Chapitre 3 : 4h21

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Je me réveille en sursaut, tremblant de tout mon corps. Mon front est brûlant et mes lèvres sont asséchées. D'horribles images défilent en boucle dans ma tête.
Je me vois seule dans la cours, plus grosse que jamais, subissant les moqueries du collège entier.
"C'est ta graisse qui a troué ton jean ?" "Pas très classe le gilet de sauvetage inclu..." "Ça coule de partout." "Beurk." "Tu pourrais choquer les petits enfants..." "Je crois que je vais vomir."
Je n'arrive pas à leur répondre.
Je suis paralysée. Paralysée par mon poids qui m'empêche de dire quoi que ce soit.
Puis je vois Alice et Theo. Ils s'embrassent, lui la tient par la taille, elle a ses mains posées contre son torse. Elle lui souffle quelque chose dans l'oreille. Ils me regardent. Theo vient vers moi. Ses yeux ténébreux et intenses me déstabilisent. Il approche ses lèvres des miennes, envoûtée, je le laisse faire. Violemment, il me repousse et me gifle. "T'avais raison, c'est une pute. Une pute obèse." Ils rient. Leur rire résonne dans ma tête. Je n'arrive pas à l'arrêter. Une forte douleur me perce la poitrine. Vite, je saute de mon lit et cours à la salle de bain.

J'avale un calmant et reprends mon souffle. Il est 4h21 du matin. Je viens de faire une terreur nocturne. Ma dernière crise de panique remonte à janvier 2010, lorsque j'avais appris la mort d'oncle Richard. Depuis, je n'en ai plus fait. Jusqu'à cette nuit. J'entends des pas. C'est papa qui me demande ce que je fais debout à cette heure-ci. Je lui réponds que je devais aller aux toilettes, quand il voit la boîte de cachets ouverte sur le lavabo.
"Et ça, qu'est-ce que ça fait là ?"
J'hésite quelques secondes avant de mentir :
"Je sais pas, peut-être que maman a oublié de les ranger hier soir.
- Retourne te coucher. On verra ça demain."

Je ferme la porte de ma chambre et rerentre dans mon lit. Ma crise n'était pas anodine. Hier soir, papa a insisté pour que je mange son beafsteak et ses frites. Rien de mieux pour prendre du poids. J'ai fini mon assiette à contre-cœur, après quoi je suis allée pleurer dans ma chambre toute la soirée. La voix dans ma tête a raison : si je ne veux pas finir seule avec ma graisse, je dois tenir mon régime et ne laisser personne me faire dévier de mon objectif. Un fruit par repas, c'était ça le contrat. Il faut que je le tienne, je n'ai pas le choix. Je dois arrêter de manger pour faire plaisir à ma famille et penser un peu plus à mon corps de jeune fille.

J'espère que ce nouveau chapitre vous aura plus. :-)
À travers cette histoire, je vais essayer de dissuader les jeunes filles de tomber dans l'anorexie. Les conséquences de cette maladie sont lourdes et inévitables.
Bonne soirée !

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