L'entre-deux

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Tout ce qu'elle se souvient c'est l'odeur du produit. Cette chose au fond de ses narines qui a annihilé sa volonté, sa force de résister. Elle se dit que non. Ce n'est pas possible. Elle n'avait jamais été agressée. Elle faisait toujours attention, elle avait même une bombe au poivre dans son sac. C'était bête. Vraiment trop bête ...

Allait-elle être violée ? C'était sans doute probable. Et elle ne pouvait rien dire, rien faire. Sans doute se met-elle à pleurer là où elle se trouve. Dans toute sa vie elle n'avait jamais pensé qu'elle se ferait violer. On ne pense jamais - on espère - ne jamais se faire souiller ainsi. Mais apparemment c'était son tour.

Les brumes qui la retiennent se dissolvent peu à peu. Lentement, extrêmement lentement. Juste assez pour savoir qu'elle peut essayer de s'en sortir. C'est une sensation assez étrange qu'être dans le brouillard. C'est un peu comme .... Nager dans de la guimauve liquide. Y bouger est un calvaire, pourtant on peut y arriver. Enfin ... On espère .... Freja parvient à ouvrir les yeux, c'est flou, elle n'y voit rien ou très peu. Sa bouche est horriblement sèche et forme des mots qu'elle ne peut prononcer : "à l'aide". Évidemment, personne ne le remarque. Sa tête accepte de bouger vaguement. Sa vue ne s'adapte pas. Mais des ombres bougent quelque part. La conscience de son corps arrive doucement, peu à peu. Juste assez pour sentir qu'elle n'est ni couchée, si assise. Elle est entre les deux, et le plus étrange, c'est la position de ses pieds. C'est ....

L'une des ombres se tourne vers elle et pose quelque chose sur sa bouche.

Non, non, pas encore !

A peine le temps de comprendre, déjà elle retourne dans le brouillard.

Non ....

Cette fois ci elle n'a pas conscience du temps qui passe. Elle n'en avait pas non plus conscience. Mais cette fois ci elle n'arrive pas à se raccrocher, à émerger d'elle-même. Il lui faut attendre que le produit se dissolve de lui-même dans son corps. Quand ses yeux s'ouvrent à nouveau, elle n'y voit toujours rien. Elle soupire, gémit doucement mais n'arrive pas à bouger plus que ses yeux. Elle les referme. Se rendors ou reperd connaissance.

Seulement lorsqu'elle reprend à nouveau connaissance une troisième fois, elle est à nouveau maîtresse d'elle-même. Enfin, à 85%. Elle tente de se relever et rencontre un empêchement. Immédiatement son cœur s'affole. Elle panique, s'agite et tente de s'en sortir. Des petits bruits affolés sortent de sa bouche, elle est attachée, retenue, elle ne peut pas bouger.

Et l'horreur ne semble pas finie. Elle est attachée, sur un siège de gynécologue, les jambes écartées, un drap lui cachant son bas ventre. Elle revit les pires instants de ses visites chez le praticien. Elle a toujours détesté ça, quelqu'un qui vous trifouille cette partie la plus intime n'est pas quelqu'un en qui on peut avoir confiance. Il est là, il fait des choses qu'on ne peut pas contrôler. Qui sait ce qui ....

Non. Non elle s'interdit de penser à quoi que ce soit. Surtout pas à ça. Sinon elle va juste réussir à faire une crise d'angoisse. En parlant d'angoisse, elle semble déjà avoir les deux pieds dedans, harnachée comme une pouliche les jambes écartée. Elle se secoue, tire sur ses bras et ses jambes, il faut qu'elle sorte. Pourquoi est-elle muette ? Pourquoi ne peut-elle pas hurler comme tout le monde et appeler à l'aide? Elle doit se contenter de s'agiter frénétiquement et meugler des sons inarticulés. Et tout ce qu'elle parvient à faire, c'est faire glisser le drap, dénudant son intimité aux yeux de tous. C'en est trop, les larmes qui menacent depuis tout à l'heure cèdent pendant que ses muscles sont agités de soubresauts, s'étirant et pompant comme si elle faisait une crise d'épilepsie. Tout pour s'en sortir.


Sweet LunacyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant