Nirvana

56 8 1
                                    

Greyson

- Des cafards? Qui a encore peur des cafards de nos jours? Je demande en me retenant de sourire
- Eh bien moi monsieur j'ai-tué-un-serpent-à-dix-ans. Et je n'en ai pas honte.
Elle lève le menton pour se donner du courage. Je ne pourrai pas me retenir de rire encore longtemps.
- Je crois que si madame je-fais-des-monophrases-avec-tout-et-n'importe-quoi.
- Bon d'accord c'est la honte.
Et elle éclate d'un rire sonore adorable qui la rajeunit, le millième de la soirée, tandis que moi je souris doucement dans ma barbe en soupirant d'aise, comme à chaque fois qu'elle a éclaté de rire. Car c'est vrai. Je suis vraiment très à l'aise. Je me sens tellement bien en sa compagnie que ça me surprend moi-même.
Elle est tellement drôle et rafraîchissante, elle me pose des questions avec intérêt et moi je m'abreuve de chaque information qu'elle me donne d'elle, de son enfance, de son pays. Elle est vraiment très ouverte. Nous abordons tellement de sujets que je ne saurais les dénombrer à l'heure actuelle. Un moment nous parlons de nos boulots respectifs, de notre passion pour notre vocation, moi du dessin et elle de l'altruisme que requiert la médecine, elle m'illumine et m'abreuve de tout ce qui fait qu'elle soit si spéciale à mes yeux. Nous avons déjà bu trois bouteilles de vin et la quatrième pleure déjà une moitié.
Je ne remarque même pas que le restaurant est vide depuis longtemps et que nous sommes les seuls clients qu'il reste. Il aurait dû fermer depuis une demi heure déjà mais lorsque le superviseur me l'a discrètement annoncé - pendant que ma belle commandait un autre dessert - je lui ai fait comprendre que je paierais pour le surplus en lui glissant une de mes American Express. Il a d'ailleurs été tout de suite plus coopératif en nous déposant cette bouteille que nous assassinons ensemble.
- J'adore la nuit. Je ne sais pas pourquoi j'ai toujours été fascinée par la nuit. Le monde a l'air de vivre à ce moment-là. C'est juste...magique. Conclût Annaëlle après m'avoir exposé la raison qui faisait qu'elle adorait les belles vues.
- Moi aussi. Tout a l'air plus vaste. Plus beau. Plus pur. Je la rejoins complètement dans son point de vue.
- Oui c'est ça!!
Et elle repart d'un rire enfantin qui m'enchante. Mais elle s'arrête brusquement et commence à respirer un peu plus vite. Elle ferme les yeux, l'air de vouloir se ressaisir, puis plante son regard ardent et doux dans le mien. Je ne me lasse pas de la regarder. Elle est d'une beauté artistique. Comme peinte par un maître. Comme peinte pour moi...
- C'est fou j'adore passer du temps avec toi... Dit-elle rêveuse.
J'inspire brusquement à cette phrase. Je sais depuis cet après-midi que ma déesse est une femme très franche et directe. Elle réfléchit peu avant de donner ses opinions et est très crue dans sa manière de dire les choses. Elle n'a peur de rien ni de personne. Elle ne se laisse pas influencer. J'ose à peine imaginer ses colères, elle doit être une vraie tigresse. Elle dégage une assurance et une authenticité à couper le souffle. J'ai bien vu les regards qu'elle suscitait aujourd'hui. A elle seule elle illuminait le restaurant. J'ai dû plusieurs fois me retenir de ne pas répéter le coup de poing que j'ai mis à l'autre pervers chez tous les autres qui la mataient. Certains moments, je dois avouer que le sentiment de possessivité que je ressens quand il s'agit d'elle me donnait le vertige au point qu'il me fallait serrer la table pour me reprendre. Dans ces moments-là, sans me demander ce qui me rendait tendu - je crois qu'elle l'avait compris vu mes regards meurtriers - elle me caressait doucement la main avec ses petits doigts, et toute la rage disparaissait d'un coup. Quand j'arrivais à me calmer elle me récompensait d'un regard tellement doux, presque intime, comme pour me confirmer qu'elle n'appartenait qu'à moi. Car c'est le cas. Aussi longtemps qu'elle s'intéressera à moi, elle ne sera qu'à moi et à moi seul.
- Tu peux arrêter maintenant Ly. Il n'y a plus aucun autre homme au restaurant. Alors range ce regard de tueur s'il te plait. Dit-elle en souriant
- Je sais mais je ne peux pas m'en empêcher. Dis-je pince-sans-rire. Tu m'as appelé comment ?
- Oh... Désolée c'est sorti tout seul..
- Non non tu peux m'appeler comme tu veux chocolat. Lui dis-je avec une douceur qui me surprend de plus en plus.
- Ly signifie miracle chez moi. C'est à cause de tes yeux que j'y ai pensé. Et j'aime bien t'appeler comme ça dans ma tête. Dit-elle avec un sourire d'excuse
