Des rires résonnaient. Mais surtout quelques cris, la fraicheur de la nuit et l'eau vive les glaçaient tous. Il faisait nuit noire sur le bord de la rivière. Ils s'aspergeaient les uns les autres. Ils étaient à peine arrivés qu'ils avaient tous sautés, encore habillés. Depuis maintenant plusieurs longues minutes ils riaient, encore et toujours, de plus en plus fort. Toute personne voyant ce spectacle les prendrait pour des fous, seulement cette scène est bien plus. Cette scène, ce n'est pas seulement quelques jeunes se baignant au clair de lune, quelques fous rires et des lèvres bleuies par le froid. Cette scène c'est avant tout un souffle de vie, des joies sincères et immortelles. Ces jeunes n'étaient pas seulement brisés par la vie, ils étaient anéantis. Ils avaient été abimés, écrasés, bousillés. Ils se noyaient dans leurs destins. Le destin une vaste erreur pour eux tous, trop d'épreuves. Après tout la vie est faite de haut et de bas, d'orages et de beaux temps, de joies et de peines, de sourires et de larmes. La vie c'est abstrait, qui dit mort dit fin, comme qui dit début dit fin, tout ce qui commence finit, tout à une fin. Seulement ces jeunes, aussi mis à l'épreuve soient-ils, ce soir, cette nuit, à cet instant, ils n'étaient plus brisés, ils ressuscitaient. Ils vivaient. Et c'était magnifique. Splendide. Et ils ne voulaient pas que tout cela s'achève. Ils voulaient que ce soit immortel, inaltérable.
En les voyants, ainsi, certains auraient sûrement paniqués et pris la fuite. Une telle insouciance fait peur, terrorise. Parce que tout à une fin, parce que la joie finit toujours par retomber, tomber de haut brise. D'autres auraient peut-être rejoints la scène. Ils auraient ris, eux aussi trempés de la tête aux pieds, transis, sans que cela soit important. Ils se seraient euphorisés comme rarement et eux aussi auraient oublié leurs vies. Peut-être même que quelques-uns se seraient cachés, tapis dans l'ombre, ils auraient observés. Ils auraient guettés ce spectacle rare et cela les auraient rendus heureux. Chacun réagit différemment. C'est ainsi.
Ils avaient fait un feu, un grand feu de joie. A présent ils se réchauffaient, serrés les uns contre les autres, en grillant des chamallows, miraculeusement sortis d'un sac. Ils riaient tous, apaisés. La nuit très avancée éveillait leurs sens.
Après plusieurs dizaines de minutes de fous rires ininterrompus, leurs vêtements presque secs, ils se calmèrent. Ils prirent quelques instants pour se regarder, dans le blanc des yeux, lentement, tranquillement. Maya se leva doucement, suivis des yeux par ses camarades elle se dirigea vers son sac, elle fouilla quelques secondes avant de ressortir une paire de ciseaux, ni plus ni moins. Elle retourna à sa place, toujours observée, et se rassit. Elle leva la main, d'un geste rapide et définitif elle coupa l'une des mèches qui encadrait son visage. Ses cheveux blonds au creux de la main elle souriait. Elle tendit l'outil à Noémie et cette dernière comprit, elle aussi coupa une mèche. Alors tous le firent, ils avaient confiance. Lorsque ce fût fait Maya récupéra l'objet coupant et, la mèche n'ayant toujours pas bougée, elle avança sa main vers les flammes. Elle finit par lâcher le petit morceau d'elle dans le feu, tous firent de même. Elle murmura, plus pour elle-même que pour les autres :
« - Je me débarrasse de ça. Je passe à autre chose, le passé est derrière moi. Advienne que pourra. Je tourne la page, le futur me sourira. »
Elle sourit, ils sourirent. Lorsque toutes leurs lèvres furent retroussées Valentine lâcha quelques mots :
« - Je crois bien que nous avons tenus toute la nuit. »
En effet les premiers rayons du soleil pointaient le bout de leur nez. Ils n'avaient pas vu le temps passé, ils étaient bien, juste bien. Ils ne bougèrent pas, même après cette annonce, immobiles, ils contemplaient le monde qui les entourait, d'un œil nouveau. Les arbres autour d'eux leur paraissaient moins sinistres, presque joyeux, et ce, malgré les feuilles jonchant le sol. Automne. La rivière dans laquelle ils s'étaient défoulés leur apparaissait désormais tumultueuse, bouillonnante, mais ils n'avaient pas peur du courant et des rochers, ils y retourneraient volontiers. Le feu s'éteignait doucement mais personne ne bougeait pour le raviver, il mourrait lentement, en même temps que le jour se levait. L'herbe verte et grasse sur laquelle tous étaient assis était humide de la rosée nocturne, qu'ils n'avaient pas remarquée auparavant. La lune, pâle, avait depuis longtemps pris la direction de l'horizon. Elle s'en rapprochait d'ailleurs. Ils se rendaient compte à présent que l'endroit était une charmante clairière, les détails des bosquets leur apparaissaient plus nets, ils y accordaient une importance mesurée. Plus le jour se levait et plus le monde qui les entourait retrouvait une certaine couleur, une certaine lumière. Ce manège dura un certain temps, le soleil émergea enfin à l'horizon, répandant sa lumière, vive et éblouissante. Les jeunes revinrent à la vie. Ils reprirent leur souffle qui s'était presque suspendu lors de ce moment magique. Ils clignèrent des yeux doucement. Ce fût le moment pour eux de conclure, non sans mal, Noémie commença :
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Venez on part
RandomIls sont onze: six filles et cinq garçons. Abîmés par la vie ils apprennent à vivre. Ils se livrent et se soutiennent. Questions après questions, promesses après promesses. L'impossible devient possible lorsqu'on y croit.