Chapitre 5

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Sad song - We the King

*

Hugo n'était jamais allé chez Éva. Mais il ne fut presque pas surpris en apercevant le style de la maison. Une petite habitation traditionnelle avec beaucoup de fleurs. Elles envahissaient le jardin et apportaient une petite touche de vie et de couleur devant les murs beiges et fades. En bref, une maison qui correspondait à Éva et, sûrement, à sa famille.
Ils sortirent de la petite voiture un par un et traversèrent l'allée qui les séparait de la porte d'entrée. Mais, à part les sanglots des adolescents, seuls les chants de quelques cigales et le silence se faisaient entendre. Un silence sinistre et oppressant. Un silence que personne n'aimerait connaître. Et encore moins si jeune.
Hugo savait déjà que ses amis ne retourneraient pas en cours pendant un bon moment -quoique, Matthieu serait sûrement obligé- mais le brun avait décidé qu'il irait. Il avait toujours aimé être remarqué mais ne faisait pas grand-chose pour. C'était donc le moment parfait. Il allait enfin attirer des regards, de pitié sûrement, mais des regards quand même. Quelque chose qui prouverait qu'il existe réellement. Qu'il était toujours en vie, qu'il existait. Peut-être même qu'une fille tomberait amoureuse de lui. Mais Hugo n'y croyait pas, car il n'était jamais réellement tombé amoureux. Il y avait bien eu cette fille, en primaire. Une camarade de classe qui sautillait partout et semblait ne faire qu'un avec la joie. Il ne se souvenait pas de s'il l'avait déjà vu pleurer mais il ne se souvenait pas non plus vraiment d'elle. Ses yeux étaient verts et ses cheveux blonds, voilà tout ce qu'il se rappelait. Son prénom ? Il n'en avait aucune idée. Son visage ? C'était le noir complet. Son caractère ? Elle était joyeuse, il ne pouvait rien dire d'autre.
Ses parents lui avaient maintes fois répété que "L'amour, c'est pour les grands, tu verras plus tard." mais le petit garçon était trop curieux pour ça, il avait donc porté son dévolu sur cette petite blonde dont il ne se souvenait pas. De toute façon, qu'était-ce réellement que l'amour, celui avec un grand A ? À dix-sept ans, il ne savait toujours pas et ça ne le dérangeait pas. L'amour n'était pas quelque chose qui l'intéressait vraiment. Il avait toujours préféré se concentrer sur son cerveau que sur son cœur. Seuls sa famille et ses amis faisaient exception à la règle. Parfois.

- Asseyez-vous dans le canapé, je vais vous mijoter quelque chose qui va vous plaire. Ordonna Aïcha, la mère d'Éva.

L'adulte leur fit un clin d'œil et partit en direction de ce qui semblait être la cuisine. Hugo imita les autres et s'assit lourdement sur un canapé en velours. Il regarda ses amis se morfondre et se demanda une nouvelle fois pourquoi il ne ressentait rien. Était-il un monstre ? Léa n'aurait jamais voulu qu'il dise ça mais, honnêtement, il n'avait que faire de l'avis d'une morte. C'était du passé et Hugo avait tendance à se concentrer sur l'avenir. Mais malgré tout, il savait que ne rien ressentir n'était pas normal. Culpabilité ? Remords ? Regrets ? C'est comme si ça n'avait jamais existé.

- On va se régaler !

Aïcha rentra au même moment dans le salon et déposa un plateau sur la table basse face à eux. Elle remarqua bien vite les faux sourires se former sur le visage des adolescents mais essaya de rester positive quand même. Ils ne vont pas s'en remettre en deux minutes. Se dit-elle pour garder sa confiance.

- Vous pouvez manger, ce n'est pas toxique.

Éva lança un regard noir à sa mère. La boule qui s'était formée dans l'estomac des cinq amis les empêchait d'avaler quelque chose. Aussi appétissant soit-il. Habituellement, ils se seraient sûrement jetés sur les bons plats d'Aïcha. Surtout sur ce qu'elle venait de préparer. Des tasses hautes multicolores, remplies de chocolat chaud, décorées de chantilly et saupoudrés de cacao et confetti en sucre trônaient en cercle autour d'un gâteau, fait la veille, sur le plateau coloré.
Simon fut le premier à se servir, avec un sourire forcé. Élodie et Hugo le suivirent rapidement, prenant dans leurs mains les tasses chaudes alors qu'Éva et Matthieu faisaient encore un soupçon de résistance. Ils cédèrent finalement, ne pouvant plus sentir cette bonne odeur de chocolat fondu sans y goûter. Les chocolats chauds d'Aïcha étaient merveilleux. N'importe quelle personne ne pouvait s'empêcher de les déguster.

Crâne d'ArgentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant