Le chagrin de Pierre

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   Ils retournèrent à l'intérieur. Juliette tenait toujours le bras de Pierre, ce qui ne le dérangeait absolument pas.

   Il observait la jeune fille pendant leur promenade. Elle était vraiment parfaite. Jamais il ne s'était senti aussi heureux, et aussi gêné. Il tenait le bras de Juliette d'Argent Hidalf ! Celle pour qui il craquait depuis plus de cinq ans ! Et elle avait l'air heureuse.

   Juliette s'était rendu compte que l'Élitien la regardait. Elle espérait qu'il la trouvait belle. Ou très belle. Elle avait compris qu'elle n'aimerait jamais que lui quand, il y avait trois ans, elle avait fui l'Estaffes qui la menaçait. Quand elle avait atterri, avec son père et le chien de son frère, à l'école de l'Élite. Qu'il venait la voir, tous les jours, en cachette, pour prendre de ses nouvelles. Une fois qu'il croyait qu'elle dormait, il lui avait dit :

  "Ne me fais plus jamais ça. Tu m'as fait tellement peur... quand j'ai appris que le manoir Hidalf était attaqué, et que je savais que tu y étais... Je pourrais tout faire pour toi, ma Juliette. Je t'aime."

   Elle avait senti une caresse sur son front, et en entrouvrant à peine les yeux elle avait vu qu'il lui faisait un énorme baiser sur la tête. Elle avait regretté qu'il ne l'ait pas embrassée, et elle avait bien l'intention, maintenant qu'il lui avait demandé de danser avec lui, que cette fois, ils unissent leurs lèvres.

   Elle était sa Juliette, mais encore fallait-il qu'il l'aime, que ses sentiments n'aient pas changé. Il avait vu, bien sûr, Lucas et elle, qui s'embrassaient dans le kiosque. Est-ce qu'il avait été jaloux ?

   Elle se gronda intérieurement. Elle rêvait éveillée.

   Pierre la guida jusqu'à la piste, mais elle se décrocha de lui pour se diriger vers les chaises. Il la vit trouver celles que ses sœurs avaient réservées, et quitter sa légère veste de soirée.

   Elle se retourna et revint vers lui. Il se figea, découvrant une fois de plus sa beauté.

   Sa robe. Elle était verte, garnie de fils traçant des dessins compliqués qui soulignaient les formes de la jeune fille. Des perles brillantes ajoutaient encore à la magnificence de la robe, qui donnait à Pierre l'impression que Juliette était encore plus splendide. Elle arrivait à lui, et, malgré sa timidité, il se pencha pour murmurer à son oreille :

  - Tu es éblouissante. Ta robe te va tellement bien...

  - J'espérais tellement, chuchota-t-elle en retour, que tu l'apprécierais...

  - Viens danser, fit Pierre en la prenant délicatement par la taille. Tous les hommes vont être jaloux de moi, si tu restes à mon bras.

  - Mais ils n'ont aucune chance face à toi, répliqua-t-elle en lui collant un bisou sur la joue.

   Le jeune Élitien rougit et l'entraîna au centre de la piste. Puis, comme il ne savait pas danser, il calqua ses pas sur ceux de Juliette, qui rit de le voir réfléchir avant d'arriver à placer ses pieds au bon endroit, au bon moment. Il la tenait fermement mais doucement par la taille de la main gauche. Sa main droite laçait et entrelaçait des doigts à ceux de Juliette, qui avait posé sa paume libre sur l'épaule de Pierre.

   Une fois que le jeune homme eut comprit le rythme, ils valsèrent un moment, sans que les autres existent, les yeux noirs de Pierre perdus dans ceux de Juliette. Et, lentement, la musique s'arrêta.

   La plupart des couples autour d'eux s'embrassèrent. C'était typique de cette danse. À la fin, on s'embrassait.

   Pierre ferma les yeux et pencha la tête. Mais au moment où il aurait dû toucher les lèvres de Juliette, il reçut une gifle. Pas assez forte pour lui faire mal, pas assez bruyante pour que les autres couples le remarquent. Pierre ouvrir les yeux d'un coup, se demandant ce qu'il avait fait de mal.

   Il rencontra les yeux verts de Juliette, qui lui chuchota quelques chose puis prit un air choqué et furieux pour s'éloigner de lui.

   Démoralisé, vexé et au bord des larmes, le jeune Élitien quitta la piste de danse d'une traite. En passant devant Louis Serra, il lui dit d'une voix dure :

  - Merci, capitaine.

   Et il s'éloigna. Peu lui importait que l'ancien Élitien ait compris ou pas. Personne ne pourrait avoir raison de son chagrin.

L'Élitien amoureuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant