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Soirées

Connaissez-vous ces soirées odieuses, où la fatigue vous enlace affreusement et où vous avez l'impression d'être la seule personne dans l'univers entier digne de porter le nom d'humain, ou implicitement, digne de surpasser les autres espèces ?

Non ?

Ah, vous avez bien de la chance, monsieur.

Non, non, ce n'est pas que ça m'arrive souvent...

Enfin, maintenant que vous le dites, de plus en plus souvent en ce moment.

Vous ne voyez vraiment pas cette impression de vide intense et bruyant autour de vous, solitaire petit être ?

Toujours pas ?

Vraiment monsieur, je vous envie.

Parfois, moi aussi j'aimerais être un idiot parmi tant d'autres. Parmi ceux qui aiment se vanter de leur stupidité grandissante.
Parmi ceux qui peuvent regarder les Simpsons à la télévision sans voir leurs yeux souffrir et se consumer dans d'atroces souffrances.
Parmi ceux qui ne s'interrogent pas sur le sens de la raison humaine lorsqu'ils doivent subir les redoutables films pour enfants de leur petite cousine.

Ah, oui vraiment, monsieur, vous vivez une existence magnifique.

Non, non, je ne suis pas dépressive : je suis mélancolique. Ou triste. C'est à vous de voir.

Pourquoi ?

Ah, mais ça mon monsieur c'est pour toutes les raisons que je viens de vous énumérer.

Je me sens seule.

Je ne crie pas quand Pierre-Paul-Jacques marque un énième strike.

Je ne ris pas aux blagues bancales de celui qui veut se faire remarquer.

Je ne parle pas quand ne trouve pas utile de le faire.

Vous voyez, je suis bien seule.

Vous ne comprenez pas ?

C'est bien normal, vous êtes stupide. Et je vous envie. Et ça me rend triste.

Oui, oui, vous êtes stupides monsieur. Non ? Écriviez-vous des romans de plus de cent pages à 13 ans, monsieur ? Non. Compreniez-vous une autre langue que la vôtre au même âge ou presque, monsieur ? Non.
Avez-vous lu, dans votre vie entière, plus de livres divers et variés que je ne l'ai fait en seulement quinze ans ? Je ne pense pas.

Vous êtes stupide.
C'est un fait

Et je suis supérieure. Une tare incurable, je le crains...

Pour rendre ses mots au magnifique docteur Sheldon Cooper, "I cry because others are stupides and it makes me sad".

Voilà.

Je vous envie.

Si vous n'avez jamais eu à subir ces horribles soirées, vous n'avez jamais connu la solitude, monsieur.