1 : Mes foutus repères

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♣ La vie ce n'est pas seulement respirer. C'est aussi avoir le souffle coupé. ♣

Alfred HITCHCOCK


JAYDEN

Ne pas tomber amoureux.

Ne pas m'attacher à une nana.

Ne plus JAMAIS ressentir quoi que ce soit pour une femme.

Pour ne pas perdre le contrôle de ma satanée sensiblerie à la con. Y parvenir en restant absolument avec ma bande. Mes quatre frangins de coeur : Chris Jenkins et son frère Alex, Cruz et Logan. Ils m'oxygènent, me maintiennent en vie et tuent ma tendance à observer le monde avec une âme d'artiste plutôt qu'avec mes yeux désabusés. Ce qui m'empêche d'inventer, par besoin compulsif, de la beauté là où il n'y en a pas et me permet de rester lucide. D'affronter la réalité, de l'accepter et d'avancer coûte que coûte.

Mais parfois, la vérité crue devient trop rude et j'ai juste besoin d'être l'un des leurs. Un fêtard qui oublie tout. Un déjanté à la virilité triomphante et assumée. Un membre de cette fratrie de coeur qui clame :

« BadASS un jour, BadASS toujours. »

Assis, je mate l'immense dessin - mon exutoire - qui bouffe entièrement le mur faisant face à mon lit. Je me répète mes résolutions en serrant fort la boîte cabossée contenant mon kit de peinture. Travailler sur cette fresque est un rituel quotidien qui en a remplacé un autre, plus nocif... Mes œuvres couvrent aussi l'intégralité de mon corps, cette carcasse que je déplie pour me redresser. J'ôte mon t-shirt noir, mon jean usé à la corde et mon boxer pour me diriger vers la douche. J'enclenche Coldplay en passant. La guitare électrique d'Every Teardrop Is a Waterfall m'accompagne sous les jets. Tout comme les pensées sombres que je trimbale H24 jusqu'à la fin de la semaine, lorsque j'arrive enfin à m'en débarrasser en m'entourant des frères que je me suis choisis.

Et justement, nous sommes un soir de week-end. Mes potes et moi allons nous affranchir momentanément de toutes limites sociales et morales. Au sein de notre club, nous sommes cinq hommes au parcours, à la personnalité et au style de vie différents... du moins, lorsque nous ne sommes pas réunis. Ensemble, nous formons un bloc indissociable, dans la débauche et la fraternité. Dans les coups durs et les bastons. Dans le partage et la complicité. Ils sont ce qu'il me faut et j'ai hâte de les retrouver.

Il y a Christopher Jenkins, le génie de la technologie, à la tête de sa start-up florissante.

Alex Jenkins, son petit frère, qui étudie la géopolitique à Princeton, excellent batteur et guitariste à ses heures perdues.

Diego Cruz, lieutenant de police, qui traque et démantèle des gangs.

Logan Prescott, notre blouse blanche, docteur spécialisé en gynécologie.

En dépit de leurs vies stables et de leurs responsabilités professionnelles en semaine, tous deviennent des joueurs invétérés de l'extrême le week-end. Nous avons tous besoin de ce défouloir et avons mis un jeu en place.

Quatre cartes : l'as de pique, l'as de coeur, l'as de carreau, l'as de trèfle. Leurs symboles sont gravés à divers endroits de nos corps, gages d'appartenance aux quintuplés que l'existence et les circonstances ont fait de nous. Chez moi, c'est à la base de mes doigts qu'ils sont tatoués. Nous choisissons à chaque partie laquelle sera la carte maîtresse. Celle-ci octroie le droit à celui qui l'a tirée de diriger notre soirée. Il nous propose des challenges collectifs - sexuels ou non - à relever. Mettant la fratrie BadASS au défi de suivre le mouvement.

Il n'y a pas mieux pour abrutir nos méninges et ne plus trop réfléchir. Les préoccupations, les secrets, le poids du passé et du présent sont noyés sous un flot d'alcool, de beuh et de fluides échangés avec des nanas faciles qu'on chope en meute. Cela dit, moi, j'évite de boire et allège au maximum la dose d'herbe que je consomme. Ma bande respecte ce choix, et de toute façon, ça ne m'empêche pas de partager à fond les divertissements de mes frères.

Cependant, en dépit de notre mode de vie, nous n'avons pas tous l'apparence du bad boy type. Ce mec imbu de sa petite personne merdique qui se la raconte et excite la minette basique. Loin de là. Il n'y a qu'à rencontrer Chris Jenkins en semaine pour s'en convaincre. Son allure de PDG dynamique est à l'opposé de mon style de ténébreux couvert de décorations corporelles.

Notre philosophie ?

Si, au cours des quarante-huit heures du week-end, tu n'as pas connu quelques minutes durant lesquelles ton coeur a failli exploser dans ta poitrine, alors ta chienne de vie ne vaut pas la peine d'être vécue. Et ça, ça me va. Pareil pour nos règles annexes :

Interdiction de dire « stop » ou « je ne peux pas faire ça » jusqu'au lever du jour.

Les défis ne se réalisent qu'avec la totalité du groupe.

Si l'un d'entre nous a l'idiotie de tomber amoureux, les autres doivent intervenir pour le débarrasser de la femme qui fait de lui une mauviette. Tous les coups sont permis pour éjecter la gonzesse.

Quand je ne suis pas avec les BadASS, je suis juste Jayden Graham, dans une cuirasse épaisse et marquée d'encre. Taciturne. Artiste tatoueur, propriétaire du Jayden's Tattoo & Piercing, dans le New Jersey. La plupart de nos voisins new-yorkais, trop fans de leur Cinquième Avenue, voient ma ville comme une tanière de ploucs, mais c'est là que j'ai mes repères. Pour les intimes, je suis Jay, mais ils ne sont pas si nombreux à avoir gagné le droit de m'appeler ainsi. Rares sont ceux qui me connaissent réellement...

Love & Dakness (Dispo en Numérique & Format Hugo Poche )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant