L'accroche

148 18 6
                                    


C'était une fin d'après-midi comme seul l'été peut en voir, aux lueurs orangées sous la chaleur lourde du soleil qui s'allongeait vers L'ouest, et bleutées par les ombres floues qui s'agrandissaient. Tout semblait en suspens, le mouvement lent des passants, Le battement doux et régulier des oiseaux, les conversations qui résonnaient au loin, tout était comme étouffé par l'atmosphère orageuse. Même le temps semblait immobile, comme si le zénith et le crépuscule vivaient en même temps.

J'avais l'impression de faire partie d'une gravure colorisée, de me déplacer à l'intérieur d'un cadre sans le savoir. Il devait être aux environs de dix-sept heures, et toujours rien ne bougeait. Quelques mots traversèrent mon esprit, mais si fugitifs et fragmentaires que je ne pris conscience que de quelques-uns. Le calme avant la tempête. Je me mis à regarder d'un œil nouveau cette vue si sereine qu'elle en paraissait factice. Une brise légère me fit frissonner. Les lointaines rumeurs me semblaient menaçantes. Quelque chose allait se passer, devait arriver. C'était plus que certain.

Et ça arriva.

Tout d'abord, les ombres aux lueurs bleues s'allongèrent comme si la nuit s'étendait de façon soudaine. Je sentis Ia température chuter de plusieurs degrés. Ensuite, ces mêmes ombres rétrécirent et j'eus la sensation qu'il était de nouveau midi. La clarté autour de moi s'intensifia encore. Je mis du temps avant de m'apercevoir que tout était silencieux; les voix légères de tout à L'heure s'étaient tues. Même les papillons ne faisaient plus onduler l'air de leurs ailes. 

Enfin, un souffle d'air, presque imperceptible, commença à se lever. Je mis quelques secondes pour m'apercevoir d'un paradoxe: je ne sentais presque rien mais pourtant, à quelques centaines de pas de moi, les nuages bougeaient à une grande vitesse, alors que le ciel ne présentait rien d'anormal. Je sentis le souffle d'air se transformer en brise soutenue, puis en rafales puissantes. 

Comme si un enchantement se dissipait, les bruits revinrent. Des gens criaient. 

Je me mis à courir.

Le DômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant