Ma soeur qui a changé

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Nues, toutes nues, ceints d'un cordeau de lianes,
Nous parcourions naguère les près, les bois, les champs.
Nues, toutes deux nues, nous gambadions ma soeur à travers les plaines,
Nous dévalions les collines, nous buvions de l'eau des mares.
Nues, de nos petits pieds nus nous foulions le même sable,
Nues de nos doigts menus, nous pétrissons la même boue.
Nues avec nos regards francs,
Nues avec nos rires éclatants,
Nues avec nos esprits de sans gène,
Nues, nous partagions tout, ma soeur.

Mais il y a à peine quinze hivernages,
Que nous étions à cet âge ;
Nous avons à peine senti que nous avons grandi;
Peut être rien aux aisselles,
Je ne sais, tu n'es plus nue.

Mais je sais ma soeur que tu as beaucoup changé.
Tu n'es plus nue, c'est bien à cause de ton âge,
Tu ne ris plus, tu es toujours en songe;
Ton pilon, ton mortier d'enfance, tu n'en fais plus cas;
Et quand tu dis, tu me dos "je t'aime", je sais que c'est faux;
Je sais que c'est du vernis dont tu t'enduis les ongles.

Il y a à peine quinze hivernages,
Nous étions à cet âge.
Nous avons à peine senti que nous avons grandi,
J'ai, oui, aux aisselles une touffe d'herbes,
Peut être tu n'as rien aux aisselles, Je ne sais,
Tu es toujours vêtue, admirablement coquette;

Il y a à peine quinze hivernages...
Et pourtant tu as changé, ma soeur,
Et même beaucoup par rapport à cette soeur,
Nue que j'ai connue,
Avec qui j'ai grandi,
Mais qui ne veut plus s'en souvenir,
Pourquoi?

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