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Putain, j'en ai marre. Ca fait une heure que je tourne en rond dans ce foutu bureau. Je n'ai plus rien à faire, mon boss aurait très bien pu me dire de partir, mais non, il faut que j'agrafe ses dossiers sous prétexte qu'il a bien mieux à faire. Connard. J'ai envie de lui agrafer les lèvres. Je soupire, seule dans mon bureau, je regarde la pendule à chaque trente secondes en espérant qu'il s'en soit passé quatre-vingt dix. Le radiateur débloque, alors il fait bien plus chaud qu'il ne le faudrait mais seulement dans mon bureau. J'ai dû retirer mon chemisier pour rester en débardeur parce que c'est insupportable.

- Line, je m'en vais.

Ah ouais ?

- Oh ? D'accord, je réponds par un sourire aimable.

- Oui.

Il soupire, se pince l'arrête du nez et ajuste sa veste de costume.

- J'espère que demain, vous irez mieux.

Je fronce les sourcils. Il ne me semble pas avoir été mal, aujourd'hui.

- Mais je vais bien, monsieur.

- Ah oui ? Pourtant, vous avez mal travaillé aujourd'hui.

Oh putain. Il n'a pas vu que j'avais l'agrafeuse dans les mains ? Je pince les lèvres et baisse la tête. Il croit certainement que je me soumets mais je ne fais que cacher ma haine, en réalité.

- A demain, Line.

A demain, connard.

Il part en souriant fièrement et n'adresse pas un regard à la standardiste qui lui souhaite une bonne soirée. Mais je la vois lui adresser son majeur lorsqu'il appuie sur le bouton de l'ascenseur et je ne peux réprimander un sourire. June est sympa et toujours pleine de self contrôle malgré son boulot de merde. Je ne sais pas tellement comment elle fait pour le supporter.

Il reste dix minutes, la délivrance est proche. Je termine ce que j'ai à faire, les écouteurs enfoncés dans mes oreilles. Maintenant que monsieur Connard est parti, je peux me le permettre. Et c'est tout en murmurant les paroles des chansons que j'écoute que je finis mon boulot.

Lorsque je relève les yeux sur la pendule, il est dix-sept heures une. Ah, fuck. J'ai pris une minute supplémentaire. Dommage que ça ne me soit pas payé, sinon j'irais gueuler à la compta. Je range mes affaires et attrape mon sac et ma veste, puis je sors de mon bureau. D'un coup, je respire. Il fait bien moins chaud à la réception.

Un regard me brûle le dos et je m'aperçois que June me lorgne en réfléchissant. Elle fait tout le temps ça, et ce, depuis un an. Parfois je m'approche, je tire sur sa queue de cheval pour la sortir de ses rêveries et je me marre. Mais là, je ne suis pas d'humeur alors je lui adresse seulement un sourire et agite ma main devant son nez.

- Tu viens grailler ce soir ?

- Oh... Non, merci Line. Je dois rejoindre Hazel, ce soir. Nous allons au cinéma.

Je lève les yeux au ciel. Son copain gay est communément romantique, mais je trouve que le terme cul-cul lui va beaucoup mieux.

- Ok. A demain alors.

- A demain, répond-elle en arborant une moue enfantine déçue.

Je ricane et prends l'ascenseur. Dans celui-ci, je suis seule et la musique me fout les nerfs. Je déteste ce genre d'endroits, on dirait que tout le monde possède un balai dans le derrière. Ces gens sont tellement faux que j'en viens à ressentir de la pitié. C'est terrible, quand même, d'être faux à ce point. Mais j'aime mon travail, enfin, quand mon boss ne joue pas au con avec moi. D'habitude, je suis seule dans mon bureau, il ne fait que passer pour me filer les trucs chiants qu'il ne veut pas faire. Mais ce qu'il appelle les trucs chiants, je les appelle les passe-temps. C'est merdique, je pourrais avoir beaucoup mieux à faire, mais au moins je ne m'emmerde pas. Pas comme tout à l'heure où il m'a donné cent paquets de feuilles à agrafer. Quel enfoiré, je vous jure.

J'arrive à ma voiture, il fait beaucoup plus frais qu'à l'intérieur. Ce n'est pas l'hiver mais il fait assez frais pour que l'idée de remettre ma veste me passe par l'esprit. J'entre dans l'habitacle et mets directement le contact pour la faire chauffer. En attendant, j'ouvre la fenêtre et coince une cigarette entre mes lèvres. Je l'allume et tire dessus, soupirant la fumée en regardant mon reflet dans le rétroviseur.

- Eh bah, ma fille, tu es bien belle comme ça, me dis-je avec ironie.

J'ai l'impression que mon maquillage a dégouliné avec la chaleur, j'essuie le bas de mes yeux avec mes doigts. J'ai tellement envie de me démaquiller, mais plus que de me démaquiller, j'ai besoin de détacher ma crinière. Je déteste m'attacher les cheveux, pourtant, j'aime parfois le style que cela me donne. Mais je ne supporte pas. En faisant la grimace, la clope coincée entre mes lèvres, je les détache d'un geste empressé et mes boucles retombent sur mes épaules. Je passe ensuite mes doigts dans mes cheveux rouges pour les ébouriffer. Je déteste quand ils manquent de volume. Un coup d'œil dans le rétro m'indique que c'est beaucoup mieux ainsi. Je termine alors ma cigarette et me mets en route pour chez moi.

J'habite un petit appartement dans une résidence à dix minutes à peine de mon lieu de travail. Mais il ne faut pas se fier aux apparences, car si elle a l'air assez tranquille et silencieuse, il faut savoir que les voisins sont chiants et qu'ils s'engueulent chaque jour parce que l'œuf dans leur assiette n'est pas disposé comme ils le voulaient. Ce n'est qu'une bande d'ivrognes, de toute façon. Si j'avais pu, je n'aurais pas emménagé dans cette foutue résidence, mais je n'avais pas le choix.

En sortant de ma bagnole, un type me bouscule.

- Eh ! Tu pourrais faire gaffe, connard.

- Excusez-moi, répond-il avec un sourire chaleureux. Je ne...

Il s'arrête, fronce les sourcils et m'observe un peu plus méticuleusement. Je plisse le nez et lui adresse un regard méchant.

- Quoi, qu'est-ce que t'as ?

- Rien, rien. Je ne vous avais pas vu. Encore désolé, dit-il en partant à la hâte.

Il serre son cartable à deux mille balles contre lui et court à moitié. Je me serais bien marré s'il ne m'avait pas reluqué de façon bizarre il y a quelques secondes à peine. Je lui fais un fuck ponctué d'un « Connard » gueulé avant d'entrer dans le bâtiment en soupirant. L'ascenseur pue l'alcool, comme d'habitude. Alors j'emprunte les escaliers et monte jusqu'au quatrième en pestant contre ces foutus talons qui me bousillent les pieds.

Une fois entrée dans l'appartement, je les jette dans l'entrée en soupirant de bonheur. Mon appartement n'est pas bien grand et surtout impersonnel : il n'y a pas de déco. Je ne suis pas douée en déco et je ne veux pas l'être. Le seul avantage de ce lieu c'est qu'il est clair et lumineux, je ne veux absolument pas gâcher ça en repeignant les murs ou en affichant des trucs trop personnels.

Je m'affale dans le canapé, attrape la télécommande et soupire lourdement en zappant. Encore une soirée merdique, je le sens venir gros comme une maison. Je vais finir par me tirer une balle tellement ma vie est plate. Je m'allume une clope et ferme les yeux alors que la voix du présentateur d'un jeu débile résonne dans l'air ambiant.

- J'me fais tellement chier, putain...

LA BANDE.Where stories live. Discover now