Chapitre 4

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La porte s'ouvre en émettant un horrible grincement. Lucille froisse son visage en miroir, comme si faire une grimace allait empêcher le bruit. La réponse est bien évidemment non. Grelottante d'une peur mal dissimulée, elle se glissa à pas de loups entre le petit interstice de la porte et le mur. Pas besoin d'ouvrir plus et d'alerter toute la maisonnée. Plaquant ses doigts collants de banane contre le mur dans la plus parfaite imitation du gecko, elle fait quelques pas en crabe, histoire d'avoir un meilleur aperçu de l'endroit où elle se trouve.

Sans surprise, elle se retrouve dans un couloir. En dehors du peu de lumière présent, il semble figé dans une immense toile d'araignée qui aurait arrêté le temps. Elle a beau ne rien connaître au design et tous les trucs ronflants de décoration, elle arrive à identifier du mobilier ayant au bas mot plusieurs centaines d'années. C'est moche.

Pardon. "Ce n'est pas à son goût" comme aimait à la reprendre son père.

Un petit sourire triste tire mollement le bord de ses lèvres. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas songé à lui. Depuis l'enterrement en fait. Un nouveau frisson lui traverse l'échine. Non, ce n'est pas le moment de penser à lui, au passé. Elle n'en a pas le temps et surtout pas ici. Elle ne sait toujours pas où elle a atterrit mais c'est clairement un endroit où il est mortel de rêvasser.

- Eho ? Lance-t-elle doucement

L'écho de l'endroit lui renvoi son appel, mais assourdi. Personne.

Il va maintenant falloir se décider sur quel côté prendre. La gauche qui mène vers une intersection sur la droite ? Ou la droite qui mène à une intersection sur la gauche? Pour un peu elle rigolerai. C'est soit une vaste blague de l'univers, soit un putain de hasard. Ne laissant aucune place au hasard, elle opte pour une vaste blague de l'univers. De toute manière les deux côtés sont exactement identiques, même décoration, même tapis, mêmes sièges pourris, même moquette, rien qui puisse lui donner un quelconque indice.

Décollant le dos du mur, elle se décide finalement pour le couloir de droite qui tourne à gauche.

La moquette sur laquelle ses pieds se posent est douce et moelleuse. Elle y prendrait presque plaisir s'il n'y avait pas les volutes de poussières qui se soulèvent à chaque pas, dansant autour d'elle et dérangeant des petits habitants à huit pattes sur leur passage. Tout simplement dégueulasse. Des mains, elle visite chaque meuble sur sa route. Elle caresse leur surface, laissant des traces de doigts, de main quasi parfaite dans la poussière. Elle cherche une arme, un indice, quelque chose lui permettant de se défendre ou de savoir où elle se trouve. Il n'y a rien d'utile. Les napperons miteux s'effritent sous ses doigts, les quelques chandeliers qu'elle saisit se dissolvent dans sa main, tout semble s'évanouir dès qu'elle s'en empare.

Une sueur froide et gluante lui descend le long de l'échine. La tête lui tourne de plus en plus. La banane devait pas être fraiche ... Quoi que son estomac et son système digestif à l'air de marcher correctement, c'est au niveau de la tête que ça flanche.

Son épaule droite vient heurter dans un bruit sourd le mur. Elle a du mal à mettre un pied devant l'autre, sa vision tanguant dangereusement. Les jurons qui fleurissent sur ses lèvres sont tout sauf gracieux. Pour avoir testé pas mal de drogue, elle a l'impression d'être sous l'emprise de l'une d'elle. Elle ne sait plus laquelle, elle n'a jamais appris les noms, seuls les effets comptent. On a dû, non, on l'a drogué à son insu. Les yeux ne servant plus à rien, elle fait glisser ses mains sur son corps, dans le pli de ses coudes à la recherche d'une fine marque, d'un petit cratère de la taille d'une tête d'épingle. Rien. En grognant, elle se penche, touche l'arrière de ses genoux. Rien à la jambe droite. Sur la gauche, elle remarque un petit relief qu'elle sait ne pas être là précédemment. Une nouvelle insulte. Plus violente celle-là.

Elle se redresse un peu trop vite, ses sens croient que le mouvement se prolonge et le corps suit, l'envoyant valser en arrière. Sa tête cogne contre le coin d'un meuble, lui envoyant une pluie d'étoiles filantes devant les yeux. Elle s'effondre comme une chiffe molle, emportant avec elle ce qui se trouve sur le meuble. Ses pensées se brouillent, commence à s'enfuir comme le sang qui perle de son crâne. Un voile noir se dresse entre elle et le monde, elle lutte, vainement.

Blackout complet.

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Sweet LunacyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant