Les fissures du trottoir défilaient devant mes yeux vert émeraude, mes pensées divaguaient. Une brèche, un songe pour mes parents que je n'avais jamais connus. Une lézarde, une rêverie ; ressemblais-je à ma mère ?
Je jetai un bref coup d'œil à mon reflet dans une vitrine. Des boucles brunes retombaient sur mes épaules frêles, deux éclairs de jade, qui avaient la capacité de fusiller les gens autant que de pétiller de bonheur, placés au-dessus d'un petit nez aquilin et un bonnet de laine blanche juché sur la tête.
Je crus apercevoir l'ombre d'un regard vissé sur mon dos dans la vitre du magasin de jouets. Sûrement que cette personne cherchait à observer un des anciens poupons usés qui emplissaient la boutique d'antiquité.
Je repris donc ma marche jusqu'à l'appartement de grand-père, qui se situait en face de Central Park. Il était mon tuteur légal depuis l'accident de voiture qui avait emporté mes parents, alors que je n'étais encore qu'un bébé de quelques mois à peine.
L'immense bâtiment se dressait déjà de toute sa hauteur, je le voyais. Il ne restait plus que quelques rues à traverser.
J'avançais à un rythme soutenu. Aucun bruit ne se faisait entendre, mis à part mes baskets crissant sur le sol. Je me trouvais là, à ressentir la même solitude que lorsque les corbeaux m'avaient faussé compagnie. Bizarrement, ce chemin habituellement bondé était désert, mais j'avais toujours l'impression terriblement désagréable qu'on me fixait.
« J'imagine parfaitement les virevoltants qui rouleraient au gré du vent, comme dans les films western que grand-père adore regarder. Il n'y a pas un chat dehors, c'est suspect... » m'imaginai-je, plongée dans mes rêveries.
Tout d'un coup, j'entendis du raffut, derrière moi, dans une petite ruelle où je ne m'étais encore jamais aventurée, comme la chute d'un objet métallique.
Intriguée, je fis marche arrière, et écoutai attentivement, peut-être quelqu'un avait-il besoin d'aide...
Plus un bruit.
Je reculai encore un peu jusqu'à arriver devant l'entrée de l'étroit et sombre passage. Il me sembla que la nuit était tombée trop vite, en ce jour d'hiver. Je frissonnai. Les réverbères qui grésillaient illuminaient faiblement le long cul-de-sac obscur face auquel je me tenais, le silence devint alarmant, inquiétant, et mes pressentiments angoissants. Je n'aimais pas cela. Mais alors pas du tout ! Et pourtant...
Moi, Joyce Mills, j'avais toujours eu une nature profondément curieuse, une envie irrépressible de fouiner partout. C'est vrai, ce n'est pas tellement une bonne chose, mais pour ma défense, c'est assez positif aussi ! Parfois. Alors, évidemment, je m'avançai lentement dans cet endroit lugubre, rempli de saletés.
Le ciel était empli de brouillard, une odeur âcre émanait des énormes bennes à ordures vertes – qu'il aurait bien fallu vider – tout en ce lieu était plus que repoussant. Avançant prudemment, je me trouvais maintenant au milieu de la ruelle, et j'appelais doucement, timidement :
« Il... Il y a quel...quelqu'un ? »
Puis, après quelques minutes, je m'énervai :
« Eh oh ! Qui que ce soit, j'en ai marre. Ce n'est vraiment, mais alors vraiment, pas marrant ! Je me tire d'ici ! »
Je fis demi-tour, et me retrouvai soudain collée violemment contre l'une des poubelles en acier. Un éclair de douleur transperça mon épaule droite – un morceau de métal aiguisé –tandis que je criais, hurlais, m'époumonais en vain. Deux hommes me faisaient face, ils étaient grands, élancés, rapides dans leurs gestes, et également affreusement sublimes. Bon, je n'aurais peut-être pas dû y faire attention à ce moment-là, mais leur beauté sautait aux yeux. Je le jure ! D'ailleurs, les leurs étaient en amandes, et d'un noir profond qui me fit penser à un puit sans fond. On aurait juré que ces deux garçons étaient jumeaux.
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Runaway
Teen FictionUne fille. Un secret de famille. Une bataille. Et elle ne sait même pas ce qu'il va se passer. Pour sauver ceux qu'elle aime, Joyce, adolescente banale à première vue, va devoir affronter les dangers qui guettent et qui se dresseront sur son chemin...