II

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Non !!!

Refusant d'y croire, je fixe les cadavres. Non, c'est impossible. Ils ne peuvent pas être... Des larmes coulent silencieusement sur mes joues. Mes jambes tremblent. Je me sens faible et vulnérable. Sans même m'en rendre compte, je tombe à genoux.

Je ne sens plus rien. Je suis comme anesthésiée. J'ai l'impression d'être coupée du monde. Ils sont morts. Ils sont morts. Non, c'est impossible.

D'un seul coup, la douleur me submerge. J'ai l'impression d'avoir un couteau planté dans le cœur. Mes larmes m'aveuglent, mes sanglots m'étouffent. Je veux respirer, laissez-moi tranquille ! Je hurle mais aucun son ne franchit mes lèvres. La souffrance se répand dans mes veines à la vitesse d'un cheval au galop. C'est comme si on me glaçait de l'intérieur. Je sors mes griffes. Ma main appuie contre ma jambe et remonte lentement, traçant dans ma chair des lignes de feu. Ça fait mal, oh oui, ça fait mal. Je hurle et pourtant je recommence, plus fort. Car seule la douleur physique apaise un peu celle, plus profonde, de mon cœur.

Je me sens vidée de mes forces. Je m'effondre dans l'herbe et me roule en boule. Et je reste là, longtemps, oscillant entre pleurs et apathie. La nuit me cueille, me glace, m'envoie des ondes de souffrances que je ressens dans tout mon corps. Mais même le froid ne me fait pas bouger.

Quand l'aube se lève, mortellement belle, le soleil trace dans le ciel des rayons dorés. Enroulée sur moi-même, je sens sa chaleur me réchauffer timidement. Lentement, je déplie mes membres engourdis et je lève un regard empli de douleur vers l'astre du jour. La forêt resplendit, parée de rayons de l'aube et de larmes de la nuit. C'est chez moi, ici. Et ça le restera. Ces maudits humains ne viendront pas tout gâcher.

Je prends alors une résolution. Je serai la gardienne de la Forêt. Tant que je serai vivante, aucun être humain ne posera le pied ici.

S'il le faut, je les tuerai tous.

La main posée sur mon cœur, je fais cette promesse au soleil de l'aube.

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Je marche sans bruit dans la forêt. Mes coussinets effleurent le sol, silencieux. Mon pelage noir se fond dans l'obscurité du crépuscule. Je suis indétectable.

Ce dernier mois, j'ai appris la solitude. Celle qui vous guette à chaque pas, qui s'attache à vous comme votre ombre, qui vient gâcher vos plus infimes moments de plaisir. Celle qui vous tue à petit feu.

J'ai souvent froid. Dans la grotte, il n'y a plus personne pour se blottir contre moi et me tenir chaud. Désormais, le vent souffle en rafales, chantant sa complainte sinistre et me glaçant les os. Je sais que le vent est triste. Toute la forêt est en deuil. Je le sais parce que les fleurs ont la tête tristement baissée, parce que les feuilles ne verdissent plus, parce que les arbres se taisent, parce que les herbes n'ondulent plus sous le vent.

Le soir, je sors. Je fais ma ronde. Je tourne longtemps dans la forêt, je longe la frontière du territoire sous ma forme de louve qui ne me quitte quasiment plus. Quand j'ai fini, je m'installe sur le rocher et je contemple les étoiles. Elles sont si belles qu'elles m'apportent quelque chose d'oublié depuis longtemps : la sérénité.

C'est toujours à ce moment-là que les souvenirs me reviennent. Ceux qui font mal. Ceux qui me tuent. Ils arrivent en une vague glacée. Ils balayent tout sur leur passage. J'ouvre la bouche, je manque d'air, je veux hurler, hurler ma douleur, hurler mon désespoir. Et la vague se change en un feu brûlant qui me dévore. Je deviens folle. Je hurle à m'en casser la voix. Je courbe les doigts et ils se changent en griffes. Je les plante dans ma chair, ils percent ma peau, remontent sur ma jambe, griffent mon ventre. J'ai le corps strié de lignes fines et rouges qui n'ont pas encore cicatrisé.

Cela fait une pleine lune que ça dure. Une pleine lune où chaque jour est une lutte pour ne pas sombrer dans la démence. Ce monde devient mon expiatoire, pire que l'enfer.

J'ai déjà tué des Hommes qui ont empiété sur mon territoire et je suis prête à le refaire.

Ce soir, je surveille la frontière. Tous mes sens sont en alerte. Soudain, ils se réveillent. J'ai senti quelque chose...

Un humain. Il y a un humain.

Je me fige. Un humain... Les souvenirs m'envahissent mais cette fois avec moins de force. Je vais venger mes parents et tuer cet humain. Je m'approche, silencieuse.

Il est là. Il a l'air jeune. Je ne distingue pas son visage plongé dans l'ombre. Il avance d'un pas hésitant. Il porte une odeur que je connais bien. Celle de la peur...

Je me délecte de cette odeur. De sa terreur. De son appréhension lorsqu'il fouille du regard la forêt insondable de ses pauvres yeux d'humain. Il va payer pour ceux de sa race.

Je me ramasse sur moi-même et contracte mes muscles. Puis je bondis.

Je vois son regard terrorisé. J'ai l'impression que le temps se déroule au ralenti. Je tombe sur lui et nous roulons au sol, mes griffes profondément enfoncées dans sa chair.

Il hurle. Je me penche sur lui, avide de sang. Et je me retransforme.

Je veux lui montrer ma partie humaine. Qu'il sache qui je suis. Et qu'il comprenne que c'est toute la forêt qui attend sa mort.

Il pousse un cri quand il voit mon corps changer et devenir celui d'une jeune fille.

Puis il s'exclame, d'une voix étranglée :

-Elerinna ?

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Voilà enfin ce deuxième chapitre fort en émotions, n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez.

Que va-t-il se passer d'après vous ?

Merci de lire mon histoire, ça me fait vraiment plaisir. J'espère qu'elle continuera à vous plaire !!!

Tara

Vengeance d'une fille-loupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant