Elise sort la fumée à la senteur âcre de sa bouche assombrie puis me raconte sa journée. Comment elle a fait marcher son mec et combien sa mère est heureuse qu'elle ai eu son examen. " Je leur ai prouvé que j'en étais capable" crie la jeune brune avec un sourire plein d'orgueil. Je suis fière d'elle. Personne n'y croyait c'est vrai, pas même moi, son amie.
Je vois ses lèvres remuer longtemps et je la sens me violenter l'épaule." Ça va toi sinon? "
J'ai envie de lui dire que ça va. C'est vrai, j'ai envie de le lui dire parce que c'est simple. Parce qu'au fond elle n'attends rien d'autre.
Je suis prise, depuis la veille au soir d'une empathie assez sévère. Je suis prise de pitié pour le monde.
Je pense aux guerres, je pense aux familles désunis , au père de cet enfant qui est mort à la guerre...à l'enfant de cette mère sur les murs de ma rue qui a disparu depuis déjà une semaine...Quelqu'un s'est même amusé à lui mettre une moustache à ce petit garçon fantôme sur la photo... je serre les poings..je pense au brouhaha du marché et des odeurs alléchantes mais ce souvenir me revient. Un garçon, 11 ans environ a craché sur le visage de cette petite fille qui s'est effondrée en larmes sur le vêtement indien de sa mère. Elle a crié si fort...mon coeur s'en est brisé. J'étais à un mètres à peine. J'ai vu la cruauté du geste, j'étais tétanisée.
J'en ai eu les larmes aux yeux. Au journal de 20h j'ai vu encore ces migrants qui meurent au large...des migrants sans noms, sans familles, caricaturés et qui ont perdu toute crédibilité parce qu'ils ont eu le courage de se rebeller contre la misère de la vie. J'ai vu , en rentrant un sans-abri. Il n'est pas là tout le temps. Il saluait tout le monde et le plus cruel c'est que personne ne prenait la peine de lui répondre un simple "bonsoir" pour ne pas avoir à débourser les pièces rouges du fond de leurs poches. J'ai vu l'indifférence et j'ai eu peur de le devenir."-Bonsoir mad'selle...
- Bonsoir j'ai répondu avec un sourire
- Z'aurez pas une pièce s'il vous plaît ? "J'ai voulu dire non. Comme tous les autres. Et puis non...j'ai cherché...en vain. "Désolé".
En partant mon coeur s'est compressé. Comme si ça aurait été une obligation? Non...je me suis senti compatissante parce que je me suis mise à sa place. Je me suis vu là..à mendier des pièces pour vivre et à voir l'indifférence des gens.
J'ai lu qu'en Inde les femmes se faisaient violenter et tuer à cause de leur sexe. J'ai vu des épouses pleurer sur des cercueils vides. J'ai vu l'effroi du monde face au terrorisme et les médias en profiter pour embraser la peur. Les gens mourir sous des camions...des familles endeuillés et les cris de l'espoir ...et j'ai vu le temps passer et les gens oublier.
Pour mieux vivre dit-on." Non ça va pas. "
Elise a les yeux arrondis d'un coup et fait mine de compatir en aggravant son visage au possible.
"- Comment ça ? Me dit-elle comme si j'aurais été folle de penser ça, empiéter sur sa joie.
- C'est pas une question rhétorique alors je te réponds normalement que je ne vais pas bien
- Pourquoi? T'as eu ton bac meuf ! Souris la vie est belle! "La nature humaine.
L'instinct de survie qui ne vaut que pour soi... "Je vais bien c'est tout ce qui compte"...On s'en fiche pas mal du reste du monde tant que la joie est préservée dans notre cocon.
On compatit pour un temps. On vit pour soi...
Le diktat de la société ne s'en tient pas qu'à la mode et la beauté.
Ce superflu n'est là que pour camoufler les réels problèmes.Je la regarde. Elise a des cernes sous les yeux et les joues creuses. Son joli visage me fait sourire.
Je jette sa cigarette.
" Arrête ça s'il te plaît ".
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Juste envie de..
عشوائيJuste envie de l'écrire Juste besoin de coucher ces mots sur du papier Juste envie de m'évader Dégourdir mes doigts Laisser couler ma vision Pas besoin de d'autre chose Je le fais pour ça... Ne vous attardez pas dessus, c'est juste une envie de...