Chapitre 3

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   Je sortis mon téléphone d'une poche cachée de ma robe et composai le numéro de mon frère. Je tombai sur sa boîte vocale. Il avait dû s'absenter pour une affaire, songeai-je. Je réussis à convaincre Marcus de rentrer chez lui car il n'habitait qu'à quelques pâtés de maisons et de me laisser pendant que j'attendais mon frère. Je ne voulais pas que quelqu'un me voie lorsque la douleur que Brett avait réveillée me terrasserait. Lorsque Marcus disparut de mon champ de vision, je retirai mes chaussures et partis pieds nus en direction de chez moi. Je savais que lorsque mon frère bossait il pouvait en avoir pour plusieurs heures et en me dépêchant bien je pourrais être chez moi en quarante minutes.

   Le goudron m'écorchait les pieds. Je ne voyais pas le sol et au bout de cinq cent mètres, je marchai sur un copeau de verre. Il me transperça la peau et une douleur fulgurante partit de la coupure et fouetta tout mon corps. Je m'appuyai sur le muret à côté et essayai de voir avec mon téléphone ce qu'il en était de la blessure. Je retirai avec mes doigts le morceau de verre et essuyai avec ma robe le sang qui coulait. L'entaille était assez profonde et le sang ne s'arrêtait pas de couler, mais comme j'avais appris à vivre avec la douleur, je déchirai un bout de tissu de ma robe et m'en fis un bandage rudimentaire. Je me redressai et repartis. Je boitais quelque peu pour ne pas trop appuyer sur ma blessure mais j'avançais. Je parcourus plusieurs centaines de mètres comme cela mais tout le long j'avais l'impression que des yeux me suivaient. Qu'ils observaient le moindre de mes mouvements, m'espionnaient. Mais ce que je craignais depuis le début de ma marche forcée finit par arriver. La boule qui s'était formée entre le haut de ma colonne et mon cœur, au fond de ma gorge, explosa.

   Je hurlai de douleur, mais d'une douleur intérieure, que rien ne pouvait atténuer. Je tombai à genoux au milieu de la route et ma tête d'ordinaire droite et haute s'effondra. Mon cri finit par mourir dans cette même gorge où il était né, il fut remplacé par des larmes, des sanglots qui me traversaient le corps entier. Je me roulais en boule contre le goudron froid et laissais libre cours à mes larmes, lorsque j'entendis des pas précipités derrière moi. Deux bras me soulevèrent du sol et je me retrouvai portée, tout contre une poitrine chaude et musclée. J'étais trop faible pour me libérer ou seulement lever la tête vers mon kidnappeur ou sauveur, alors je me laissai faire. Lorsque mon porteur m'eût mise en sécurité, en dehors de la route, il ne me lâcha pas. Il me serra même plus fort, en passant une main sur ma tête pour me réconforter. Bizarrement, cela fonctionna. Mes sanglots se tarirent peu à peu, mon cœur se calma et la boule dans ma gorge n'était plus là. Alors que je récupérais petit à petit des forces, l'homme ne s'arrêtait pas de me caresser les cheveux, ni de me porter. Lorsque je m'en sentis capable, je levai les yeux vers sa tête, mais quelle ne fut pas ma surprise en reconnaissant Brett.

   Je fus tentée de me lever et de partir comme je l'avais déjà fait mais cette fois-ci, je n'en avais pas la force. J'ouvris alors la bouche mais Brett posa un doigt sur mes lèvres et m'intima le silence. Il s'assit à terre et me posa sur ses genoux, puis attrapa mon pied bandé et regarda ce qu'il y avait sous le tissu. Je vis ses yeux effrayés, ça devait être assez moche.

<< Tu ne peux pas rentrer chez toi comme ça, commença-t-il. Je vais te porter et ne discute pas je le ferai. Je suis un homme d'honneur ce soir et je me dois de servir une damoiselle en détresse.

- Pourquoi t'es là ? Lui demandai-je, beaucoup plus abruptement que je ne l'aurais voulu.

- Rien, tu m'as lancé un défi en partant tout à l'heure alors je me suis lancé à ta poursuite mais un peu tard. Il faut dire que je n'ai pas l'habitude que l'on me résiste alors j'étais dans un état d'hébétude profond. Quand je me suis remué tu avais disparu mais en sortant dans la rue j'ai aperçu ton ami partir seul en direction de chez lui alors j'ai juste supposé que tu rentrais chez toi à pied puisque si t'étais partie en voiture tu l'aurais déposé chez lui. Du coup, comme je sais où est ta maison je suis parti. Et quand enfin je t'ai retrouvée tu boitais, mais je ne voulais pas te faire peur alors je suis resté à distance mais quand tu es tombée à terre j'ai accouru. Je ne supporte pas de te voir souffrir et encore moins pleurer. Et j'ai l'impression d'être celui qui t'a causé toute cette peine alors je t'en prie laisse moi me comporter en gentilhomme et te porter jusqu'à chez toi. >>

   Sa confession me laissa sans voix. Pour une fois il avait été honnête et sa conduite envers moi irréprochable. Je ne pouvais pas lui en vouloir à lui, juste à moi-même. J'avais pris ma décision, j'esquissai un sourire et lui répondis.

<< Si tu veux, tu peux me ramener chez moi. >>

   Le soulagement que je lus dans ses yeux lorsque mes paroles franchirent mes lèvres me fit chaud au cœur. Si un simple geste pouvait le rendre heureux alors il était de mon devoir de lui faire plaisir. Je ne savais pas pour quelle raison je devais me faire pardonner mais j'y étais comme obligée par une force inconnue. Brett raffermit sa prise et se leva. J'étais lovée contre lui, je sentais son odeur, un mélange épicé qui était assez similaire à l'odeur de ma bougie. À chaque respiration je me sentais plus en sécurité. Je finis même par me sentir chez moi, dans ses bras et mes yeux se fermèrent alors que ses pas me portaient jusqu'à chez moi.

Senteur de rose (petite pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant