For Your Eyes Only

Chapitre 19

L'infirmière qui avait apporté le walkman à Luke plus tôt entra en trombe dans la chambre de ce dernier. Elle se retrouva face à un adolescent pris de spasmes tellement il sanglotait, appuyant toujours incessamment sur le bouton d'appel. La femme lui enleva la machine d'entre les doigts et s'assit sur le fauteuil à côté du lit, laissant sa main droite s'attarder dans les cheveux blonds qu'elle avait elle-même coiffés le matin. Quand Luke se calma finalement, il attrapa sa tablette située à portée de main et inscrit, d'une main maladroite, les mots "Aidez-moi à le retrouver". Sans hésitation, elle se leva et sortit après avoir prononcé ces quelques mots.

"Je reviens tout de suite."

Quelques secondes après, la femme revint avec un fauteuil roulant dans lequel elle installa le jeune adulte. Ils sortirent de la chambre, pour la première fois depuis longtemps pour Luke. Cependant, il n'y pensait même pas, il voulait juste retrouver les bras d'Ashton. Le blanc des murs et le bleu des produits se mêlaient dans le flou de sa vue causé par les larmes dans les yeux de celui-ci. Il ne distinguait même pas les visages de ceux qu'il voyait mais, de toute façon, il savait qu'il n'était pas là.

Il ne pouvait pas le perdre une seconde fois. Il ne pouvait pas se le permettre. Ashton l'aimait, il le lui avait dit. Pourquoi repartirait-il juste après lui avoir avoué son amour ? Peut-être qu'il avait peur d'être rejeté suite aux sentiments qu'il avait évoqués. Mais jamais Luke ne pourrait lui en vouloir ! N'avait-il pas remarqué que ses sentiments étaient réciproques ? Ils avaient besoin l'un de l'autre. S'il partait une nouvelle fois, il les détruirait tous les deux.

"Monsieur Irwin !!"

Toutes les personnes présentes dans le hall de l'établissement lancèrent des regards assassins dans la direction de la dame qui poussait la chaise roulante dans laquelle se trouvait un patient, certains pointant même du doigt le panneau réclamant le silence. Elle haussa les épaules et emmena le jeune malade dehors, dans le parc adjacent au bâtiment. Tout le monde avait repris son activité, sauf un homme, un jeune qui avait les yeux rougis et les mains encore tremblantes. Personne ne faisait attention à lui, tous concentrés sur leur propre personne et leurs propres problèmes, comme tout individu sur Terre. Mais ce jeune homme était habitué à cette situation, c'était ce qui lui arrivait toujours en classe quand il était encore adolescent. Un homme isolé qui pleure sera toujours plus visible que s'il est dans un groupe de personnes. Même le blond partiellement et momentanément paralysé ne le voyait pas. Il sentait sa présence, mais il était tellement secoué de sanglots qu'il ne pouvait rien voir ou entendre. Il était déconnecté, hors du monde, ne ressentant plus rien, pas même la douleur dans sa gorge et l'engourdissement dans ses jambes.

Des on côté, Ashton ne pouvait s'empêcher d'avoir une boule dans le ventre à la vue de celui à qui il avait indirectement confessé ses sentiments. Le voir dans cet état le brisait. Il affrontait sa maigreur et le malheur visible partout sur son corps et lisible jusque dans ses yeux pour la première fois, car, aujourd'hui, il n'avait aucune couverture sur lui pour dissimuler tout cela. Il avait mal au cœur, réellement, une brûlure qui consumait son organe vital, lentement mais douloureusement. Il voulait juste combler la dizaine de mètres qui les séparait, mais il ne savait pas comment il serait accueilli, ni même s'il était autorisé à faire un pas. Alors il ne bougea pas et continua à trembler et à pleurer car c'était tout ce dont il était capable à ce moment précis. De plus, s'il effectuait le moindre mouvement, il allait à coup sûr perdre l'équilibre étant donné que ses jambes éprouvaient déjà grande difficulté à le supporter. Cela faisait des heures qu'il errait dans le bâtiment sans même savoir où il allait ou ne serait-ce que l'endroit où il se trouvait. Il ne lui restait qu'à se faire rejeter par Luke pour quitter l'endroit et disparaître à jamais. Il voulait juste être sûr avant, histoire de ne pas se poser un nombre incalculable de questions à chaque prochaine seconde de sa misérable vie.