Chapitre 38 : " Il était une fois, mais pas deux. "

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On avait du mal à la reconnaitre. C'était effrayant. On pouvait voir sa colone vertébrale se contracter  lorsque l'eau devenait trop froide au contact de sa peau. Elle avait perdu tellement de poids en si peu de temps. Elle peinait à se savonner. La petite chose qu'elle était devenue en si peu de temps avait peur de se briser sous l'eau. Ses membres tremblaient. Ses lèvres étaient violacées par le froid. Qu'importe, il fallait qu'elle se douche. Elle ne s'était pas douchée depuis plusieurs jours. À vrai dire elle ne savait pas quel jour on était et elle s'en fichait. Des amis venaient en fin de journée lui donner les cours qu'elle manquait. Elle pouvait compter sur eux. Ses cheveux étaient sales. Elle prit la poire et l'accrocha au dessus de sa tête. Ce fut un effort surhumain qui lui prit cinq bonne minutes. Tout son corps s'était étiré pour faire ce geste qui nous parait si simple au premier abord. Ses bras avaient craqué. Son cou ne voulait plus soutenir sa tête. Elle était si faible ... Elle lâcha la poire et glissa à terre dans la seconde qui suivit. La poire tomba sur sa tête.Elle fut tout d'abord sonnée. Le sol était froid. Glacé. L'eau continuait de couler mais du sang commençait à se répandre. Elle n'avait pas vu son rasoir à terre et avait glissé dessus. Elle s'était ouvert le pied. Elle grimaça même si elle ne sentait pas la douleur. Elle voulait sentir quelque chose mais en ce moment elle ne sentait rien. Absolument rien. Bon,c'était suffisant pour aujourd'hui. Elle ne prit pas la peine de remettre la poire en place : elle sortit de la douche, prit son peignoir blanc et rejoignit sa chambre en boitant. Elle revint vite vers la salle de bain chercher un pansement pour son pied. Elle en profita pour éteindre la douche qu'elle avait oublié dans la précipitation et se remit dans son lit où elle avait passé toute la semaine. On toqua à la porte. Elle avait envie de voir personne. Elle remonta la couette comme si la couette allait l'aider à disparaitre. C'est ça. Elle voulait disparaitre. Disparaitre pour aller ailleurs. Quitter cette zone. Quitter ces gens. Quitter ce monde. Elle voulait être transparente. Pendant un cours instant, elle voulait être quelqu'un d'autre ou tout simplement ne pas exister dans le lieu où elle se trouvait. Cela pourrait être pire. Elle pourrait être avec lui. Elle s'estima heureuse. Non. À vrai dire elle ne l'était pas : heureuse. Des larmes coulèrent le long de ses joues. Rien que le fait d'entendre son nom en boucle dans sa tête la fit tressaillir. Non, elle ne devait plus penser à lui. Une boule se forma dans sa gorge. Sa fenêtre de chambre était ouverte. Il y avait beaucoup de vent. Elle se leva et alla fermer la fenêtre quand on se remit à frapper à la porte. Elle regarda de loin le salon. Elle ne voulait pas ouvrir. Elle savait que c'était encore une fois la directrice qui venait aux nouvelles et c'était la dernière personne qu'elle voulait voir.

" Je sais que tu es dans ton lit, ouvre, c'est moi. Parle moi. "

Elle s'attendait à tout sauf à entendre SA voix. Elle se précipita vers la porte puis d'un mouvement brusque s'écroula contre la porte. Son corps n'avait pas supporté cet effort : elle avait couru cent mètres de sa chambre au salon. Quand on avait mangé que du bouillon de toute la semaine il était évident qu'on avait aucune force. En entendant le vacarme qu'elle avait fait contre la porte il ne put s'empêcher de lui demander si elle allait bien.

" Non. Va t'en. "

"Je ne peux pas. "

"Tu as ... as ... assez fait de mal comme ça autour de toi. "

"Mon but n'était pas de te blesser."

"Pourtant c'est ce que tu as fait. Va t'en et ne reviens jamais. "

" TU M'AVAIS QUITTÉ MILA ! "

" NON! JE NE T'AI JAMAIS QUITTÉ NOAH ! JE ... JE ..."

" TU QUOI? Te fous pas de moi ! Ouvre cette porte et on pourra en parler calmement. Je ne veux pas me battre contre une voix derrière une porte. Je ne veux pas me battre tout court. Je viens en ami. Je suis en train de devenir fou. On m'a dit que tu étais plus que l'ombre de toi même ces derniers jours. Je m'inquiète sincèrement pour ta santé. "

"En ami Noah ... "

Des larmes coulèrent le long de son visage creux. Elle mit les deux mains sur sa bouche pour étouffer un cri qui voulait sortir du fond de sa gorge malgré elle. Elle ne voulait pas qu'il entende à quel point elle avait mal.  Elle n'avait jamais eu aussi mal de sa vie. Elle n'avait jamais entendu une phrase de sa bouche aussi ... minable.

" Oui, je veux être ton ami."

"DÉGAGE ! FOUS LE CAMPS!"

"Mila calme toi, ouvre moi s'il te plait."

"CONNARD. VA TE FAIRE FOUTRE! SORS D'ICI OU J'APPELLE LA SÉCURITÉ. "

Elle n'avait plus de voix. Elle se mit à tousser.Sa toux empira. Il lui demanda d'ouvrir. Elle ne pouvait pas répondre.  Elle se surprit à cracher du sang.

" JE TE DEMANDE DE PARTIR. TU N'ÉTAIS PAS MON AMI NOAH. JE ... JE ..."

Elle n'arrivait plus à parler : du sang abondait de sa bouche. Ce qui lui donna envie de vomir. Elle essaya de se contenir en mettant ses deux mains devant le bas de son visage. Le sang continuait à couler autour de ses lèvres violacées. Tout comme sous la douche, le sang se mêlait à ses larmes.

" Mila, ce n'est pas parce que c'est fini entre nous que ..."

Elle ne prit pas la peine de l'écouter jusqu'au bout.

" NOAH JE T'AIMAIS ! "

Sa voix resta en suspend pendant quelques secondes.

Ce fut la phrase de trop pour elle.

Elle avait essayé de lui dire. Elle n'avait jamais réussi à lui dire. Elle n'avait pas voulu que ce soit dans ces circonstances. C'était trop tard. Elle avait baissé la garde. Elle n'avait plus de carapace. Elle se sentit nue, vulnérable, ridicule, piégée, seule, meurtrie, humiliée. Elle prit sa tête entre ses mains avant d'essuyer le sang qu'elle avait autour de la bouche.

Elle commençait à avoir mal au crâne.Tout ce sang perdu commençait à lui provoquer des vertiges. Des ombres dansaient sous ses paupières. La jeune femme commençait à halluciner à cause d'une montée de fièvre subite. Mila était en train de devenir folle. Il l'a mettait hors d'elle : elle n'avait plus la force de continuer.

Il était toxique pour elle. On l'avait pourtant mise en garde. Madame Hunter la première. Elle n'avait voulut écouter personne. Cette dispute allait être de trop pour son corps, pour son esprit, pour sa santé, pour elle.

En s'accoudant une nouvelle fois contre la porte avec ses mains ensanglantés, le sang s'était répandu à travers le bas de la porte. Noah qui s'était lui aussi allongé de l'autre coté de la porte toucha le sang de Mila des doigts sans faire vraiment attention. Il vit la couleur rougeâtre de ses mains et comprit qu'il était allé trop loin.

"MILA OUVRE MOI LA PORTE ! MILA ! JE T'EN SUPPLIE, RÉPONDS MOI! "

La jeune femme prononça les dernières phrases qu'elle put prononcer avant de s'écrouler à terre :

" Tu m'as quitté pour elle Noah. Tu m'as dit que c'était fini. Tu n'as même pas eu la décence de me le dire lorsque tu es venu me rendre visite la première fois. Tu as couché avec moi et tu es partis. J'ai reçu ton SMS le soir même :  Entre elle et toi, c'est elle que je choisis. Il était une fois nous deux.

Aujourd'hui : Il était une fois, mais pas deux. "

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