Nous étions là, dans ce wagon, muets, immobiles, mortifiés. Ce fut l'ordre des soldats nous intimant de descendre qui vint nous sortir de cette torpeur. Nous étions une centaine présents dans ce train. Nous avions été traqués, capturés et enfermés. Lorsque l'on nous regardait, on voyait en nous des gens ordinaires, terrifiés et apeurés, avec pour seule différence physique cette étoile jaune, qui faisait alors de nous des proies, des dangers, des monstres. Juste une étoile jaune et nous devenions une erreur de la nature. Le camp avait beau n'être qu'à quelques kilomètres, le temps que nous mîmes pour les parcourir me parut une éternité. Une éternité pour découvrir ce qui n'était que le commencement de l'horreur. Nous aperçûmes plusieurs carrières entre la gare et notre destination. Plusieurs centaines de personnes y travaillaient, et combien n'en reviendraient pas : mort, épuisés par une surcharge de travail. Autour du camp, des fosses étaient creusées et des milliers de corps étaient entassés à l'intérieur. Les gardes étaient partout, le visage impassible devant notre souffrance et dégoûtés face à nos pleurs. Pour eux nous étions moins que des hommes, un défaut de la nature qu'ils prenaient un malin plaisir à fusiller. Beaucoup mouraient de la mal nutrition. Les dortoirs entassaient des trentaines de personnes. Dormant déjà mal à cause du monde, les gardes nous levaient aux aurores. Les hommes devaient aller travailler dans les carrières que l'on avait aperçues lors de notre arrivée ici. Tandis que les femmes et les enfants devaient rester à travailler au campement. L'automne qui commençait à touchait à sa fin se faisait sentir et le froid faisait son apparition. Le travail dans ces conditions empirait de jour en jour, ainsi que l'humeur des gardes qui nous faisaient pâtir de leur méchant caractère en augmentant le nombre de personnes destinées aux douches, multipliant les exécutions et les horreurs. C'était à en devenir fou, plus la force de réfléchir, juste des cadavres animés par la peur de mourir. Oui des cadavre refusant de mourir c'était ce que nous étions devenus et encore parfois seul dans la neige je me disais qu'il valait mieux me laisser crever que de continuer à mener cette vie dont même les chiens n'en n'auraient pas voulu. C'est dans cette état d'esprit que je fis sa connaissance.