- Alors appelle moi comme ça à voix haute si tu en as envie. Tu n'es pas la seule à donner des surnoms secrets tu sais, dis-je en pensant à tous ceux que moi je lui ai donné
- Ah oui? Et c'est lequel ton préféré me concernant ?
- Ma déesse. Dis-je le plus naturellement du monde
Avec une autre femme, je ferais preuve de plus de retenue, de courtoisie, de politesse. Mais avec elle j'ai juste envie de parler avec toute la liberté et la franchise qui me caractérise réellement. Enfin une femme avec qui je peux dire exactement ce que je pense. Pourquoi m'en priver ?
Là c'est elle qui inspire profondément et me regarde avec un air de propriétaire qui m'enchante et m'excite. Je ne sais pas pourquoi ça me plait autant d'ailleurs. Je ne me comprends pas quand il s'agit d'elle. Plus j'y réfléchis plus je suis embrouillé. Ça doit être le fait d'être avec une femme qui me plait réellement qui me met dans cet état. J'ai tellement envie d'elle que mon corps entier en tremble. D'ailleurs vu le désir que je lis dans son regard  elle doit ressentir la même chose. J'ai en permanence l'impression que nous sommes connectés.
- Je suis désolée...me murmure-t-elle avec un degré de sensualité qui accélère ma respiration
- Pourquoi donc? Demandai-je avec curiosité
- L'alcool agit sur moi comme un aphrodisiaque. Et là j'ai juste envie de te sauter dessus..
Putain de merde! Je serre mes mains sur mes cuisses pour me retenir de lui sauter dessus après sa déclaration. Cette femme aura ma peau si elle continue de m'émoustiller avec autant de facilité. Le regard qu'elle me lance en ce moment est une promesse de toutes les choses qu'elle a envie de me faire et le mien doit être pire.
Nous nous fixons longuement en nous envoyant mentalement des messages plus qu'indécents.
- Annaëlle...Grondai-je pour la prévenir.
Elle me sourit de manière féline puis je sens le bout de son escarpin qui me frotte la jambe lentement. D'accord. Elle me veut. Elle m'aura. Je prends un visage sérieux, j'inspire profondément.
- Chocolat, l'appellais-je d'une voix rendue rauque par le désir, es-tu sûre d'être prête à y aller? Parce que dès le moment où je t'aurai dans mes bras je te préviens je ne te lâcherai plus. Tu seras entièrement à moi. Et je ne me priverai pas de faire en sorte que tous les hommes qui te tournent autour le sachent. Je suis extrêmement possessif, je suis impulsif et ma froideur est parfois très difficile à vivre. Je te veux Annaëlle je te l'ai dit. Je te veux toute à moi.
Elle entrouvre la bouche de stupeur et me regarde en clignant des yeux. J'espère ne pas l'avoir choquée. J'attends qu'elle me reproche d'être un goujat mais elle n'en fait rien. Passée sa stupeur elle se lève doucement de sa chaise et se dirige à pas d'escargots vers moi. J'en profite pour l'admirer sans gêne. Bon sang... Le corps de cette femme est un appel à tous les péchés. Sa taille est si fine et sa poitrine si appétissante... Elle a une démarche de chat, de reine, de déesse. MA déesse...
J'ai une brusque montée de désir tandis qu'elle vient se placer devant moi. Elle est si forte que j'en ai la chair de poule. Nous nous observons en silence. Je ne sais comment nous parvenons toujours à communiquer par les yeux. C'est fascinant et troublant à la fois. D'instinct, comme si j'avais compris son ordre muet, je remonte doucement mes mains de ses cuisses à son bassin. La douce texture du tissu nous arrache à tous les deux un soupir de plaisir pur. Mes mains explorent délicatement les douces collines de ses hanches, puis les vallées de ses reins, jusqu'à arriver en dessous de ses seins. Je m'y arrête et lève à nouveau les yeux vers elle.
Bordel de merde! Son regard est noyé de désir entamé, de plaisir embrasé. Je n'attends qu'un signal de sa part et je ne pourrai plus retenir la bête. Elle pose délicatement ses petits doigts que j'adore sur les miens et les fait enserrer sa taille. Je l'attire plus près de moi et plonge mon visage sur son ventre. Elle sent divinement bon, comme au bureau, comme au gala. Un parfum floral délicat que l'on ne sent réellement que lorsqu'on est très près d'elle. Je m'en délecte et m'en abreuve comme un camé en manque. Je la sens respirer plus vite sous le mouvement de mon nez sur son abdomen. Je ne peux pas résister et je me mets à lui faire de tendres baisers sur le coquon de plaisir où je me trouve.
