comme une sorte d'introduction

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Peut-être que partir de la ville et rentrer chez moi en vélo aurait été plus pratique que ce vieux van rouillé. La buée de la vitre me fait voir flou, clouée sur mon siège passager, en tailleur avec des chaussettes pour homme.

Mes chaussettes noires sont trop grandes, trop longues mais offrent largement le peu d'espace nécessaire à mes horribles orteils pour les laisser reposer en paix.

J'examine mes mains quelques instants, à la recherche de formes intéressantes. La plume de mon stylo fuit. Tout le temps, à chacun de mes mots. Elle s'étale partout, dans mes ongles, sur les pages et dans les crevasses de mes manches. Toute la classe pense que je devrais changer de stylo ou m'acheter des buvards – qui sont au passage en promotion – mais la manque de motivation prime sur tout.

Aujourd'hui, rien sur la gauche, un scorpion sur la droite.

Certains aiment la forme des nuages, les ondulations des vagues. Des exceptions comme moi se limitent aux expressions semblables de gouttes d'encre bleus similaires à des trop vieux maux.

À mes côtés, les mains sur le volant, ma tante conduit. Elle est concentrée, les plis du visage ridés se creusent dans une harmonieuse expression, comme soutenue par la tension palpable que crée cet embouteillage. Ma tante a le don de vieillir joliment.

-       Reina, tes cousins parient depuis quelques semaines que tu fugues bientôt. Débute-t-elle en attendant que le feu rouge passe au vert.

Mon sourire s'étale sur mon visage, remontant mes joues remplies de cicatrices de boutons d'acné qui sont eux, camouflées sous la CC crème ultra tendance que propose ma pharmacie du moment.

-       Si je recommence, ça sera la 5ème de l'année. Remarqué-je en caressant le jade de mon collier.

Elle se tait et redémarre. Ils ont visé juste, je repars à l'aventure dans deux semaines.

Et cette fois-ci, je l'espère, pour de bon.

NibOù les histoires vivent. Découvrez maintenant