La mort dans l'Âme

Chapitre III: Révélations

Je pousse un soupir appuyé en rangeant mes affaires. Dire que je viens à peine de m'installer dans la ville et que déjà la première journée de cours m'épuise. Ils ont décidé de nous faire visiter le bâtiment complet d'Unity et nous ont fait commencer les cours l'après-midi même ! Je me suis tout naturellement placé à côté de la seule personne que je connais : Plume, qui sans grande surprise ne s'est pas montré très bavarde. Shin, quant à lui, n'en a pas foutue une. Au sens littéral : il n'a pas sorti d'affaires, n'a pas écouté le professeur une seule seconde et est parti dans tous les sens durant la visite. Il a prétexté être en avance et ne pas avoir besoin de travailler le premier jour. Il est vrai que nous avons principalement fait des révisions des acquis laissés par notre année de prépa. Je n'y crois pas vraiment mais je me suis contenté d'hausser les épaules. Que faire si ce n'est le croire ? Je me lève de ma chaise, un peu dans le coton d'une journée de cours bien remplie.

« Vous avez prévu un truc après les cours ? »

Je regarde l'un puis l'autre de mes deux étranges camarades. Plume fait non de la tête et Shin, qui a toujours énormément de mal à comprendre que je m'adresse à lui également, fait de même en souriant. 

« Ça vous dirait de venir prendre le goûter chez moi ? »

J'ai bien envie de faire plus ample connaissance avec ces drôles d'énergumènes que sont mes deux camarades. Ces derniers se lancent un regard entendu avant d'accepter d'une seule voix ma proposition. Nous nous dirigeons donc tous les trois vers la sortie de l'établissement avant de prendre le chemin de chez moi. Nous marchons tranquillement lorsque je regarde ma montre, par curiosité. Il est à peine 15 h, pourquoi rentrer se restaurer maintenant ? Je me tourne vers Shin et Plume.

« Pourquoi ne me feriez-vous pas découvrir un peu les environs ? J'ai emménagé hier alors je n'ai pas vraiment eu le temps de me promener dans mon nouveau quartier ! »

Plume hausse les épaules avant de prendre la tête du groupe. Nous bifurquons sur un autre chemin, je profite que la jeune fille aux cheveux clairs soit devant pour observer les alentours. Nous semblons nous trouver dans un quartier banal tout ce qu'il y a de plus étudiants, des restaurants, des magasins de fournitures, des parcs... Il y a même une bibliothèque ! Elle est presque aussi grande que l'école... Lorsque je promène mon regard sur le quartier j'ai l'impression de ne pas avoir déménagé.

Je ne me rends vraiment compte de la petite taille du quartier que lorsque nous arrivons au centre commercial en à peine dix minutes de marche. Il s'agit d'un des plus grands centre-commerciaux m'assure Plume. Shin, quand à lui, semble une fois de plus passer totalement inaperçu. C'est dingue, les gens ne cherchent même pas à l'esquiver ! Il est obligé de se mouvoir à droite et à gauche pour ne pas percuter quelqu'un ! D'ailleurs ses mouvements ne semblent pas naturels, à croire qu'habituellement ses promenades se passent différemment... Cela n'a pourtant pas l'air de le gêner. Nous croisons d'autres étudiants, certains vêtus d'un costard semblable à celui de Shin et d'autre habillés normalement comme moi et Plume. Les clones vestimentaires de Shin lui lancent des regards mauvais, auxquels il répond par un sourire sarcastique sans même prendre la peine de s'arrêter. Tous semblent se connaître, ce qui m'intrigue. Je décide de questionner Plume. Elle hausse les épaules avant de me répondre.

« Pour la plupart nous sommes dans la même classe depuis la maternelle, il est plutôt rare que des nouveaux intègrent Unity. Donc on se connaît tous plus ou moins. »

Elle semble frémir à l'évocation de son passé. Je ne cherche pas à comprendre pourquoi et me laisse guider. Pour détendre l'atmosphère je propose de nous acheter de quoi faire un vrai chocolat chaud maison. Shin ne semble pas plus emballé que ça, mais Plume montre un réel enthousiasme à l'évocation de ma proposition. On lirait presque sur son visage qu'elle n'en a jamais goûté un seul dans toute sa vie. Décidément j'ai le don d'attirer les gens bizarres ! Nous entrons dans un super marcher lambda. Alors que nous faisons la queue pour payer nos achats deux vieilles dames se mettent à discuter, visiblement inquiètes.

« Tu es au courant ? La maison des Naïds a été rachetée ! »

« Oui j'ai entendu ça ! Les acheteurs seraient-ils fous ? Ou peut-être ne savent-ils pas quel malheur s'est abattu sur la famille les ayant précédés... »

Je sens mon sang bouillir dans mes veines. La seule maison rachetée récemment, c'est la mienne...

« Ce n'est pas très gentil de parler de sa maison sans l'inclure dans la conversation. »

Plume a parlé avec une innocence et une légèreté assez impressionnante. Les deux commères se retournent, d'abord étonnés puis effrayées. Elles balbutient ce qui semble être des excuses et changent de file. Je remercie ma sauveuse d'un coup d'œil reconnaissant, puis nous payons. Nos emplettes rangées dans nos sacs nous reprenons la route de chez moi. Notre marche à pied se transforme assez vite en un trajet en bus des plus agréables. Nous ne sommes pas spécialement fatigués mais un bus passait par là, alors pourquoi ne pas le prendre ? Shin ne semble pas affolé de la possible arrivée d'un contrôleur alors qu'il n'a aucune titre de transport sur lui. D'ailleurs il n'a pas non plus d'argent... Il ri à ma remarque :

« Je voyage léger ! »

Décidément il est aussi sympa qu'étrange ce garçon...

[...]

« Tu n'habites pas très loin d'Unity ! »

J'acquiesce à la remarque extasiée de Shin. En effet je dois résider à 10 minutes à pied, grand maximum, de l'établissement, ce qui est peu. Alors que je tourne la clef dans la serrure Plume ouvre la bouche, pour la première fois depuis que nous sommes partis du centre commercial.

« C'est une grande maison. »

Je souris, en effet ma mère s'est vantée à plusieurs reprises d'avoir faire une très bonne affaire.

« Il faut bien ça pour mes parents ma sœur et moi ! »

Sur ces mots j'ouvre la porte et invite mes camardes à entrer. Je ferme derrière nous et leur proposer de s'installer dans la cuisine. Nous serons plus à l'aise pour cuisiner. Ils acceptent avec plaisir. Je commence à faire bouillir le lait et demande à Shin et Plume de couper le chocolat en petit carrés. Shin refuse de mettre à la main à la pâte d'un geste poli tandis que Plume s'attèle à sa tâche sans broncher. Elle a les mains fines et pourtant elle casse la plaque sans aucune difficulté apparente. Je sors des tasses en attendant que le lait soit chaud. Une fois qu'il l'est je plonge les morceaux fait par Plume dans la casserole. Quelques bonnes minutes et le breuvage est prêt ! Je rempli trois tasse que je recouvre avec de la chantilly et des copeaux de chocolat en guise de garniture. Plume regarde le rendu, visiblement émerveillée même si elle essaye de le cacher. J'ai à peine le temps de les servir que le bruit de la porte qui se claque retenti. Je regarde l'heure, 17h... Trop tôt pour ma mère. Je soupire avant même d'entendre la nouvelle arrivante prendre la parole.

« Hey Ed ! Déjà fini ? Quelle feignasse ! »

Même pas le temps de lui répondre qu'elle entre déjà dans la cuisine.

« Oui déjà fini. Je vous présente Emmanuelle, ma petite sœur. »

Elle penche la tête sur le côté avec un air réellement étonné. Elle me lance un regard moqueur.

« Ce n'est pas en vouvoyant tes camarades qu'ils vont devenir tes amis ! »

Surprit je lui jette un regard plein d'incompréhension. Elle se fiche de moi ? Visiblement non.

« Han c'est cool t'as même pensé à ta petite sœur chérie ! »

Éberlué je jette un regard perdu à Plume qui n'a pas l'air de comprendre la situation plus que moi...Elle désigne la tasse que j'ai servi à Shin. Je n'ai pas le temps de lui dire que ce n'est pas pour elle que déjà elle tire la chaise sur laquelle il était assis. Em prend place, se superposant parfaitement sur Shin qui ne bouge pas d'un millimètre. Un cri retenti accompagné d'un bruit d'électricité. La cuisine est illuminée par un flash blanc. Lorsqu'elle rouvre les yeux, ce n'est plus Em. Ses pupilles sont de la même couleur que celles de Shin et sa peau a pris une pâleur que même moi je ne lui connaissais pas.

« Et merde... »