Episode Quatre

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Elle se colla dos au mur, tous les sens en alerte, le souffle court. Elle releva son arme comme on le lui avait appris, à hauteur du visage, prête à viser s'il le fallait quand elle sortirait de son abri. Une sueur froide la faisait frissonner et lui collait les vêtements à la peau. Ses membres tremblaient sous l'effort soutenu qu'elle avait enduré pendant deux heures.

Deux heures ! Ils étaient fous. Fous à lier.

— Alors Norah, déjà épuisée ? s'esclaffa une voix non loin d'elle.

Une voix qui semblait bien peu fatiguée. A peine hachurée, toujours aussi forte et assurée que d'ordinaire... De quoi était-il fait pour résister autant ?

— Parle... Parle pour toi, Ralf, se força-t-elle à répondre.

Mais les accents tremblotants qu'elle offrit furent bien moins convaincants qu'elle ne l'aurait voulu. Pourquoi avait-elle dû buter sur un simple mot ? Non, vraiment pas convaincante. Et le rire tonitruant qui rugit de l'autre côté de la pièce le lui confirma.

Cela eut toutefois le don de la mettre en rage plus encore. Rassemblant le peu de force qu'il lui restait, elle se hissa sur les caisses qui la protégeaient sur sa gauche, dans le but de sortir de son abri hors de vue de son ennemi du moment. Il devait s'attendre à ce qu'elle sorte de front, mais c'était mal la connaître. Elle ne pouvait l'avoir par la force ? Elle l'aurait par la ruse. Il saurait ce qu'il advenait de se moquer d'elle, foi de Norah !

Elle atterrit souplement à terre de l'autre côté des caisses, et attendit une seconde pour vérifier si le bruit avait alerté sa cible.

— Moi ? Fatigué ? fanfaronna-t-il de l'autre côté de la pièce.

Apparemment pas. Elle reprit alors son avancée, à pas de loup, et se glissa le long d'un petit muret artificiel, marchant à croupeton. Arrivée à son extrémité, elle glissa un oeil de l'autre côté, et avisa la haute silhouette de Ralf. Tourné de l'autre côté, comme elle s'y attendait. Il guettait toujours sa cachette précédente et n'avait visiblement rien entendu. Un sourire sournois se forma sur ses lèvres charnues.

Victoire ! Elle se rua alors sur lui, l'arme brandie... pour avoir la surprise qu'il la braque de son arme lui aussi en retour. Ils se figèrent tous deux, se tenant en joug mutuellement, sa respiration à elle encore un peu chaotique, alors qu'il paraissait encore assez fringuant.

— Tu croyais peut-être m'avoir, petite princesse ?

— Je ne suis pas ta princesse, crétin, siffla-t-elle hargneuse.

Qui avait dit mauvaise perdante ? Bon d'accord peut-être avait-elle crié victoire trop tôt.

— Tu apprends vite. Mais tu apprendras aussi que le bruit et la vue ne sont pas les seuls sens qui comptent dans un combat. Dans notre survie.

La voix du jeune homme s'assombrit, comme toujours lorsqu'il évoquait ce sujet. Les oscillations d'humeur qu'il était capable d'enchaîner étaient difficiles à suivre et des plus déroutantes. Joie, colère, morosité, exubérance... Le tout au quart de tour. En fait cet homme était plutôt instable.

— Qu'est-ce qui m'a trahie ?

Instable ou pas, autant en apprendre le plus possible. Dans ce monde étrange, chaque élément lui permettant de se défendre seule était bon à prendre.

A sa question, il fronça du nez, un sourire taquin revenant sur ses lèvres. Qu'elle détestait ce sourire !

— Ton odeur.

Il fit rouler le dernier mot dans des accents graves et profonds. Un peu comme s'il tentait d'imiter leur Commandant. Elle devinait d'ailleurs que c'était effectivement le cas et qu'il en était, qui plus est, inconscient. Elle hésita un instant à le titiller sur la question, mais préféra s'abstenir. Elle ne savait pourquoi, mais le sujet "Judikhael" semblait être un sujet épineux pour lui. Une histoire d'ego de mec, un truc comme ça, sans doute.

Nosco, la Cité de l'OubliOù les histoires vivent. Découvrez maintenant