III.

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Carrière de pierres désaffectée.
Immeubles démolis.
Route rocailleuse.
Paquebot lent dans la mer éternelle. Enterrement d'un mec qui n'avait
jamais vraiment trop vécu.
Les Ombres sont
partout,
sauf là

on les
attend.

La portière se déverrouille, HoSeok tend un café à Jimin. Sa large paume est presque trop chaude autour de la tasse.

« - Salut.

-Bonjour, HoSeok.

-Bien dormi ?

-Pas trop mal. Et toi ?

-Plutôt bien. »

Futilités inutiles qui continuent tout au long du trajet. Jimin roule et l'autre parle. Quelques fois, un client monte dans le taxi. Mais assis à l'avant, le jeune homme ne s'arrête plus de discuter ; de tout, de rien ; de choses dont il se fout et pourtant qu'il aborde, puis de tabous entraperçus.

C'est une journée calme, alors ils sont souvent seuls dans la voiture.

Il a posé sa main sur la cuisse de Jimin, juste au dessus de la rotule et aucun des deux ne l'a enlevée.

Le véhicule roule, roule, roule, sur la route comme la routine.

HoSeok a un pull gris clair, très doux. Et Jimin l'aime beaucoup, parce qu'il s'y sent bien, enfoui à l'intérieur. Et HoSeok aime bien quand Jimin se blottit contre lui, quand il a peur, froid, chaud, faim, quand il est fatigué, quand il a mal à la tête, quand les Ombres l'envahissent trop d'un coup.

HoSeok aime bien quand le visage du conducteur s'éclaire d'un coup, même s'il se fane l'instant d'après.

« - Tu mets la radio ? »

Le passager émet un petit grognement et allume le poste. Il trifouille un peu, puis trouve une station écoutable ; la même que d'habitude -roule, routine.

Il regarde le visage de Jimin. Les sourcils légèrement froncés, il a les yeux concentrés sur la route et HoSeok se demande à quoi est-il si attentif. Comme il n'a pas la réponse et qu'il ne tient pas à la connaitre, il se rapproche un peu ; caresse la jambe au dessous du tissu.

Jimin lui jette un bref coup d'œil, se lèche nerveusement les lèvres et plonge à nouveau dans l'asphalte.

HoSeok pense qu'il est beau.

Il ne lui dit pas.

Jimin non plus.

*

Minuit cinquante-sept.

VIENS APPROCHE TOI PETIT VIENS NOUS VOIR OUVRE NOUS TON ÂME LAISSE NOUS ENTRER A L'INTERIEUR DE TOI N'AIE PAS PEUR CA NE TE FERA PAS MAL ALLER VIENS MAINTENANT REJOINSNOUSPUTAINDEBORDEL
DEMERDE APPROCHE TOI

Trois coups brefs sur une porte close, un garçon qui lâche son téléphone de ses mains tremblantes et qui se jette sur la cloison pour ouvrir le battant. Un cri de terreur étouffé par un torse et des bras qui l'enserrent dans la sécurité.

Jimin sanglote doucement contre HoSeok, les yeux fermés, le visage pâle comme la mort qu'il entend tous les soirs. L'homme s'agrippe à l'autre et HoSeok le porte dans le salon en allumant toutes les lumières.

Il allonge le plus petit sur le canapé, mais dès que sa prise se relâche, Jimin panique, suffoque, retient sa manche de toute sa désespérante faiblesse. Alors HoSeok se rallonge à ses côtés puis le sert un peu plus fort contre lui -le souffle de Jimin sur ses clavicules le rend léger, si léger qu'il pourrait s'envoler.

Les Naufragés | HopeMinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant