Chapitre 1: Tournage et beau ménage!

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Un peu plus à droite, dans le champ, et voilà.

Ce n'est pas souvent qu'une famille se laisse malmener comme ça pendant un quart d'heure. Car oui, il faut bien l'avouer, je les bouscule un petit peu, voir même un peu de trop. Mais pas le choix, je dois finir cette séquence avant 18h, après direction l'hôtel. C'est vrai que ce n'est pas luxueux, mais on nous a promis une chambre avec salle de bains, à ce que j'ai compris. On verra bien. Des chambres d'hôtels avec salle de bains, ça existe.

Non mais ce n'est pas possible, la grand-mère est hors champ. Et puis Tsuko, qu'est ce qu'il fait encore? Ça fait depuis 30 secondes que je tente en vain de le voir pointer le bout de son nez. Faut dire qu'avec toute cette agitation dans le parc, comment voulez-vous que le petit personnel se concentre? Bon, faut que j'arrête, ça ne sert à rien de s'énerver. Je crois que je commence à ressentir une légère fatigue. Je dis bien une "légère", car en temps de tournage, mon taux d'attention peut diminuer facilement. Et s'il y en a un à qui cela profite, c'est bien encore et toujours Tsuko. Tiens, en parlant du japonais, je mise gros sur son apparition.

"わたし  は   トイレ   へ   しゅつは゛つしました。".

("J'étais parti aux toilettes.").

"まだ!".

("Encore!").

Quand je le vois arriver, telle une tortue sortant de son hibernation, ça m'exaspère encore plus. Comment peut-on s'imaginer que cet homme est en réalité à la tête d'une chaîne de télévision japonaise?

Il y a parfois des questions qui n'ont pas de réponses. Et celle-ci en fait partie. Il faudrait que je pense un jour à inscrire sur un petit bout de papier toutes celles qui me viennent à l'esprit, au cas où. Des réponses inespérées, ça existe.


Je crois que la famille est au complet à présent. Je ne parle bien sûr pas de la mienne (à plus de 1000km d'ici, et avec des parents qui m'ont quitté depuis maintenant 2 ans, on est loin d'une telle affirmation), mais de celle des Hayashi, grande famille japonaise dont le père est membre de la Cour suprême. D'ailleurs, je me souviens avoir ouvert de grands yeux ébahis à l'annonce de cette instance. Je me suis maudite par la suite de ne pas avoir emporté un minimum de connaissances sur la politique du pays avec moi dans ma valise. Finalement, j'ai appris que cette Cour suprême était en réalité l'équivalent du système judiciaire américain, c'est-à-dire qu'elle a le pouvoir de juger certaines personnes pour des affaires sérieuses, et aussi d'attester de la constitutionnalité des lois et autres décisions du même genre. Qu'est ce qu'ils peuvent être compliqué parfois ces japonais!

La pluie recommence à tomber, si ça continue, on va devoir plier le matériel, et au revoir la première séquence du documentaire. A propos, je me rends compte qu'il ne nous reste plus que quelques jours pour clôturer le projet. Ça risque d'être court, trop court à mon goût. Mais Tsuko n'a pas l'air de s'en inquiéter. Après tout, c'est peut-être moi qui me tracasse pour rien. On m'a souvent dit que je me faisait un sang d'encre pour pas grand-chose. Mais chut, Tsuko ne doit rien savoir de certains de mes traits de caractères, ça pourrait le rendre complètement fou, et je n'exagère pas. Ou peut-être que si, mais ça aussi, c'est dans ma nature.

Après quelques mises au point, la séquence est fin prête.

"はやしさん、あなた の  おは゛さん  て゛す  か。".

("Mr.Hayashi, c'est votre grand-mère?").

"はい、 そう  て゛す。".

("Oui, c'est ça.").

La grand-mère en question se place à côté de sa petite- fille, puis avec un ultime effort de langage, je parviens à tous les aligner dans une posture qui se veut décontracter. Je commence par prendre une photo, histoire d'avoir un souvenir de cette belle petite famille. Enfin, pas si petite que ça, si on compte les oncles et les tantes éloignés, on en arrive à une quarantaine d'individus. Dont un oncle et une tante auxquels je vais rendre visite le lendemain matin, si tout va bien.

Il faut à ce propos que je m'entretienne avec Tsuko, j'avoue que je ne sais pas trop comment m'y prendre pour cette future interview, il ne semble pas très enclin à la tourner, je me demande bien pourquoi

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Il faut à ce propos que je m'entretienne avec Tsuko, j'avoue que je ne sais pas trop comment m'y prendre pour cette future interview, il ne semble pas très enclin à la tourner, je me demande bien pourquoi. Surement pour me contrarier, je sens qu'il aime faire ça, cet énergumène. Bon, j'y vais un peu trop fort là, on se ressaisit Alice. Tu es une gentille petite blonde de 22 ans, et c'est toi qui a voulu faire ce stage, alors tu arrêtes de t'en prendre à ton très cher partenaire de terrain, et tu te concentres sur ton travail. En parlant de travail, à combien de prises de vue en est-on? Une bonne vingtaine je crois. Ça devrait être suffisant. Je fais signe à mes sujets, ils peuvent aller se reposer.

Tiens, Tsuko est déjà reparti. Il ne leur a même pas dit au revoir, ça ne coûte rien quand même. Qu'est ce que je vais bien pouvoir faire de lui, bon sang? Et comme si ça ne suffisait pas, voilà mon téléphone qui sonne. Une voix inconnue m'interpelle. Quoi??? Plus de chambres disponibles? Une sérieuse inondation? Mais qu'est ce que j'ai bien pu faire pour mériter ça?

Je cherche Tsuko du regard, évidemment, il n'est jamais là quand on a besoin de lui. Constatant ma mine abattue, Mme.Hayashi s'avance vers moi et me dit avec un sourire charmant:

"わたしたち   の   いえ   に   来てください!".

("Venez chez nous!").

"はい、もし あなた   が   欲するなら。".

("Oui, si vous voulez.").

Ah quel soulagement! En plus, profitons-en pour mieux faire connaissance avec eux! Et tant pis pour l'insociabilité de Tsuko, c'est ça ou la rue! Ah le revoilà, je ferais mieux de le mettre au courant.

La nuit commence à tomber, nous rassemblons nos affaires, et, ce soir, nous dînons chez eux. Je me demande vraiment comment se passe un repas dans une famille japonaise, j'ai hâte de voir ça, et surtout, d'y goûter! Je sais que je suis encore dans le cliché d'un repas traditionnel autour d'un tapis, mangeant à même le sol, mais va savoir, peut-être ont- ils conserver un brin de traditions ancestrales! En tout cas, je suis maintenant de meilleure humeur, et si ça ne plaît pas à Tsuko, tant pis pour lui! Dans tous les cas, une soirée inoubliable, ça existe.




Alice au pays du soleil levantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant