Chapitre 3

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«Avoir beaucoup d'amis, c'est n'avoir pas d'amis.»
Aristote

On s'est tous déjà remémoré la première fois que nous avons rencontré nos amis les plus proches. Les souvenirs partagés nous font doucement sourire la majorité du temps, nous font exploser de rire souvent, nous font pleurer parfois, et nous émeuvent le plus rarement.

Ma rencontre avec Beth a été pour le moins étrange, mais a fait de nous ce que nous sommes aujourd'hui.

Elisabeth Williams était ma meilleure amie depuis le collège. Mais je la connaissais depuis la première année de primaire, alors qu'elle m'avait balancé un coup de poing au visage en guise de premier contact pour avoir osé empiéter sur son territoire imaginaire dans le bac à sable. Beth était directe, mais je ne l'étais pas moins. Le coup de poing que je lui avais retourné, avec en prime une poignée de sable fourrée dans la bouche, fut une réponse tout à fait convenable à mes yeux. On était devenues les pires ennemies de la cour de récrée. On se faisait tout le temps des coups bas, mais en y repensant, ce n'était que des farces douteuses de gamines, envoyées à tour de rôle. Ce rapport assez étrange a duré jusqu'au milieu de notre première année de collège.

Un jour, Natasha et Olivia, les deux petites pestes typiques que tout établissement scolaire comporte, accompagnées d'une petite clique d'élèves, étaient venues me trouver après la sortie des cours.
J'attendais ma mère un peu à l'écart, dans un endroit isolé sachant qu'elle était tout le temps en retard, et dans un état qui plus est bancal. Je n'avais pas envie que mes camarades soient spectateur de l'état déplorable de ma mère.

Ils avaient commencé par m'encercler, puis à insulter ma mère, pour ensuite m'insulter à mon tour et enfin à me donner des coups de pieds un peu partout, en augmentant en intensité. Je me défendis comme je le pouvais, mais ils étaient au moins une dizaine. J'étais plus forte que la majorité des enfants de mon âge, mais il ne fallait pas exagérer non plus...

J'étais à terre, dans une situation d'impuissance qui me fait encore enrager aujourd'hui. C'est alors qu'Elisabeth est intervenue, s'interposant entre mes assaillants et moi. Il faut dire qu'elle faisait au moins dix centimètres de plus que tout le monde, et qu'elle avait l'air de vouloir cogner jusqu'au sang la première personne qui s'interposerait entre nous. Elle avait gardé son côté sauvage, qui me sauva la mise cette fois-ci.

Une fois les autres partis sans demander leur reste, elle me tendit la main. Je l'acceptais sans dire un mot, et elle attendit avec moi que ma mère vienne me chercher. Petit à petit, on s'était rapprochées jusqu'à ce qu'on devienne meilleures amies.

Nous n'abordions jamais ce jour là mais j'étais reconnaissante envers Beth. Et d'ailleurs, j'eus l'occasion à multiples reprises de lui rendre la pareille. Quand on a une meilleure amie fouineuse qui se fiche totalement des règles, on se retrouve généralement dans de beaux draps.

Puis Fluvian est arrivé lors de la rentrée de seconde: c'était un ancien ami de Beth. Je m'étais tout de suite bien entendu avec lui, il avait un caractère original, sans prise de tête et j'aimais ça. On formait un petit trio à l'écart, même si je ne partageais pas leur passion pour l'incruste dans la vie personnelle d'autrui, voulant à tout prix conserver la mienne.

Je pris place dans la classe, la saveur douce amère si commune des souvenirs. J'optais pour la table au troisième rang à côté du radiateur et de la fenêtre. J'avisai mes nouveaux camarades, qui défilaient un par un.

Je les connaissais tous, et ce qui était loin d'être une bonne nouvelle. Dans les petites villes, tout le monde grandissait ensemble. Tout le monde connaissait l'histoire de tout le monde. Quand on voulait garder un semblant de vie privée, c'était l'enfer. Les adultes parlaient entre eux, et leurs enfants répétaient.

Recall ~En Pause~Où les histoires vivent. Découvrez maintenant