Elle soupire de plaisir et passe délicatement ses doigts dans mes cheveux. Notre échange est si doux qu'il en est trompeur. Il ressemble à un tendre moment alors qu'il n'est que le prémice d'un déluge de désir trop longtemps retenu.
Je me relève en déposant de petits baisers sur le long de son buste jusqu'à parvenir à ses lèvres. Dès qu'elle sent que je vais y plonger elle met ses doigts sur ma bouche pour me retenir. Je la regarde en attendant qu'elle me donne le la. Elle tend l'autre main pour récupérer son sac à main tandis que je la tiens toujours fermement à moi. La note ayant déjà été payée nous n'avons plus aucune raison d'attendre ici. Tandis qu'elle tente tant bien que mal de sortir un pourboire de son sac avec une seule main, je mords et lèche délicatement les doigts de l'autre restée sur ma bouche. Elle fait mine d'avoir mal en retirant ses doigts et instinctivement se mord la lèvre inférieure. Ça en est trop pour moi.
Je n'ai pas le temps de réfléchir à mon geste que ma main se retrouve sur sa nuque et que je la tire brusquement à mes lèvres en grognant.
Il n'y a pas de mot pour décrire le baiser que nous échangeons. Aucun... Je ne sais même pas combien de temps il a duré, ni comment nous nous sommes retrouvés dans ma voiture, moi essayant de mettre ma ceinture et de l'embrasser en même temps, elle se retenant de grimper à califourchon sur moi. Je ne me rappelle même pas du trajet jusqu'à chez moi, seulement de nos baisers entre deux feux rouges et de nos doigts entrelacés. Mais je ne pourrai jamais oublié ce qui s'est passé quand nous sommes entrés chez moi, bouches et corps liés comme deux bêtes sauvages. C'était...intense. Oui c'est le mot. Intense.
J'arrive après maintes reprises à allumer la lumière de l'entrée et à mettre en marche la sono. C'est Chantal Kreviazuk qui accompagne nos baisers enflammés jusqu'à ma chambre. Alors que nous essayons de progresser jusqu'à mon lit, nous trébuchons sur un pied de chaise et tombons à la renverse sur le tapis moelleux.  Annaëlle, fidèle à elle-même éclate de rire. Pendant un moment le désir s'estompe un peu pour me permettre de savourer ce pur moment de simplicité et de bien-être. Je lui caresse les cheveux tandis qu'elle savoure les restes de son rire. Je la regarde tout simplement et un sentiment étrange me prend de court. Il est bref et puissant, comme un électrochoc. Il est trop rapide pour que je comprenne ce qui vient d'arriver. Mais après lui une douce et profonde chaleur m'envahit. Et tout ce que je veux à l'instant précis, c'est de serrer Annaëlle dans mes bras. Et c'est ce que je fais. Elle se contracte d'abord de surprise puis me sert aussi dans ses bras en me caressant le bas de la tête. J'adore quand elle fait ça.
C'est sous le refrain de Feels like home que je baisse doucement la fermeture éclair de la robe de ma belle. J'expire de plaisir en caressant la peau chaude de son dos. Je la sens déposer de petits baisers dans mon cou qui me font respirer plus fort encore. Nous nous effeuillons lentement, en opposition au feu qui nous consume, en répandant sur le corps de l'autre des baisers de pure adoration. Quand nos lèvres se rejoignent à nouveau et que nos bras serrent nos corps nus, le monde s'efface. Complètement. Je ne la sens plus qu'elle. Elle et la musique. Je sais que cette nuit sera longue. Très longue, mais qu'elle ne me suffira jamais. Je sais que je ne l'oublierai jamais et elle non plus. Je sais que quelque chose se passe en ce moment même si je ne comprends pas quoi. Cette femme... Je suis perdu...
Elle sent mon désarroi et me regarde pour me reconnecter à elle. Son regard me donne son courage et sa paix. Il me dit qu'elle aussi elle est perturbée par notre Nous, qu'elle aussi a peur de ce qui se passe.
- Je veux que tu vives Ly... Laisse moi t'aider à vivre. Dit-elle en murmurant
Je n'ai pas de mot. Je sens comme une chaîne se briser en moi, un fardeau devenir plus léger. Je me reconnecte complètement à elle et referme notre bulle, notre Nous. Et tandis que je la pénètre enfin, je perds le souffle de vie. Pour renaître encore en elle. C'est si puissant que je dois m'accrocher à son regard larmoyant de notre trop-plein d'émotions pour ne pas faillir. Et tandis que je meurs à nouveau en elle, la seule chose qui me parvient encore est la voix envoûtante de Chantal, comme un écho à mon propre émoi.

Je me sens enfin chez moi.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Feb 13, 2017 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

À travers ses yeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant