Cher Journal,
Ça fait un long moment qu'on a pas parlé toi et moi, la dernière fois j'avais 16 ans, peu d'expérience de la vie : n'avais jamais embrassé quiconque, pas le bac, pas de permis, pas de travail, rien. Et regarde moi maintenant, 21 ans et j'ai réalisé tout ça, que le temps passe vite. Aujourd'hui, je te parle une toute dernière fois, juste histoire de faire le point, écrire la dernière page d'un livre que je ne veux plus jamais rouvrir. Et qui sait, peut être en commencer un bien meilleur.
Tu sais, on en parlait beaucoup toi et moi, ce voyage à Londres, voyage initiatique que je pensais ne jamais pouvoir réaliser. Et bien, demain je m'envole vers ce nouvel horizon, ces nouvelles expériences. Après l'obtention de ma licence d'Anglais, j'ai ressenti ce besoin intense de liberté et de renouveau alors, nous y voilà, je vais partir 1 an dans la capitale Anglaise.
Pour le moment, je vivais encore chez papa et maman, toujours en périphérie de Paris et toujours avec Cloé dans mes pattes. Tu la verrai maintenant, 13 ans, purée qu'est-ce qu'elle a grandi, elle me ressemble au même âge. Mais, une version améliorée de l'ado chaotique que j'étais.
Tu sais, je m'en veux de la laisser ici, avec mes parents sur le dos. Après tout, partir c'est mon rêve, mais si l'ambiance est si mauvaise ici, c'est surtout à cause de moi. On a pas reparlé toi et moi depuis, mais, à 17 ans quand j'ai fait mon coming out, maman m'en a terriblement voulu. Je l'ai vu dans ses yeux, tous les projets qu'elle avait pour la moi potentielle sont partis en fumée avec ces quelques mots que j'avais écrit sur un bout de papier froissé.
Depuis, rien n'a plus jamais été pareil et, avec papa, ils n'arrêtent pas de se disputer maintenant. Avant ce n'était que pour ça et généralement, papa haussait le ton pour me défendre quand maman commençait, mais maintenant, je vois que l'équilibre même de la famille en a pris un coup. Alors j'espère que mon départ apaisera les tensions que ma présence a causé.
C'est vraiment dur d'en être arrivés là, je t'ai tant parlé de ma sexualité autrefois, du fait que j'aurais préféré mourir que de devoir épouser un homme pour me conformer aux attentes des autres. Mais que je ne pouvais tout simplement pas assumer cette sombre partie de moi même. Je dis sombre comme si j'avais tué des milliers d'innocents alors que la seule que ça a tué c'est moi. Toutes ces heures passées le soir à pleurer dans mon lit, à faire le vœu que tout change pour ne plus jamais souffrir, ne plus jamais avoir à me cacher. Ces vœux que malheureusement je fais encore parfois. Je me déteste d'avoir gâché la vie de ma famille avec ça mais bordel, je déteste encore plus ma mère de vouloir me rendre parfaite avec un truc que je ne peux pas contrôler.
Maintenant j'essaie de passer à autre chose, de m'assumer, tu sais, j'ai même une copine, elle est vraiment parfaite, je suis très chanceuse de l'avoir. En parlant d'elle, ce sera vraiment dur pour moi qu'elle reste à Paris au lieu de me suivre. Mais, on n'est pas ensemble depuis si longtemps que ça. Et puis, ce voyage, je ne peux le faire que toute seule.
Visiter cette ville que je connais par cœur avec un regard nouveau, me trouver un travail, me débrouiller, me faire des amis et me rendre fière de mes accomplissements. J'ai vraiment hâte de découvrir le goût de la fierté que même un diplôme n'a pas su m'apporter. Bon, pour le logement je ne suis pas vraiment fière de moi, mais j'ai dû demander à ma mère de faire marcher ses contacts parce que je ne trouvais rien. Elle qui est Anglaise n'a eu aucun mal à passer deux ou trois appels et en quelques jours, tout était organisé pour moi.
Une collocation avec apparemment, plus de garçons que de filles, une sorte de thérapie de conversion qui doit pour le coup la rendre fière. Ou pas, je ne sais plus, je me perds à la diaboliser parce qu'elle m'a blessée et déçue. Mais peut être que je suis en train de devenir comme elle. Avoir la haine de l'amour.
Je ne sais, je crois que je suis perdue et ce depuis un long moment. Tu sais, en scrollant un peu sur internet, j'ai vu que des gens disaient que nous les LGBT, on faisait tout plus tard que les autres, parce qu'on grandit en n'étant pas vraiment nous, en faisant semblant d'être quelqu'un d'autre. Histoire de passer partout, de ne pas sortir du lot. Et ça, plus j'y pense plus je le ressens et plus je deviens folle. Alors ce voyage, je vais le vivre avec ma vraie identité et je vais rattraper tout ce temps perdu.
Il me reste peu de lignes pour terminer ce chapitre de ma vie pour de bon. Mais j'espère que dans le prochain m'attendent des surprises inoubliables. Et que je serai enfin la meilleure version de moi même, enfin la vraie moi.
Merci pour ces années de bons et loyaux services mon cher journal.
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Hola les amigos,
Je reposte cette histoire pour la 15e fois, en y mettant d'une part plus de piment mais également en l'écrivant avec mon regard d'adulte.
Bonne lecture.EM ❤

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IVY
RomanceIvy, jeune femme Franco-Anglaise tente à 21 ans la vie Londonienne ... Faisant le pari de laisser derrière elle sa petite amie et sa famille pour faire la connaissance d'un nouveau chapitre de sa vie. Une nouvelle vie, nouvelle maison, des colocata...