveau daigne finalement se mettre en activité sous l'effet de la rage qui remonte des tréfonds de mes entrailles pour envahir chaque cellule de mon corps. Ce type est tout simplement détestable. Être obligée de faire un match contre lui est, sans aucun doute permis, la pire chose qui aurait pût m'arriver aujourd'hui. Je termine de ranger le matériel, parfaitement réveillée à présent, et je me dépêche de me changer avant que les cours ne commence. J'aurais dû prendre exemple sur mes neurones ce matin et rester sous ma couette toute la journée prétextant une douleur imaginaire comme je l'avais déjà fait tant de fois auparavant. C'est en réfléchissant à un moyen purement scientifique couplé d'un brin de folie pour remonter les trois heures qui me séparent du moment fatidique où j'ai posé mon premier orteil par terre que je me dirige vers ma salle de classe, les nuages gris transpercés de tristes rayons de lumières pâles semblant s'amuser du coup que le Destin vient de me faire par derrière. 

Amour détestableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant