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Apparaissant de derrière la colline, les rayons du soleil me frappent de plein fouet. Je me déplie, étire mes membres engourdis par cette nuit passée recroquevillée. Après ces deux jours de pluie, qui ont noyé une partie de la communauté, celles d'entre nous qui avaient élu domicile un peu plus bas sur le coteau, cette douce brûlure apparaît comme une libération. Mais la vie reste la même. Inlassablement difficile.

Mes pieds, comme ceux de mes camarades, qui sortent à leur tour de leur torpeur, sont reliés au sol. Quelle condamnation, que de naître avec comme destinée de rester attachée toute son existence ! Seul échappatoire, les Libres. Ils nous ressemblent assez, avec leur grands corps dressés vers le ciel, surmontés d'une forme vaguement sphérique. Leur venue provoque toujours des tensions parmi nous. Nous avons toutes le même espoir.

De leur souples membres, ils soulèvent du sol certaines d'entre nous, brisant les lourdes chaînes. Ils repartent ensuite comme ils sont arrivés, emmenant leurs Élues, qui bien trop souvent les plus jolies, vers la liberté.

Je ne sors pas du lot, c'est bien vrai, je suis banale et discrète. Cependant mon parfum est frais et perdure dans le temps, contrairement à certaines excentriques dont l'odeur entêtante donne la nausée. Et je suis forte, je résiste aux maladies, au temps, au vent, toujours debout, fière et fidèle à moi-même.

Attente.

Aujourd'hui, pas plus qu'hier, pas plus que les 86 derniers jours, aucun Libre n'est venu.

Attente.

Le soleil commence à disparaître derrière le coteau. Je l'ai suivi des yeux toute la journée, tordant mon corps au gré de son emplacement. Déjà la luminosité diminue, le froid revient, comme toutes les nuits, mordant tel un affamé. Mon corps s'affaisse, mon esprit se brouille.

Courte libération du sommeil.

Miettes de poésieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant