Si je devais utiliser le terme « à la base j'étais », je dirais « à la base j'étais tout sauf ça. » À la base je m'intéressais à tout sauf à ça. À la base, j'aurais juré sur la vie du monde entier que les choses se serait passé différemment. À la base...
Je n'ai pas toujours était ainsi. Enfin, si. J'ai toujours été quelqu'un qui courrait partout en racontant des conneries à longueur de temps et même si mes moments de déprime passagers étaient particulièrement récurent, la plupart des gens aimaient ma bonne humeur apparente et parfois communicative. Malgré une enfance un peu plombeuse d'ambiance, et une adolescence pas plus sympathique (même si le lycée avait été synonyme de franche rigolade et d'amitié durable), j'arrivais à mes dix neuf ans avec un optimisme débordant et une insouciance digne d'une petite fille de sept ans ou presque. Car dix neuf ans, c'est l'âge quasi idéal, les responsabilités oui, mais pas trop, la fête oui, quand on veut : parce que plus les parents sur le dos, les parents quant à eux, on les aime bien de temps en temps et de loin, mais quand la carte bancaire est vide par contre, on repasse vite fait à la maison deux trois jours, le sourire aux lèvres. Après, on est jeunes, on est fou et on s'amuse, tout en suivant les cours. Cours que j'avais jusqu'à maintenant prit à l'école des arts de Séoul. Pour la campagnarde que j'étais, ça n'avait pas été le rêve. Contrairement à mes confrères, j'aimais la vie paisible que je vivais dans mon bled paumé, ou tout le monde ou presque se connaissait et que, un soir un peu trop arrosé, on pouvais frapper à la porte de n'importe qui, on tombera toujours sur le pote de la sœur au cousin de l'ami du meilleur pote du mec du quartier qui à un chien et qui s'entend bien avec tout le monde, et donc avec nous, et qui accepterais de nous héberger, parce que même si les bancs du parc publique sont confortable, il pleut. Donc pour moi, même si mon niveau d'adaptation à l'environnement extérieur était plutôt élevé, la grande ville... Mouarf, oui et non, je m'en fou. Oui, il y a ça aussi : je suis « je-m'en-foutiste ». Faites ce que vous voulez, tant que ça ne nuit pas trop à ma petite personne et à ceux que j'aime, moi après... Je sais, je sais, c'est pas forcément une bonne chose. Ce petit côté m'a gentiment préservé de bien des conneries et des bagarres pendant longtemps. Donc me trimbaler en sarouel et en sweat-pull dégueulasse, la capuche sur la tête, les écouteurs dans les oreilles et la musique à fond en traînant de vielles baquettes délavées par la pluie et en ignorant la vie autour de moi, c'était pas plus mal non plus. Quand j'aimais les gens, je pouvais être la fille la plus sociable, la plus tactile, la plus serviable et la plus chaleureuse du monde. Malheureusement, les temps avaient été dur et en cette rentrée scolaire, comme je ne connaissais personne, ma sociabilité avait été au plus bas.
