Because of the death

Deuxième chapitre

Elle entre dans la salle d'un pas assuré et un calme inhabituel se fait ressentir, je réfléchis à ce qu'elle pourrait nous annoncer mais je ne trouve pas, c'est Mathieu qui me glisse à l'oreille:

- " Eh Thaïs ! J'espère que tu n'as pas oublié que c'est aujourd'hui que l'on présente nos courts- métrages."

Si. J'avais complètement oublié qu'on devait présenter nos projets prévus depuis plus d'un mois. Heureusement que le travail a été fait depuis longtemps et que Chiara a sa clé USB, sinon cette journée aurait tournée à la catastrophe.
Justement, celle- ci se retourne vers moi pour me faire un clin d'œil, c'est vrai que le résultat est plutôt réussi, maintenant, reste à savoir ce qu'en pensera la prof. Je regarde pensivement les vidéos des autres élèves, elles sont en général très réussies mais la nôtre est de loin la meilleure. Il faut dire que Chiara, Grace et moi avons beaucoup d'imagination, donc le résultat final de ce genre de représentation est souvent original et sort de l'ordinaire.

L'appel de la prof me sort de ma rêverie, c'est à nous de passer, je me lève et rejoins mes amies au bureau, nous sommes en apparence très sereines, mais au fond de nous, je sais que le stress monte. Mine de rien, cette vidéo est très importante pour notre passage en classe supérieure, elle compte en tant que note orale, ce qui est très valorisé.
Grace appuie sur "play", le silence s'installe et nos voix s'élèvent dans la salle. Pour ce projet, nous avions le choix entre deux sujets: une mises en scène d'un dialogue entre plusieurs étrangers parlant de l'Espagne et de sa culture ou les légendes hispanophones. Nous avons bien entendu choisi les légendes hispanophones et avons mis en scène la légende de la vierge noire de Montserrat.

Pour cette vidéo, nous sommes allées chez moi et avons utilisé tout ce qui nous tombait sous la main pour construire le décor et les costumes, ce qui avait rendu ma mère folle, elle, toujours tirée à quatre épingles avec ses chignons parfaits, si maniaque et habituée à un rangement parfait, avait assisté en direct à son pire cauchemar : tout était en bazar.

Ma mère est une femme perfectionniste tout comme moi d'ailleurs qui met un point d'honneur à être parfaite dans tout ce que ma sœur et moi entreprenons, elle m'a inscrite dans un cours de danse lorsque j'avais deux ans et m'a obligé à y rester. Si j'ai tout d'abord détesté ça, la danse est vite devenue ma passion et je parcours aujourd'hui tout le pays pour me rendre à toutes les compétitions possibles et imaginables. Le plus gros titre que je détiens est celui de championne de France dans ma catégorie, toute ma famille en est très fière, surtout ma mère qui, à travers moi, vit son rêve de petite fille. Mon père, lui, n'était même pas là, à croire que ses patients sont plus importants que moi. Je sais que son métier l'oblige à être disponible à tout moment du jour et de la nuit, et qu'en cas d'accident, il se doit d'être présent à l'hôpital immédiatement. Il me l'a répété tellement de fois. Je suis presque née bercée dans ces paroles.
Mais, je ne comprends toujours pas pourquoi il a décidé de faire des enfants, je sais qu'il aime ma mère comme un fou, mais ce n'est pas une raison pour faire des enfants dont il ne s'occupe même pas. En tout cas, quand je serais adulte, je me suis promise de ne pas faire d'enfants si mon métier ne me permet pas de m'en occuper.

Des applaudissements me tirent de ma rêverie, toute la classe est debout, Grace et Chiara sautillent de bonheur et d'excitation. Elles doivent remarquer mon air perdu car Chiara me donne un coup de coude qui me ramène à la réalité et un sourire apparaît sur mon visage qui change instantanément mon expression. La prof nous applaudit elle aussi, elle a l'air d'avoir aimé, elle nous intime de retourner à nos places, fait un petit discours comme quoi elle est étonnée du résultat des courts- métrages et qu'elle ne s'attendait pas à une telle réussite de notre part.
Encore un truc de prof, ils vous donnent un devoir ou un examen en étant persuadés que vous allez échouer. Quel est l'intérêt ? On dirait qu'ils n'ont jamais été élèves, ou alors, c'est moi qui ne comprends pas l'intérêt de cette méthode pédagogique.

La cloche sonne, tout le monde se lève, et je me dirige vers la sortie. Mes deux amies me rejoignent dans le couloir et Grace me demande vers quelle classe je me dirige. Je lui réponds que j'ai cours de maths, elle me jette un sourire en coin et s'éloigne avec Chiara en gloussant.