IV

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La douleur se calme aussitôt. Je m'affale sur le sol, épuisée. Jusqu'à ce que je me rende compte de ce que j'ai fait.

J'ai tué Gabriel. La seule personne qui me restait. Mon seul espoir.

Sous le choc, je retire ma main de son cou ensanglanté. Mes griffes se retransforment. Le long de mes doigts coule une goutte de sang.

Horrifiée, je me fige. Le monde se met à tourner autour de moi et mon ventre se noue. Qu'ai-je fait ? Qu'ai-je fait ?

Je me sens mal. Je tombe à genoux, à bout de forces. Je vois trouble et j'ai du mal à respirer. Comment vais-je pouvoir survivre après ce que j'ai fait ? Je suis un monstre, un monstre.

Les larmes me piquent les yeux. Je me mets à pleurer, de longs sanglots violents qui me secouent toute entière et me déchirent les entrailles.

Je me dégoûte. Je ne mérite plus de vivre. Oh ! que j'aimerais mourir, ou plus simplement ne pas être née. Gabriel ne serait pas mort par ma faute.

J'ai atteint un point de non-retour, je le sais. Je suis condamnée à sombrer lentement dans la Folie. Oh oui, toi, mon ombre, mon bourreau, tu vas m'avoir, tu le sais, et c'est pour cela que tu prends ton temps, comme un chat cruel. Tu joues avec moi, je ne suis qu'une marionnette entre tes doigts. Oh, Mort, viens vite me chercher. Qui sait quelles autres atrocités je vais commettre ? Combien d'autres innocents vont succomber par ma faute ? Que je meure, que je meure, qu'on en finisse. Je ne peux plus vivre avec ce poids sur le cœur.

********

Je suis sur le rebord de la falaise. Le vent m'ébouriffe les cheveux. Je regarde au loin. Le soleil est sur le point de se coucher. Comme cette autre soirée, celle où ma vie a basculé.

Une larme roule sur ma joue et se perd dans l'air. Fugace.

Que suis-je ? Qui ai-je été ? Pourquoi la vie a-t-elle décidé de jouer avec moi ? Oh destin, pourquoi es-tu si cruel ?

Le gouffre m'attire, obscur. J'ai envie d'y plonger, de me laisser aller. D'oublier. Tout. C'est si douloureux. Mais quelque chose m'en empêche, me tire en arrière.

Quand je ferme les yeux, je revois le sourire de Gabriel. Cela m'est insupportable. Je l'ai tué. Je ne mérite plus le bonheur.

Comment vivre avec ce poids ?

J'oscille sur le rebord de la falaise. La mort, la vie. L'obscurité, la lumière. L'oubli, le pardon.

Je ne suis à présent plus qu'une poupée que le vent et le destin malmènent à leur guise.

La mort... la vie...

Une autre larme disparait dans le vent.

L'oubli. Peut-être est-ce un châtiment trop doux pour moi. Peut-être que je mérite juste de vivre avec ce poids, cette douleur, comme un fardeau, pour l'éternité.

Le soleil lance ses derniers rayons. La nuit remplace peu à peu le jour.

En moi bataillent toujours la mort et la vie. Le gouffre et la terre ferme.

Et c'est le gouffre qui l'emporte.

*****

Pendant que je me sens tomber, libérée de toute pesanteur, je sens une dernière larme rouler le long de ma joue.

Et en l'espace d'un instant, je me sens prise d'une impression de bonheur fugace.

Puis c'est le vide.

Vengeance d'une fille-loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant