Y a-t-il un moment exact, précis, où se situe le début d'une histoire ? Commence-t-elle à la naissance d'un personnage ? Mais pour comprendre l'histoire, il faut souvent remonter bien avant. Finalement, toute histoire ne commence-t-elle pas au commencement du monde ? Nul ne peut déterminer son début avec exactitude ; sans doute n'y en a-t-il pas qu'un seul possible mais une infinité.
Pour ma part, j'estime que l'histoire de Mathilde Licaux commence ce doux matin d'octobre. Elle est dans la cour du collège, en rang avec les autres élèves de sa classe, mais solitaire, pensive. Un garçon de sa classe, en passant, lui fait remarquer :
-T'as une coccinelle sur l'épaule.
Mathilde tourne la tête. C'est vrai. Il paraît que quand une coccinelle se pose sur quelqu'un, il doit faire un vœu et quand elle s'envole, elle emporte ce vœu avec elle et pour le réaliser. Mathilde trouve ces superstitions rigolotes. Et comme elle sent monter en elle une vague de mélancolie, comme cela lui arrive souvent, elle décide de faire une entorse à son habitude, (qui est de ne jamais avoir d'espoir inutile). Elle ferme les yeux et elle demande avec ferveur :
"Je voudrais qu'il m'arrive quelque chose d'incroyable, quelque chose qui n'est jamais arrivé à personne avant moi."
Quand elle ouvre les yeux, la coccinelle s'envole et la laisse à sa solitude. Aussitôt, Mathilde s'en veut de s'être laissée aller et décide d'oublier tout de suite ce vœu débile.
C'est le dix-huit novembre. La sonnerie vient de retentir. Mathilde sort dans la cour dans le vent froid d'automne. Pendant que les autres élèves se regroupent entre amis, elle se dirige toute seule vers un coin où elle sait qu'elle peut être tranquille tout en ayant une vue sur la plus grande partie de la cour. Au fur et à mesure que les adolescents sortent, l'espace se remplit : l'établissement compte des classes de la sixième à la terminale, ce qui fait beaucoup de monde.
Mathilde s'appuie contre le mur et s'adonne à son activité favorite : regarder les gens. Et écouter, tout ce qu'elle peut entendre. Elle aime saisir ainsi des bribes de vie, à l'insu de tous. Elle est souvent étonnée du manque de prudence des gens, qui parlent de choses personnelles, persuadés que personne ne peut les entendre. D'un autre côté, ils n'ont rien à craindre avec Mathilde : ce n'est pas elle qui va répéter leurs secrets à tout le monde.
A l'autre bout de la cour, un jeune garçon de seconde descend un escalier en riant avec ses amis. Malgré la distance, Mathilde le reconnaît immédiatement. Il traverse le collège jusqu'au portail, et passe donc tout près de la jeune fille. Il arrive rarement à Mathilde d'être jalouse, mais c'est pourtant le sentiment qu'elle éprouve en observant les amis du jeune garçon. Parmi eux il y a autant de filles que de garçons. Parfois elle abandonne un instant sa propre vie et rêve d'être à leur place. Mais elle revient vite à la raison : elle ne veut pas rêver.
Le groupe d'adolescent est arrivé au portail et ils sortent du collège. Mathilde détourne le regard et réprime une soudaine déception. Elle ne le verra plus aujourd'hui. La sonnerie résonne à nouveau et c'est sans regrets que la jeune fille retourne en cours. Pour elle, la récréation, c'est le pire moment de la journée. C'est le moment où son esprit, désœuvré, court le plus de risques de vagabonder vers les pensées dans lesquelles elle ne veut pas s'aventurer. Alors elle observe, elle écoute, elle apprend, elle fait n'importe quoi pour s'occuper. C'est le moment où les autres rient sous cape en la voyant seule. Enfin, ça n'arrive plus trop maintenant : elle a appris à être discrète. Parfois aussi elle passe un peu de temps avec son amie, Estelle, quand elles ont les mêmes horaires, quand elles parviennent à se trouver. Cela n'arrive pas si souvent que ça. Parfois Mathilde voit son amie dans la cour avec d'autres filles, alors elle préfère ne pas les déranger. Elle sait que les autres ne l'apprécient pas, et elle sait aussi qu'Estelle ne voudra pas les laisser, qu'elle lui proposera de se joindre à elles.
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Colombe
ParanormalUn matin, une coccinelle se pose sur l'épaule de Mathilde. Que faire ? La plupart des personnes dans cette situation feraient un vœu. Mais ce n'est pas le genre de Mathilde de faire des vœux, ou en tout cas, ça ne l'est plus... Pourtant Mathilde fai...