Peut-être était-ce dû au fait que je venais de m'envoyer en l'air. Ou peut-être était-ce mon radar sexuel, comme disait Niall. Quoi qu'il en soit, il me suffit de la voir pour deviner que Megumi avait couché avec l'homme avec qui elle était censée rompre. Et qu'elle s'en voulait.
— Alors ? On ou Off ? demandai-je en m'appuyant au comptoir de l'accueil.
— Oh, j'ai rompu ! répondit-elle d'un air morne. Après avoir couché avec lui. Je pensais que ce serait libérateur. Et puis, qui sait combien de temps va durer ma prochaine traversée du désert.
— Tu regrettes déjà d'avoir décidé de rompre ?
— Pas vraiment, non. Mais après coup, il a fait comme s'il était vexé que je me sois servie de lui comme d'un objet sexuel. Ce qui est le cas, je le reconnais, mais vu qu'il ne veut pas s'investir dans une relation, j'ai cru que ça ne le dérangerait pas.
— Et maintenant, tu ne sais plus où tu en es, conclus-je avec un sourire compatissant. Souviens-toi que c'est le mec qui ne t'a pas donné signe de vie depuis vendredi. Il n'est pas à plaindre s'il s'en sort avec un déjeuner en compagnie d'une jolie fille doublé d'un orgasme.
— Ouais, c'est vrai, concéda-t-elle en ébauchant un sourire. Au fait, tu comptes aller au gymnase ce soir ? ajouta-t-elle.
— Je devrais, mais mon père est en ville et je me cale sur son programme. S'il décide d'y aller, tu seras la bienvenue, mais je ne le saurai pas avant d'être à la maison. Tu sais quoi ? enchaînai-je. Tu n'as qu'à rentrer avec moi après le boulot. Si mon père a envie d'aller au gymnase, Niall te prêtera une tenue et, s'il n'a pas envie, on fera autre chose.
— Bonne idée.
Une bonne idée qui nous rendrait service à toutes les deux. D'un côté, mon père constaterait que ma vie était on ne peut plus normale, de l'autre, Megumi ne passerait pas la soirée à se torturer à propos de Michael.
— Parfait. On se retrouve à 17 heures.
* * *
— Tu habites ici ? demanda Megumi en contemplant la façade de mon immeuble. Sympa !Comme toutes celles de ma rue, elle était décorée de motifs ornementaux caractéristiques d'un style architectural révolu. L'intérieur avait été modernisé, et on avait adjoint à la façade une marquise de verre ultramoderne qui s'harmonisait étonnamment bien avec son style d'origine.
J'adressai un sourire à Paul quand il nous ouvrit la porte.
Quand nous atteignîmes le palier de mon étage, un instant plus tard, je dus faire un effort pour ne pas jeter un coup d'il à la porte de Harry. Un jour, peut-être, amènerais-je un ou une ami dans un endroit où nous habiterions ensemble...
J'en avais envie. J'avais envie de bâtir un nid avec lui.
J'ouvris la porte de chez moi et débarrassai Megumi de son sac une fois à l'intérieur.
— Fais comme chez toi, lui dis-je. Je vais prévenir mon père que nous sommes là.
Les yeux comme des soucoupes, elle balaya du regard le séjour prolongé par une cuisine digne d'un chef.
— C'est carrément immense ! s'exclama-t-elle.
— On n'a pas besoin d'autant de place, à vrai dire.
— Mieux vaut trop que pas assez.
— En effet.
J'allais m'engager dans le couloir menant à la chambre d'amis quand ma mère émergea du couloir qui se trouvait de l'autre côté du séjour – et desservait ma chambre et celle de Niall. Je m'immobilisai, surpris de la voir vêtue d'un jogging et d'un t-shirt qui m'appartenaient.
— Maman ? Qu'est-ce que tu fais ici ?
Ses yeux rougis demeurèrent braqués sur un point au niveau de ma taille. Elle était si pâle que je crus d'abord qu'elle avait forcé sur le maquillage – ce qui ne lui ressemblait pas. Je réalisai alors qu'elle avait utilisé mon maquillage. Bien qu'on nous ait parfois prises pour des surs, mes yeux gris et mon teint discrètement cuivré (que je tenais de mon père) requéraient une palette de teintes assez éloignée des tons pastel qu'utilisait ma mère.
Une sensation de malaise s'insinua en moi.
— Maman ?
— Je dois y aller, dit-elle, gardant les yeux obstinément baissés. Je ne m'étais pas rendu compte qu'il était si tard.
— Pourquoi portes-tu mes vêtements ? demandai-je alors même que je connaissais la réponse.
— J'ai taché ma robe. Je te les rendrai, dit-elle.
Elle passa devant moi d'un pas rapide avant de s'immobiliser en découvrant Megumi dans le séjour.
J'étais cloué sur place, absolument incapable de bouger. Je calai les poings sur mes hanches, en proie à un mélange de colère et de déception.
— Bonsoir, Monica, dit Megumi, qui s'approcha d'elle et la serra dans ses bras.
— Megumi. Bonsoir, répondit ma mère, se triturant visiblement les méninges pour trouver autre chose à dire. Ça me fait plaisir de vous revoir. Je serais volontiers restée bavarder avec vous deux, mais je suis affreusement pressée.
— Clancy est en bas ? demandai-je.
— Non, je vais prendre un taxi, répondit-elle en tournant la tête vers moi, tout en s'abstenant toujours de croiser mon regard.
— Megumi, ça ne t'ennuie pas de partager un taxi avec ma mère ? Je suis désolée de te faire faux bond, je ne me sens pas bien tout à coup.
Elle me dévisagea et prit soudain conscience de mon changement d'humeur.
— Pas de problème, assura-t-elle.
Ma mère me regarda enfin et je ne trouvai strictement rien à lui dire. Jétais aussi dégoûté par son expression coupable que par le fait quelle ait trompé Stanton. Mon père choisit ce moment pour nous rejoindre. Il pénétra dans la pièce vêtu dun jean et dun T-shirt, pieds nus et les cheveux encore mouillés de la douche. Comme dhabitude, la chance nétait pas de mon côté.
— Papa, je te présente mon amie Megumi. Megumi, voici mon père, Victor Reyes.
Celui-ci savança vers Megumi pour lui serrer la main en veillant à faire un grand détour pour éviter de sapprocher de ma mère. Ce qui nempêcha pas un véritable arc électrique de se former entre eux.
— Je pensais quon pourrait passer la soirée tous les trois, lui dis-je pour combler le silence gêné qui suivit, mais je nen ai plus trop envie.
— Il faut que je rentre, répéta ma mère en ramassant son sac. Megumi, vous vouliez partager un taxi avec moi ?
— Oui, volontiers, répondit cette dernière. Elle vint me serrer dans ses bras et me glissa à loreille :
— Je tappelle plus tard.
— Merci, dis-je en lui pressant la main avant quelle séloigne.
À peine la porte dentrée se fut-elle refermée que je fonçai en direction de ma chambre.
— Louis, attends ! lança mon père derrière moi.
— Je nai pas envie de te parler pour le moment.
— Ne fais pas lenfant, voyons.
— Pardon ? mécriai-je en faisant volte-face. Cest mon beau-père qui paie le loyer de cet appartement. Il la choisi pour des raisons de sécurité, parce quil ne voulait pas que Nathan puisse matteindre. Tu y as pensé pendant que tu baisais sa femme ?
— Reste polie, je te prie. Tu es toujours mon fils.
— Cest vrai. Et tu sais quoi ? lançai-je. Cest la première fois de ma vie que jen ai honte.
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Crossfire III (Version Larry)
FanfictionParce qu'il me savait menacé, Harry avait pris des risques insensés. Pour me protéger, il s'était chargé du pire des fardeaux. Son geste était la plus bouleversante des preuves d'amour, mais il nous séparait autant qu'il nous rapprochait. Prisonnier...