Les Naufragés | HopeMin

II.

Vagues qui s'écrasent contre une grève.
Peur acide qui ruisselle.
Immensité d'une chose immense.
Infini, aussi, de toute part.
Les nuages s'élèvent dans
des lieux sans
espaces.

Un homme fume une cigarette, son bras adossé à la vitre de sa voiture. Il exhale ; un bout de nicotine se détache et s'écrase sur le trottoir. Il est vingt heures trente-sept.

Dans une heure et vingt-trois minutes, il rentrera chez lui.

Mais le temps s'écoule différemment, et sans qu'il ne s'en rende vraiment compte, il ne veut pas rester, seul, dans un appartement où il ne l'est pas complètement. Trop de coins sans lumières, trop de souvenirs essayant d'être effacés, trop de questions sans réponses qui l'attendent, enfouies dans les oreillers et les plis des draps.

Une jeune femme entre en lui jetant un regard pressé. Elle lance une adresse comme un ordre et il enclenche le moteur.

Parcours sinueux dans la ville, escales, passagers, attentes, hommes d'affaires, feu rouge, oui-bonjour-madame-au-revoir-monsieur-ca-fera-trente-huit-euros, clignotant, embouteillages, touristes, escales.

Il trouve sa vie un peu trop comme d'habitude et allume une autre cigarette.

Encore, juste une, la dernière. Mais non, je ne suis pas accro ; pas à ces merdes. Mais oui, je sais que ce n'est pas bon pour moi.

Pour personne.

« - Excusez-moi, vous pouvez mettre la radio ?

-Vous n'aimez pas le silence ?

-Non. Ca me donne l'impression d'entendre l'Atlantide. »

Le conducteur ne répond pas.

« - Vous me trouvez bizarre ?

-Pas vraiment.

-Vous aussi, vous l'entendez.

-C'est une question ?

-Pas vraiment.

-Vous serez arrivé à destination dans une petite demi-heure.

-Ne vous dépêchez pas. S'il vous plait.

-Aucun problème.

-Vous êtes sûr ? »

Derrière son volant, le jeune homme ne répond pas, parce qu'il ne sait pas si la réponse concerne vraiment le trajet.

Sûr de rien. Bon à rien. Tu es nul. Tu es gros.
Fume, Park Jimin. Fume tellement et crèves-en.

Il fronce ses sourcils. L'index de sa main droite tripote nerveusement le bouton, aller-retour increvable. La radio grésille et il tombe sur une station qui passe de la musique écoutable.

« - Vous êtes inquiets ?

-Et vous ?

-Oui. Et au moins, j'en suis conscient.

-Je n'ai pas peur.

-Vous êtes mort de trouille.

-Vous croyez ?

-J'en suis persuadé.

-Descendez.

-Quoi ?

-On est arrivé.

-On est au milieu d'une autoroute.

-Descendez. Je ne me répéterais pas.

-Vous allez me laisser là ?