Chapitre 12-2

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— Si se soucier des autres, reviens pour vous, à se comporter comme une ado hystérique...alors j'assume, lui balançais-je d'un ton à peu près calme malgré ma colère. Mais je ne trouve pas qu'elle soit disproportionnée. Après tous ce que vous venez de me balancer...

— Bon écoutez, j'ai peut-être été un peu brusque, mais...

— Un peu brusque, l'interrompis-je avec un ricanement moqueur. En effet je pense que l'on peut dire ça !

— Bon ça suffit ! Dit-il d'une voix grave et grondante toute en se relevant à son tour. Ça ne vous fait peut-être pas plaisir, mais c'est la vérité. Vous ne réfléchissez pas et réagissez toujours au quart de tour...

— Eh bien il va falloir vous y faire.

— Rrr...tout ça ne mène à rien, marmonna-t-il en se passant rageusement les mains dans les cheveux.

— Écoutez, Elana ne risque rien car elle n'est pas comme nous...

— Ce n'est pas ce qu'avait l'air de penser Quint, lui rétorquais-je avant qu'il n'ait le temps de terminer sa phrase.

— Quint est un crétin quasiment incapable de réfléchir par lui-même. Mais même lui, après l'incident de l'infirmerie, se rendra à l'évidence.

— Quelle évidence ?! Et d'ailleurs, que c'est-il exactement passé à l'infirmerie, lui demandais-je avec intérêt.

— J'ai utilisé mon aptitude pour les neutraliser et je me suis rendu compte récemment qu'elle ne fonctionne que sur les personnes « normales ». Elana a été touché, donc...

— Et si ils n'arrivent pas à la même conclusion que vous, que vont-ils lui faire ?

— Juste effacer ses souvenirs des événements, me dit-il rapidement.

— ...et c'est tout, lui demandais-je sceptique. Pourquoi avoir employé des moyens aussi extrêmes pour me tirer de là, si tout ce que je risquais n'était qu'un petit remaniement de mémoire ?

— Car ce petit remaniement de mémoire, comme vous dites, est définitif. Et que vous, vous ne devez pas oublier...et surtout que j'en avais marre de jouer les profs à midinette, me sortit-il subitement. Bon maintenant il faut y aller. La suite des explications se sera pour plus tard, dit-il d'un ton sans réplique en allant ramasser la torche et le sac en toile.

Voyant que je n'avais pas bougé d'un pouce et que je le fixais toujours d'un regard hostile, il revint vers moi en poussant un énième soupir excédé. Sa démarche me sembla moins fluide et moins assurée que d'habitude. En fait, il avait carrément l'air de boiter. À moins que ce ne sois un effet du manque de lumière ou de mon imagination. Je ne pus m'empêcher d'avoir un mouvement de recul quand il s'approcha de moi avec le sac.

— Rrrr...Cessez de vous inquiéter, me rabroua-t-il sèchement. Je crois que vous m'avez démontré de manière très efficace, que la cagoule n'était pas une bonne idée. Me croyez-vous vraiment assez bête pour réitérer l'expérience ?

— Non, vous n'êtes pas bête...vous êtes imprévisible et je n'ai aucune confiance en vous, lui répondis-je en reculant encore d'un pas.

— Pourtant il va bien falloir, me rétorqua-t-il avec un sourire mauvais tout en m'empoignant fermement pour m'entraîner sans douceur derrière lui.

— Lâchez-moi tout de suite, lui ordonnais-je froidement d'une voix qui ne me ressemblait pas et me surprit moi-même.

Cela le stoppa net dans son élan et c'est avec plaisir que je constatais la surprise dans ses yeux, au moment où il se retourna pour me dévisager. Je ne faiblis pas et soutint son regard hostile sans ciller. Au bout de quelques secondes, un sourire sarcastique apparut sur ses lèvres et il commença à relâcher doucement sa prise sur mon poignet mais sans me libérer totalement. Je me contentais d'attendre sans rien dire et sans le quitter des yeux, me doutant que cela finirait par suffisamment l'énerver pour qu'il cède...et vu la patience qu'il avait manifestée jusqu'à présent, cela ne devrait pas prendre trop longtemps, me dis-je avant de jubiler intérieurement au moment où il me lâcha pour de bon.

— Voilà, vous êtes contente ?

— Oui merci, me contentais-je de lui répondre sur le même ton ironique que lui.

— Maintenant que votre petite crise de rébellion est passée, vous allez enfin me suivre sans faire d'histoire, ou ça va être comme ça à chaque croisement ?!

— Ravalez votre condescendance et vos sarcasmes, m'énervais-je pour de bon. Je vais vous suivre parce-que je n'ai pas le choix...mais n'essayez plus de me forcer la main.

— Très bien...alors allons-y, dit-il en se retournant après m'avoir observé pensivement pendant quelques secondes.

Je le suivi, satisfaite d'avoir enfin osé me rebiffer. Le soupçon de doute et de respect que j'avais vu passé dans son regard au moment où il m'observait, me laissais penser qu'il avait peut-être changé d'opinion à mon égard...et qu'avec un peu de chance, son comportement prendrait le même chemin. Il me conduisit donc vers le fond de la caverne, qui au final n'était pas très grande, où nous nous retrouvâmes une nouvelle fois devant un enchevêtrement de boyaux sombres semblant ne mener nulle part. Mais où étions-nous à la fin ? Dans un premier temps, je pensais que nous nous trouvions dans un sous-sol naturel, mais plus nous avancions et plus cela ressemblait à un labyrinthe sophistiqué...ou à un gigantesque gruyère, pensais-je subitement en me retenant de glousser bêtement. Je ne sais pas ce qui me prenait tout à coup, mais j'avais une irrépressible envie d'éclater de rire. La fatigue et le stress sans doute.

— Bon. Serait-ce trop vous demandez de fermer les yeux, me demanda-t-il dans un soupir appuyé, sensé me faire subtilement comprendre ce qu'il pensait de toutes ces tergiversations inutiles.

— Franchement, vous me croyez vraiment capable de retrouver mon chemin dans ce dédale même si je vois où nous allons ?

— On ne sait jamais...notre politique est de ne prendre aucun risque inutile. Ce qui nous a plutôt réussis jusqu'à présent, m'expliqua-t-il en essayant de masquer son impatience.

J'étais fortement tenté de lui demander qui était ce nous...mais je m'abstins, de peur de le voir éclater sous la pression, si jamais j'osais lui poser une autre question.

— Si vous y tenez tant que ça, finis-je par capituler d'une voix lasse pour avoir la paix et que tout cette fuite cauchemardesque se termine enfin.

— Très bien, mais vous allez devoir me laisser vous guider...ce serait dommage que vous vous assommiez, me dit-il avec un demi-sourire tout en s'approchant prudemment.

— Ok, me contentais-je de lui répondre avant de fermer les yeux et de me laisser entraîner dans les ténèbres, par un homme en qui j'avais de moins en moins confiance.

Isolated SystemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant