Chapitre 8

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  Axelle était restée plantée en plein milieu du salon pendant que Pierre titubait jusqu'à l'une des chaises. Il s'y installa et fixa la jeune femme avec étonnement.

- Tu te souviens de ... tout ? » Répéta-t-il bêtement, faisant naître un semblant de sourire sur le visage d'Axelle.
- Depuis ce matin. » Confirma-t-elle avec une petite moue.
- Et comment tu te sens ? » Questionna Pierre ne sachant pas trop quoi dire.
- Je ne sais pas. Mon père est mort et cette année, pour la première fois depuis cette date, on devait fêter Noël en famille avec ma mère, mon demi-frère, ma sœur, son mari et ses enfants. Et je ne suis jamais arrivée à destination ...
- Ils ont dû terriblement s'inquiéter ... » Commenta Pierre d'une voix gênée.
- Non. Ils ont dû être déçus, oui, mais pas inquiet. Ils ont dû se dire que, malgré ce qui était prévu, j'avais finalement décidé de ne pas y aller. La vérité c'est que ... j'étais particulièrement proche de mon père et quand il est mort, je suis partie, je me suis éloignée de ma famille, je suis allée à New-York, je suis devenue journaliste et j'ai enchaîné les excuses pour ne pas être là aux repas de famille ... Je ne suis pas la fille que j'étais encore hier. La gamine de dix-neuf a terriblement mal tourné et je ne m'en étais pas rendue compte avant aujourd'hui. Sans cet accident et cette perte de mémoire, sans ces deux jours auprès de toi dans ce chalet, pour Noël, j'aurai sûrement continué à faire du mal autour de moi, sans m'en rendre compte, parce que je souffre, parce que je suis lâche ...
- Hey, doucement. Je te trouve très sévère avec toi-même. Tu étais très proche de ton père, il est mort brutalement et tu as ressenti le besoin de t'éloigner, c'est totalement normal. Je ne suis pas mieux tu sais, ça fait cinq ans que je ne fais que bosser, que je ne parle à personne, que je n'aime rien ni personne. Mais c'est normal, on souffre. C'est plutôt bien que tu t'en rendes compte, tu vas pouvoir changer la donne. Mais tu n'as rien à te faire pardonner, tu n'es pas quelqu'un d'horrible, tu es juste humaine. » L'interrompit Pierre en se levant pour lui faire face.

Axelle se lova contre lui pendant que des larmes dévalaient ses joues. Ils restèrent longtemps l'un contre l'autre puis la jeune femme s'écarta vivement, un nouveau sourire sur le visage.
- Tu as raison, s'exclama-t-elle, il est temps de me rattraper ! Emmène-moi auprès de ma famille. Je leur expliquerai tout et je leur proposerai de fêter un second Noël, un au complet ! »

Pierre lui sourit et Axelle s'élança pour aller chercher le peu d'affaires qu'il avait réussi à extirper de la voiture deux jours plus tôt. Dès qu'elle eut disparu dans le couloir, il se laissa tomber dans le canapé en soupirant. Le rêve était terminé. Il allait la conduire jusqu'à sa famille, elle allait reprendre sa vie en main et lui, il allait reprendre sa vie là où il l'avait laissée, avec des souvenirs de ces derniers jours comme ceux d'un rêve, magnifiques, magiques et irréels ...

Axelle revint dans le salon, toujours aussi souriante. Pierre se reprit, il ne voulait pas gâcher sa bonne humeur. Ensemble, ils allèrent déneiger la voiture du policier et deux heures plus tard, ils prirent la route. La famille d'Axelle habitait à seulement une demi-heure du chalet de Pierre. Ce dernier savait qu'il profitait de ses dernières minutes auprès d'Axelle. Mais il était incapable de lui dire quoique ce soit. Au lieu de cela, il se contentait de l'écouter raconter sa vie, à quel point elle était devenue une peste, à quel point cette perte de mémoire l'avait réveillée, lui avait permis d'ouvrir les yeux sur elle-même et lui avait donné l'occasion de changer. Tout ses espoirs aussi, pour ce second Noël, comme une seconde chance.

Elle ne se tut que lorsque Pierre gara la voiture devant la maison. Elle se rembrunit et commença à triturer ses doigts avec nervosité. Pierre la regarda faire. Il avait envie de la rassurer, de lui dire que tout allait bien se passer, qu'il suffisait qu'elle parle avec son cœur. Mais il resta silencieux, c'était trop dur pour lui de l'encourager à sortir de cette voiture et à disparaître de sa vie. Et en même temps, il ne pouvait pas la retenir.

- Quand il faut y aller ... » Murmura Axelle après cinq minutes de silence pesant.
Pierre resta silencieux.
- Tu ... Tu veux venir avec moi ? Tu m'as sauvée la vie, je suis sûre que tu seras le bienvenue à notre table, tu pourrais fêter Noël avec nous. » Proposa Axelle avec espoir.

Mais elle vit Pierre se détourner et comprit qu'elle s'était attachée à un homme qui lui, ne s'attachait à personne. Elle comprit que les deux jours étaient terminés et que Pierre comptait la laisser là et reprendre sa vie, comme si de rien n'était.

- Ce n'est pas possible, je dois rentrer, j'ai du travail qui m'attends. Et puis, ce sont tes retrouvailles avec ta famille, je n'ai rien à faire là. » Répondit Pierre sans pouvoir la regarder tant son cœur le faisait souffrir dans sa poitrine.
- Je vois ... » Marmonna Axelle.

Elle avait beaucoup de mal à cacher sa colère et à ne pas lui en vouloir. Pierre le sentit mais ne répondit rien. L'instant d'après, Axelle claquait la porte de la voiture. Il la regarda avancer difficilement dans la neige jusqu'à la porte d'entrée puis sonner. Une femme, un peu plus âgé qu'elle, ouvrit la porte et la fixa avec étonnement. Il vit distinctement le petit sourire gêné de Axelle avant que la femme, qui devait sûrement être sa sœur, la laisse entrer dans la maison.

Axelle entra et suivit sa sœur jusqu'au salon. Cette dernière alla s'asseoir auprès de son mari et l'invita à s'expliquer. Axelle hocha la tête mais fut incapable de parler. Elle se retourna pour regarder à travers la fenêtre. La voiture de Pierre était en train de repartir. Son cœur se serra et une larme coula le long de sa joue malgré elle.

- Axelle ? » Questionna sa sœur d'une voix soucieuse.

Cette dernière fixa sa famille puis ... partie en courant. Elle regagna la porte, l'ouvrit rapidement et s'élança dehors. Mais il était déjà trop tard, la voiture de Pierre avait reprit la route et s'éloignait. Axelle la fixa jusqu'à ce qu'elle disparaisse complètement puis se laissa tomber dans la neige, le cœur en miette. Elle était amoureuse de lui. Elle n'était jamais tombée amoureuse mais aujourd'hui, elle le sentait au plus profond d'elle même. Elle était amoureuse de Pierre. Et elle venait de le perdre ...  

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