CHAPITRE 3 : Quelque chose d'inhabituel s'est produit

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" - Lenn Vermon ?"

                La voix du formateur m'appelant pour la deuxième fois traduit son impatience et l'ensemble des gens présents dans la salle semblent être de son avis. Reprenant mes esprits, je me lève, et me dirige dans la salle. Je ne parviens pas encore à me défaire de mon air ahurit et je sens dans mon dos des dizaines de regards interrogateurs. Celui de Narissa, qui a remarqué que je l'observais, semble bien plus fort encore, tant et si bien qu'il me brûlerait presque le dos.

Je rentre dans la salle d'examen. Elle est très commune, d'une neutralité qui donne froid dans le dos : Les murs sont blancs, les meubles sont gris. Et par meubles, j'entends un petit bureau encombré, deux chaises et une grande armoire dans le fond de la salle. Un vieil homme aux cheveux grisonnants m'attend assis sur l'une des chaises et me désigne la seconde en face de lui, m'invitant à m'y asseoir. Sans me regarder, il entame une recherche dans son immense pile de papier. Le papier est rare sur l'Arch et je suis surpris d'en voir une telle quantité, alors que toute notre vie est informatisée. Pendant qu'il sépare son immense pile en piles plus petites, je prends le temps de l'observer : Il porte un badge d'instructeur. "Réomus Alb, Secteur 253, Tests d'aptitude". Ses mains tremblent, des gouttes de sueurs perlent sur son front, il sort régulièrement un mouchoir pour s'essuyer, avant de le fourrer négligemment dans sa poche pour répéter l'opération quelques secondes plus tard. Il semble dépassé, inquiet, peut être simplement fatigué. Dans tous les cas, quelque chose ne va pas chez lui et je peux le ressentir comme si j'étais dans sa peau. 

" - Lenn Vermon..." marmonne-t-il, la tête plongée dans ses papiers. Il finit par sortir d'une de ses piles un dossier à mon nom, qu'il arbore avec un air satisfait. Dans le même élan, il ouvre mon dossier : Il est vide. Son visage se ferme, il devient secret et referme très vite le dossier. Je me demande ce que cela peut bien signifier, et cette question me brûle les lèvres. Le vieux Réomus semble lui aussi mal à l'aise avec cette découverte.

Machinalement, comme pour se donner une contenance, il se remet à fouiller dans sa pile de dossiers. Mon pouls s'accélère,  je meurs d'envie de comprendre ce qu'il se passe. Alors qu'il étale ses dossiers du mois de Novembre sur la table, j'aperçois celui de Cali. La vision de son nom sur ce dossier est un électrochoc. Je le réalise seulement maintenant et m'en veut énormément : je n'ai pas vu Cali sortir de la salle avant que j'y rentre. Cali n'est jamais sortie de cette pièce.

Frénétiquement, je me met à regarder autour de moi, à la recherche du moindre indice à propos de Cali et de ce qui a bien pu lui arriver. Une vague de panique me submerge tandis que Réomus se noie complètement dans sa sueur et ses papiers. Je sais que je ne devrais pas prendre la parole avant qu'il m'ait invité à parler. Mais très honnêtement, cette règle m'importe peu à cet instant précis.

"- Je ne me souviens pas avoir vu mon amie Cali sortir de cette salle." dis-je.

Ma phrase a atteint son but. Réomus a stoppé net ses recherches fictives, et me regarde maintenant droit dans les yeux. La tension entre nous est palpable. Je sais que j'ai franchi une limite. Je ne m'arrêterais pas là. Son regard est dur à soutenir mais je ne me démonte pas. Après avoir réfléchit quelques secondes, il me répond :

"- Alors c'est qu'elle n'a pas du rentrer."

Mon sang ne fait qu'un tour. Je me lève et tape des deux mains sur son petit bureau désordonné.

"- Où est passée Cali ? dis-je, hors de moi.

- Seriez vous en train de me poser une question, Monsieur Vermon ?"

Il semble outré par l'insolence dont je fais preuve. Sans lui accorder la moindre réponse, je me dirige à tout allure vers la porte. Réomus tente de me retenir en criant :

"- Réfléchissez bien ! Vous ne pourrez plus repasser l'examen Monsieur Vermon"
Sa voix a changé, son ton est presque suppliant, je me surprends à croire qu'il se soucie de mon sort. C'est le cadet de mes soucis, je dois retrouver Cali. Et Mike.
"- Allez au diable", je lâche avant de passer la porte.

Cali a disparu.

Dans la salle d'attente, des regards, plus surpris encore que lorsque je suis rentré me scrutent alors que je me dirige en courant vers la sortie. Je dois retrouver Mike et tout lui raconter. Mike saura quoi faire.

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