Je suis arrivé dans mon tout nouveau T2. Du haut de mes dix neuf ans, avide de liberté et nouvelles expériences, je sortais tout droit de plusieurs et longues années d'enfermement en internat, d'abord sur ma demande, ensuite par habitude. Mais aujourd'hui, j'allais commencer, j'allais vivre seule, toute seule, incroyablement seule. Une lanière de mon sac s'est entravé dans mes écouteurs et fit tomber mon portable sur le sol. J'ai juré en me baissant lentement pour le ramasser. Ça commençait bien. J'ai commencé à m'installer en rangeant les cartons que les déménageurs avaient déposés. Je commençais tout le lendemain. J'avais trouvé quelques petits jobs en tant qu'assistante en dessin et assistante en audio visuelle, j'aidais accessoirement une amie à ma mère prof de danse et j'étais serveuse dans un petit café familial dans le quartier d'à côté. Ouais des journées bien remplie quoi. Avec un diplôme de la fabuleuse école des arts de Séoul, ce genre de porte était largement ouverte et accessible. Et le reste de mon temps, j'allais le passer à la fac d'art, lettre et science humaines qui se trouvait à quatre rue de chez moi. Je n'y étais pas inscrite mais squatter était autorisé alors je n'allais pas me priver, de plus, la plupart des cours donné « ouvert à tout le monde » étaient intéressant. J'ai commencé à travailler et tout se passait bien. Je gagnais pas trop mal ma vie et courir partout ne me dérangeait pas, je me reposais à la fac. Les étudiants était charmant, de plus, j'en recroisait bien souvent au café. Le lundi matin, grasse matinée, faut pas déconner non plus. J'allais donner des cours de danse vers dix heures, puis à midi j'allais manger au café où je prenais mon service à quatorze heure pour finir à rentrer chez moi à dix huit heures. Ensuite, vers vingt heure j'allais assister Kyung Sang Ki. Jeune, mais néanmoins talentueux, dessinateur de manwa. Pour faire court, on avait requis ma présence auprès de lui. Jusqu'à environ six heures et demi du matin, je dessinais à ses côtés pour qu'il puisse prendre une pause. Et mes journées recommençais. Le vendredi et le samedi, j'allais aider dans les cinémas ou théâtre du coin pour l'elec ou le son. Quand je n'avais pas cours de danse ou que je n'allais pas au café, je dormais, dessinais ou suivais les cours de la fac. Je restais entre la marginalité et la sociabilité, ne m'attachant à personne mais gardant tout de même un contact constant et obligatoire avec l'être humain. Pendant mes heures de pause, il m'arrivait aussi à m'égarer dans la bibliothèque de la fac. M'endormir et être oublié par les bibliothécaires un soir où Sang Ki n'avait pas besoin de moi et me réveiller au beau milieu de la nuit entourée de bouquins, avec cette impression d'être dans un monde parallèle, hors du temps. Un vrai bonheur. J'étais aussi quelqu'un de très imaginatif et d'aventureuse. Je pouvais aussi paraître comme une enfant grâce à cette addiction à la vie anormal. La loi du BMBD (=Bouffe, Métro, Boulot, Dodo). Non merci. J'aimais parcourir les ruelles de Séoul la nuit. Certes, je croisais des types plus louches les uns que les autres mais rien ne m'étais arrivé à part l'habituelle et très cliché : « Eh la miss, tu veux de la drogue ? ». Refuser poliment et le dealer vous laisse tranquille. Tant qu'on reste en dehors de ce trafic, les gens ne sont pas trop chiant. Aucune raison d'avoir peur. Il m'est arrivé de prendre tram jusqu'au terminus près de la rivière. J'ai la sensation d'être dans Le voyage de Chihiro avec le reflet du train dans l'eau et les gens « sans visage » qui montent et qui descendent. Généralement, je suis seule deux arrêts avant le dernier. Je ne suis pas loin de la mer. Alors j'y vais d'un pas tranquille, je la regarde pendant une heure, voire deux, voire trois. Puis, dès que j'en ai marre, que j'ai froid, que je suis fatiguée ou encore tout simplement qu'il est l'heure de rentrer, je remonte lentement la voie. Après minuit, le tram s'arrête avant le terminus. Alors je marche et quand j'arrive au bon arrêt, je monte le tram et je rentre à la maison. Le tout dans la plus parfaite clandestinité, évidemment.
Après un an à vivre comme ça, je n'imaginais même pas que les choses changerait. Pourquoi l'auraient-elles fait ? « Life is a bitch » m'a affirmé ma prof d'anglais en deuxième année de lycée. Ça doit être ça. Life is a fucking bitch.
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Flash life
Fiksi PenggemarJuste, des brides de souvenirs. Des flashs. Au début, tout allait bien. Puis, est venu l'automne, et enfin l'hiver. Se débattre, respirer. J'ai essayé. J'ai vraiment essayé. Mais à la base, j'étais tout. Tout sauf ça. Je ne sais pas comment me sorti...