Chapitre 7 : Tendresse

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Les jours suivants, Jongin et moi avions continué de nous voir, le plus longtemps possible à chaque fois. Quelque chose avait encore évolué entre nous, je ne saurais dire quoi, mais je ne pouvais me passer de ce sentiment de paix, de confort, qui me prenait lorsque j'étais avec lui. De temps en temps, nous ne jouions pas, et nous nous posions quelque part, et il me tenait dans ses bras. Et de temps en temps, je passais ma main sur la peau tailladée de son beau visage. Et souvent, nous échangions un petit sourire, qui faisait chauffer mes joues. Je ne comprenais pas ce qu'il se passait, mais pour rien au monde je n'aurais voulu que cela s'arrête.

Aujourd'hui, comme depuis plusieurs matins, je me levai prestement de mon lit et fis ma toilette à la va-vite pour me rendre presque en courant vers notre petit chez-nous, à moi et à Jongin. En chemin, je crus entendre un bruissement, et m'arrêtai pour regarder attentivement autour de moi, espérant apercevoir mon loup. Mais il ne se montra pas, comme à chaque fois. « Sûrement encore un de ces lapins », songeai-je en reprenant ma route.

Lorsque j'atteignis mon refuge, je cherchai automatiquement mon compagnon au chaperon rouge des yeux.

Jongin était assis sur le tapis de mousse moelleux, adossé contre le tronc de l'arbre. Ses yeux étaient clos, et je me permis de le contempler. Sa peau à présent légèrement tannée, ses lèvres pleines et la ligne parfaite de sa mâchoire me fascinaient. Ses cicatrices ressortaient, ainsi en pleine lumière, et donnait un aspect rugueux à sa peau, et ça ne me dérangeait pas.
Il dégageait quelque chose de différent, même dans son apparence.

Je m'approchai silencieusement de lui, puis pivotai pour lui tourner le dos, et m'emparai délicatement de ses mains, qui reposaient alors de chaque côté de ses cuisses sur la matière blanche et spongieuse. Il bougea, et je tournai la tête sur le côté afin de pouvoir le voir. Il avait ouvert les yeux, et ne réagissait pas. Alors je m'assis entre ses jambes tendues, dos contre son torse, et ramenai ses bras autour de moi. Il posa son menton sur le haut de mon crâne. Et l'on resta ainsi, silencieux, pendant un long moment.

J'admirais les fleurs devant nous dans la clairière, et récitais leur nom dans ma tête pour vérifier que je les connaissais toutes. Puis mon regard s'arrêta sur une petite fleur rouge seule au milieu des autres bleues, jaunes et blanches. Je réfléchis un instant, n'arrivant pas à me souvenir de son nom. Je l'effleurai du bout des doigts, fasciné par les si fines pétales carmin.

- Jongin, interpellai-je mon compagnon.

- Oui ?

- Comment s'appelle cette fleur rouge, devant moi ?

- Une pivoine, me répondit-il.

- Non, ce n'est pas ça une pivoine.

Il se tut quelques secondes, réfléchissant, et je n'avais pas besoin de voir son visage pour savoir à quoi il ressemblait : les sourcils froncés, et les lèvres pincées. J'esquissai un sourire.

- Un coquelicot, dit-il finalement.

C'est vrai, un coquelicot... Une fleur très intrigante. Tout comme le jeune homme dans mon dos.

- Vois-tu, Jongin, toi tu es comme ce coquelicot. D'un rouge profond et éclatant, si beau, si rare et pourtant si fragile. Il ne faudrait pas te cueillir, ou alors tu te fanerais...

- Mais un homme ne peut pas être cueilli, ni se faner.

- Non, c'est vrai, mais il peut être blessé, et son âme peut s'envoler. C'est un peu la même chose.

Il resta silencieux un moment avant de prendre la parole.

- J'aime ta voix, Kyungsoo, murmura-t-il tout contre mon oreille, la chaleur de son souffle me faisant frissonner.

Il n'avait pas compris le sens de mes paroles, mais je ne lui en tins pas rigueur. Il ne s'était d'ailleurs pas mis en colère comme la fois précédente. Au contraire, il resserra l'emprise de ses bras autour de mon torse, alors j'effleurai le coquelicot une dernière fois avant de poser mes mains sur les siennes, elles-mêmes sur mon abdomen, et basculai la tête en arrière pour venir la poser contre sa clavicule. La chaleur de son corps se diffusait lentement dans mon ventre, et c'était une sensation exquise.

- Moi aussi, j'aime ta voix, chuchotai-je avec un petit sourire.

Et je ne sus pourquoi, prononcer ces paroles me remplit de joie.

L'homme rejette la différence. Ça, je le savais déjà. Mais ce que je savais pas auparavant, et que je venais de comprendre, c'était qu'ils la rejetaient parce qu'ils en étaient effrayés. Jongin était l'exemple parfait. J'avais peur de lui au départ, parce qu'il était un bandit, certes, mais aussi, et surtout, parce que son chaperon rouge et son attitude le rendaient étrange. Mais étrange ne veut pas dire mal. J'avais appris à le connaître, j'avais découvert son histoire, sa douleur, j'étais tombé sous le charme de sa personnalité si complexe et si belle. Je l'aimais. Oui, c'était ça, je l'aimais.

J'avais décrété que la race humaine me dégoûtait. Les hommes sont trop butés, trop sûrs d'eux et de leur supposée suprématie. Ils ne cherchent pas à comprendre, ils ne cherchent pas à aimer, tout simplement, ils ne laissent aucune chance. Ils ne laissent aucune chance au loup, qui hurle la nuit et paraît méchant, mais en réalité hurle pour se faire entendre de la lune, celle qui seule le comprend. Ils ne laissent aucune chance au bandit, qui vole pour survivre quand personne ne lui vient en aide. Ils ne laissent aucune chance à un garçon qui aime un autre garçon, et le blessent jusqu'à ce qu'il devienne fou. Et ils ne laissent aucune chance à ce fou, qui l'est devenu à cause des hommes eux-mêmes.

Kaisoo - Le Chaperon RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant