Chapitre II

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Quand j'ouvre la porte de notre petit appartement, je suis soulagée de constater que je suis encore seule à la maison. Je n'ai pas envie de voir ma petite sœur et de lui avouer ce qu'il vient de se passer. Moi-même, je ne me rends pas encore tout à fait compte. Dans le métro, encore sous le coup de la colère, j'ai décidé d'envoyer un message à Madame Wilson, un long texte où j'ai exprimé toute ma rancœur. Une demi-heure après, je n'ai toujours pas de réponse. Dépitée, je balance mon téléphone sur le sofa avant de me laisser tomber sur le matelas posé au sol, qui me sert de lit. Retrouver aussi tôt cet endroit des plus modestes, après le faste de l'appartement de mes anciens patrons, me rappelle à quel point j'avais besoin de ce salaire. Emma et moi vivons ensemble dans ce studio de moins de quarante mètres carré depuis des années. Une cuisine peu équipée, une salle de bain minuscule pour deux filles et un grand salon avec un canapé et deux matelas sur le sol, voilà quel était notre château. Avec les études coûteuses de ma sœur, je ne pouvais pas encore nous offrir plus.

Allongée sur les draps, je me laisse aller au chagrin. Encore une fois, nous ne sommes pas épargnées par les frasques du destin et je commence à en avoir marre. Je me tourne une première fois pour me mettre sur le dos. Je fixe le plafond, les méninges déjà en plein travail. Je refuse de me laisser abattre. Il me reste encore mon travail de serveuse –je dois d'ailleurs faire un service ce soir- et je pourrai demander à faire plus d'heures dans la journée. Je me mets sur le flanc droit pour regarder mon bureau, où traîne mon ordinateur portable. Des traductions de romans m'attendent, je pourrai les continuer, pour ensuite en prendre d'autres et augmenter mes revenus de ce côté-là. Je soupire. La motivation n'est pas là. Je ne peux cesser de penser aux deux petits êtres que j'ai laissés là-bas, avec leur père. Et s'il leur faisait du mal ? Je me redresse soudain sur mon matelas, le cœur battant. Et si je venais de faire une grave erreur ? J'aurai sans doute dû les prendre avec moi. Non, ça se serait apparenté à un kidnapping. Que faire ? Y retourner pour les sauver ? Sont-ils réellement en danger ?

Au moment où je prends la décision de me lever, mon téléphone sonne. Le bref son m'indique de l'arrivée d'un message et, les jambes emmêlées dans la couverture, je me traîne au sol pour atteindre le canapé et mon portable que j'ai balancé dessus en rentrant. L'écran s'allume et je découvre que j'ai une réponse.

MME WILSON : Je suis rentrée récupérer les enfants, ils sont chez mes parents. Navrée pour mon mari. Au revoir, Olivia.

J'hésite entre rire et pleurer, finis par simplement pousser un soupir de soulagement. Je repose le téléphone où il était et retourne me rouler en boule sur mon matelas. Je n'ai plus le cœur à me tourmenter pour l'instant. Je préfère dormir, en espérant me réveiller et me rendre compte que tout ça n'était qu'un affreux rêve. Je ne parviens qu'à somnoler et je n'entends pas suffisamment tôt les clés dans la serrure pour me lever et faire comme si de rien n'était. C'est donc affalée par terre que ma sœur me retrouve, à la sortie des cours. Ses sourcils se froncent dans une expression trahissant sa surprise de me retrouver aussi tôt à la maison. Elle retire sa veste, son sac déjà posé sur l'une des chaises de la cuisine.

— Olivia, qu'est-ce que tu fais ici aussi tôt ?

Je fais semblant de bailler pour gagner du temps et trouver une excuse à lui sortir. Je me redresse sur mes coudes pour lui répondre.

— Madame Wilson avait pris son après-midi sans me prévenir. Elle a eu une envie soudaine de s'occuper de ses enfants aujourd'hui.

Je la regarde ouvrir le frigo pour prendre le jus d'orange. Cela me rappelle que je n'ai pas encore fait les courses de la semaine. Je soupire encore une fois et accepte enfin le fait de devoir me lever. Mes jambes sont lasses mais elles finissent par porter mon poids jusqu'à la cuisine. J'ai très envie de sucré. Je fouille dans les placards à la recherche des cookies achetés la semaine dernière. Je finis par trouver le paquet déjà bien entamé. Je me tourne vers ma sœur pour la foudroyer du regard en montrant l'objet du crime. Elle me regarde avec ses yeux innocents et hausse les épaules.

Le Harem (2017)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant