Prologue

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Trois mois qu'ils n'étaient plus apparus ensemble en public. Alors que la rumeur sur leur séparation enfle de jour en jour, le célèbre Cherif Akhib Aïdara et le mannequin Latifa Diaw sont apparus plus proches que jamais lors d'un dîner de gala organisé à l'occasion du Nouvel An au King Fahd Palace. Devant les photographes, le couple a multiplié sourires et poses complices. Ils n'ont pas ménagé leurs efforts pour convaincre les observateurs que tout allait pour le mieux entre eux. Cherif Akhib a même complimenté sa douce pour avoir si bien tenu son rôle d'épouse épanouie en lançant devant les caméras :

— Elle fait ça très bien.

Pourtant, certains indices ne trompent pas. Latifa Diaw Sy passe beaucoup de temps en France à exercer son métier dans le milieu de la mode, alors que son mari préfère rester au Sénégal après toutes ces années passées aux États-Unis. Des observateurs ont également noté que Latifa ne portait plus sa bague en permanence.

Simple oubli ou malaise profond ? Dans ces conditions, il n'est pas certain que leur apparition médiatique à ce dîner de gala suffise pour rassurer tout le monde.

L'amour, c'est ceux qui en montrent le plus qui en font le moins. S'ils ont joué la complicité le temps d'une soirée, la réalité est moins glamour. En tout cas, si notre chère Latifa fait l'erreur de laisser son mari lui filer entre les doigts, les jolies femmes sénégalaises ne tarderont pas à le choper.

Je lance rageusement le journal quotidien qui atterrit sur le mur en un temps record. Comme si elle n'attendait que cela, elle se lève en me tournant le dos, le visage renfrogné et amèrement crispé. Comment pouvons-nous en arriver à ce stade ? Pourtant, je l'aime toujours autant qu'au premier jour.

Je me rappelle de ce jour où nous nous sommes rencontrés dans ce restaurant. Malgré la beauté des lieux et ces jolies femmes me reluquant incessamment, mon regard refusait de se détacher d'elle.

Aucune d'entre elles n'avait réussi à me captiver jusqu'à ce jour. J'avais même annulé l'important rendez-vous qui m'avait amené pour aller parler avec elle.

Les années ont passé, nous nous sommes mariés, mais je n'ai vécu que supplices et tourments malgré toutes ses promesses.

— Tu vois ! Maintenant tout le monde sait que ce n'est que de la comédie. Pourquoi tu ne viens pas habiter avec moi et jouer ton rôle d'épouse ? Tout ce qui t'intéresse, c'est ta carrière. J'en ai marre ! dis-je en lui pointant mon index, très énervé.

— Tu crois que je vais rester ici pour te servir de boniche ? Rêve bien, mon amour. JAMAIS je ne serai une femme au foyer, dit-elle en secouant nerveusement son pied droit.

— Je n'ai jamais dit cela, je ne t'interdis pas d'exercer ton métier. Mais c'est ton rôle de rester près de moi. Tu ne peux pas aller en France et me laisser ici tout seul. J'ai besoin d'une femme à mes côtés et parmi toutes ces femmes qui me courent après, je t'ai choisie toi parce que je t'aime et je me suis dit que tu serais une excellente épouse. C'est pour ça que je t'ai épousée, ajoutai-je d'un ton que je voulais suppliant.

— Tu es assez grand pour rester seul. Tu n'as plus dix ans, alors débrouille-toi. Astou est là, elle te fera à manger et t'aidera pour tes habits, affirma-t-elle.

— Mais Latifa, cette fille n'est pas ma femme, dis-je complètement choqué.

— Je repars demain, dit-elle comme réponse avant de s'éclipser.

Comment une épouse pouvait-elle se comporter ainsi ? Moi, l'homme si autoritaire, froid et distant, je deviens vulnérable et impuissant devant cette femme. Choqué par tant d'égoïsme, je sors paresseusement de ma poche une cigarette que j'allume rageusement avant de sortir comme un voleur de chez moi. Quand je ferme la porte de ma maison, mes gardes du corps viennent à ma rencontre avec leur air sérieux habituel. Après les avoir furtivement salués, ressentant toujours la déception et la colère serrer mon cœur, ils se dirigent vers ma voiture comme à l'accoutumée, mais je leur demande de me laisser aller seul au bureau pour pouvoir être seul et savourer la douleur qui n'arrête pas de me martyriser le cœur et de me brouiller l'esprit.

— Mais monsieur, c'est dangereux. Les paparazzis risquent de vous barrer la route sans parler des gens qui restent 24/7 devant votre entreprise pour seulement vous voir, protesta l'un de mes gardiens.

— C'est qui le patron ? Quand j'aurai besoin de vous, je vous appellerai. Maintenant écartez-vous de mon chemin, lançai-je amèrement avant de rentrer dans ma voiture.

Quand je démarre ma voiture, l'air du matin me fouette le visage et me fait un bien fou, mais il est loin d'atténuer tout ce que je ressens. Le soleil commence à se lever et ses rayons s'introduisent dans ma voiture et se mélangent avec l'air sortant du climatiseur qui ne me rafraîchit guère même à la vitesse maximale. Mon cœur se serre quand je vois ce que nous sommes devenus. Je me rappelle qu'au début de notre mariage, nous passions notre temps à parler de tout et de rien, à faire l'amour comme si notre vie en dépendait. Mais aujourd'hui, c'est à peine si elle décroche un mot. Et si elle le fait, c'est pour m'insulter ou m'engueuler.
Un tsunami de sentiments m'envahit à ces pensées cruelles, me faisant perdre le contrôle de la voiture.

[.....]

J'ouvre doucement les yeux et jette un regard tout autour de moi dans la chambre blanche qui me laisse deviner que je suis à l'hôpital. Quand je me redresse difficilement pour m'asseoir, ma mère et mes deux sœurs se précipitent vers moi.

— Al hamdoulilah, Chérif, est-ce que tu me reconnais ? Est-ce que tu vas bien ? demande ma mère en pleurant.

— Bien sûr, maman. Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce que je fais là ? dis-je difficilement.

— Tu vois, maman, il n'a pas perdu la mémoire. Je te l'avais bien dit, murmura ma petite sœur à ma mère.

— Tu as passé une semaine dans le coma suite à un accident de voiture, répliqua ma grande sœur en souriant tristement.

— Une semaine ? m'exclamai-je d'une petite voix. J'ai soif, où est Latifa ?

Elles se regardèrent toutes les trois dans les yeux avant de me regarder. La réponse était évidente, mais j'avais besoin d'une confirmation.

— Je vais chercher de l'eau et appeler en même temps le médecin, avoua ma petite sœur avant de s'éclipser telle une voleuse.

— Je lui ai bien appris ton accident, mais elle ne voulait pas rater son avion. C'est pourquoi elle n'est pas venue, répliqua ma mère en me caressant la tête.

— Elle a préféré partir que de rester auprès de toi. C'est une peste, ta femme.

— Tais-toi, Fatima. Mêle-toi de ce qui te regarde, la réprimanda ma mère.

Elle est partie, c'est tout ce que mon cerveau me criait. Elle m'a de nouveau abandonné.

ScabreuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant