CHAPITRE 2 ( deuxième partie )

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Halbjörn marcha vers le comptoir où se trouvait un homme occupé à essuyerun pichet de bière en bois avec un vieux tissu rapiécé. Ses bottes en cuir claquaient sous chacun de ses pas même si dans le bruit ambiant personne n'y prêta attention. Il se pencha sur le plan de travail , de sorte à se retrouver face à face avec l'homme au tissu.


 « Salut Durkhal. T'aurai pas vu Le Norse traîner dans lecoin par hasard ? »


L'homme releva sa tête et laissa apparaître une large cicatrice rosâtre qui s'étendait le long de sa joue gauche. Sa mâchoire carrée se crispa puis lâcha finalement un petit sourire timide. Il se redressa et se pencha à son tour de telle façon à pouvoir embrasser de ses bras le corps d' Halbjörn. Ce dernier eu un sursaut de réflexe à ce contact et reteint sa respiration de peur d'être broyé par la force du colosse. Cette étreinte sembla durée une éternité pour Halbjörn : elle ne dura que quelques secondes en réalité.


« Hal' ! Ça doitfaire un siècle que tu n'es pas revenu ici !

-- Pas loin, oui. Mais tu sais ce qu'on dit...

-- Comment vont ta femme et tes deux garçons ? C'est quoi leur non déjà ? Brön et Alec, c'est ça ? Deux grands gaillards. Depuis tout ce temps ce sont devenus de véritables bonhommes, j'en suis sûr !

-- Le Norse est ici ? continua Halbjörn en évitant le sujet.

-- Oh oui bien sûr. Le Norse. Il est a la table du fond, à droite. Celle de d'habitude. Tu sais, vous vous y réunissiez toujours avec la Troupe avant de.... »


Mais Halbjörn était déjà parti. Il passa à travers les tables, bousculant les hommes au passage qui, totalement enivrés, n'y prêtaient guère attention. L'intérieur de la taverne était gigantesque. Il y avait au moins une bonne soixantaine de tables et toutes étaient déjà occupées malgré l'heure encore très matinale. Il marcha quelques minutes, se frayant un chemin tant bien que mal. Il se prit des coups de coudes dans les côtes, ce qui lui bloqua la respiration quelques secondes. Il aperçu enfin la table en question . Le Norse y était assis, mangeant une sorte de ragoût dans une gamelle creuse en bois, un pichet de bière devant lui. Il lui sembla qu'il n'avait pas quitté cette place depuis les dix ansqui étaient passé. Halbjörn sourit et accéléra le pas pour l'y rejoindre. Une fois face à lui, il resta debout. Au fond, il ne savait pas quoi lui dire. Il ne savait même pas s'il devait se jeter dans ses bras et pleurer, où bien s'il devait engager la conversation d'un ton froid et distant. Finalement, il n'eut pas besoin de trancher puisque ce fut Le Norse, l'apercevant après avoir levé la tête en sentant une présence insistante devant lui, qui parla en premier :


«Vas-tu te décider à t'asseoir ou faut-il que je me lève pour t'y obliger ? »


Halbjörn posa son séant sur le banc en face du Norse. Il le dévisagea un instant. En fait, il n'avait pas si changer que ça, si l'on omet le fait qu'il avait dix ans de plus que la dernière fois qu'il l'avait vu. Il n'avait toujours pas de cheveux, son crâne reluisant comme les fesses d'un bébé. Ses yeux verts le transperçaient comme autrefois jusqu'à l'âme. Son nez aquilin lui donnait tantôt un air savant, tantôt un air de cinglé. Le Norse avait replongé dans sa gamelle.


«Hal'. Ça fait bien longtemps que je n'avais pas revu ta tête de blanc-bec. Je t'avoue que je ne m'attendais guère à te voir, et encore moins dans un endroit comme celui-ci.

-- Pourquoi cela ? J'y étais, jadis, un habitué. Toi également, d'ailleurs, tout comme les autres. Ça me fait penser.. où est ce psychopathe ? »


Halbjörnse redressa et se retourna, dévisageant les membres de la taverne à la recherche d'une figure connue. Le Norse répondit, après avoir bu une longue gorgée de bière :


« Mannfred ne vient plus ici. Depuis ce qui est arrivé, l'endroit à changé de réputation, tu sais. Ce ne sont plus de braves paysans qui viennent, ni des gardes impériaux.

-- Et toi alors ? Qu'est ce que tu fais ici ?

-- Tu ne penses quand même pas que je vais changer mes habitudes de sexagénaire pour faire plaisir à des petits jeunots ! Ils tétaient encore le sein de leur mère quand je tranchais des gorges.»


Halbjörn sourit et finit par rire. Il prit le pichet de son ami et y bu une gorgée avant de la reposer. Il s'approcha un peu plus du Norse et chuchota :


«Je suis venu ici pour un sujet grave, Le Norse. C'est à propose de Ludvikson.

-- Ludvikson ? Ce sale morveux est encore venu te chercher des ennuis ? Je savais dès le départ que sa face de blondinet aux aires angéliques ne pouvait être qu'un merdeux recouvert de bousier jusqu'au cou.

-- Il est venu me trouver cette nuit. Il a toqué à ma porte et m'a demandé mon aide. Il a dit que l'Empereur avait encore une mission.

-- Ludvikson est devenu le porte parole de Sa Majesté, maintenant ? Quelle était la raison de sa venue ?

-- Je n'en sais rien. J'ai refusé toutes implications dans ces affaires, de toutes façons.

-- J'ai un mauvais pressentiment, Hal'. Cette histoire ne sent pas la rose. Ça a un mauvais goût de déjà vu.

-- Je le sais bien. C'est pour cela que je suis venu te voir. Je voulais savoir ce que tu en penses.

-- Après ce qui est arrivé durant l'ancienne Traque, l'Empereur nous a défait de nos fonctions. S'il se rabaisse à nous redemander un service, c'est qu'il doit s'agir d'une urgence. La population est encore faible, il n'y a plus de récoltes car les terres sont stériles et il y a trop peu de paysans suffisamment en santé pour travailler. Le peuple s'effondre sous les épidémies. On a encore perdu plus de deux cents personnes ce mois-ci dans l'Empire, d'après ce qu'il se dit.

-- Je sais, Le Norse. Mais souviens toi de la dernière fois : on a failli mourir pour servir l'Empereur et à notre retour, comme remerciement, ils nous a exilés.

-- On raconte qu'il avait peur qu'on veuille prendre sa place. Le peuple nous admirait pour les avoir sauvé, et ils détestaient l'Empereur pour son incompétence.

-- Alors pourquoi ce coup-ci serait-il diff... »


Halbjörnse stoppa net. Aurora rentrait dans son esprit et son ton semblait paniqué.


« Des hommes vont rentrer. Ce sont des membres de la Garde Impériale. Je me suis reculée à l'abri des arbres et les regarde sans qu'ils ne s 'en doutent. Ils vont ouvrir la porte, Hal, et je pense qu'ils viennent pour toi. »





Les reflets du SangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant