Chapitre 2

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Ses doigts tâtaient la poignée de porte lorsque elle se trouva sur le perron, hors d'haleine. Sa poitrine ne cessait de se soulever frénétiquement au rythme preste, précipité des battements de son cœur.

Ainsi, quand elle fut rentrée dans le vestibule, Alicia s'engouffra dans la salle de bain à deux pas de l'entrée, qui se résumait à un seul sanitaire, un lavabo en céramique et deux néons bruissant qui encadraient le miroir et témoignaient bien d'une technologie sommaire.  La pièce était humide, fripée et criblée de tâches. Quant à l'odeur, celle-ci était rance, elle sentait le moisi et le renfermé. Une de ses odeurs âcre qui nous pinçait les narines et imprégnait nos vêtements.

Elle s'appuya alors sur le rebord du lavabo surmonté du miroir maculé de tâches et songea à cet homme. Pourquoi son cœur se mettait-il à battre follement quand bien même elle pensait à cet étrange personnage qui l'avait blessé? Cela ne faisait aucun doute, il essaierait de la retrouver tôt ou tard.

Un singulier besoin la prit tout à coup de relever la tête et soudain en face d'elle, Alicia aperçut une jeune fille blême au regard sournois. Ses joues étaient creuses et ses yeux vides de sens. D'autant plus qu'elle semblait si peu élégante et distinguée mais d'une prestance admirable qui relevait de sa beauté maladive.

Les deux femmes se trouvaient si près l'une de l'autre que Alicia fit un bond en arrière. Puis elle  demeura ensuite interdite: c'était son propre reflet.

Une vive douleur sur sa clavicule l'extirpa de ses pensées pêle-mêle.  La blessure il y a quelques minutes de cela béante et bordée de chairs calcinées formait désormais une peau lisse et légèrement roussie parsemée de pigments rouges. Elle se frotta les yeux, se pinça du bout des doigts son avant bras. Enfin elle découvrit que sa blessure avait belle et bien cicatrisée.

Alicia refusa d'abord  d'y croire mais accorda cependant le bénéfice du doute quand alors elle entendit trois coups à la porte. Une femme dont l'embonpoint persécutait ses moindres faits et gestes , passa l'embrasure de la porte et, d'une voix suave et maternelle, s'exclama:

-Allons Alicia, que fais tu enfermer dans la salle de bain ?

L'enfant ne daigna point répondre. Mais Madame Wilson était résignée, poussée par un puissant instinct maternel.

Ainsi, elle considéra Alicia plusieurs fois quand son regard se posa sur sa clavicule brûlante.

-Ma foi, c'est un suçon ça ? dit Mme Wilson en posant une main sur sa bouche pour étouffer un hoquet de surprise.

Alicia, aussi surprise que sa mère réussit à balbutier :

-Un suçon ?

-Oui là, sur ton cou!

Alors un silence pesant, qui en disait long s'installa entre les deux femmes.

-Qui est celui qui t'a fait ça? s'enquit Mme Wilson

La jeune fille trouvait tout cela stupide mais après réflexions jugea un tantinet plus prudent de faire croire à sa mère que c'était un suçon. Il lui suffisait d'inventer un personnage fictif, d'évoquer un amour naissant et laisser planer un doute autour de cet homme pour satisfaire sa mère.

-C'est un élève du lycée bredouilla Alicia s'en voulant déjà de lui mentir.

Et, comme prévu, Mme Wilson tapa joyeusement dans ses mains on ne peut plus comblée. La perspective que sa fille unique puisse aimer quelqu'un de manière réciproque lui semblait merveilleuse et elle en fut agréablement surprise. Enfin face à cet élan d'enthousiasme Alicia culpabilisa de ne pas lui avoir avoué que ceci était causé par un homme étrange et qui plus est capable d'animer une flamme dans sa main. Elle ne l'aurait pas cru.

- Je vais l'annoncer à Max conclut Mme Wilson en replaçant une mèche brune de sa fille dernière son oreille, il sera fou de joie lui aussi.

Ainsi partit elle rejoindre son mari qui devait à cette heure si rentrer de son travail besogneux.

Une fois qu'Alicia eut entendu les pas étouffés de sa mère dans la cuisine , elle traversa le vestibule, grimpa les escaliers dont les marches fléchissaient sous son poids et tourna dans  une chambre isolée. Il y avait la, lové au creux d'un fauteuil en velours une jeune fille, aussi plongée dans un bouquin. Elle portait une veste en treillis, que son père lui avait ramené de son travail, ainsi qu'une broche en argent posée sur ses boucles blondes négligemment attachées.  Sa demi-sœur leva aussitôt  les yeux tout en refermant l'ouvrage à la tranche dorée.

-Qu'est ce qui te prend de venir à cette heure ci ? demanda cette dernière sévèrement

Glissant sur le parquet, Alicia prit place aux cotés de sa demi-sœur qui ramena ses genoux contre sa poitrine afin de lui laisser une place.  Enfin, elle s'apprêtait à se lancer dans une diatribe sans fin, contant son agression on ne peut plus mystérieuse tout en expliquant l'origine de sa vilaine cicatrice, quand une détonation la priva de cette occasion. Toute deux considérèrent que ce bruit n'était que le fruit de leur imagination, seulement un second coup retentit suivi de cris machinaux.

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