Première Lettre

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Cher Cristian,

Je n'ai pas oublié notre promesse : une lettre pour une journée passée loin de toi. Le temps sans toi me semble désagréablement monotone et le ciel paraît perdre peu à peu son éclat de toujours.

Ton manteau gris ne réside plus sur la chaise ancestrale de notre chambre. Tes pinceaux assidûment agrémentés de peinture sèche n'errent plus communément sur la table de la cuisine. Ton chapeau favori usuellement épuré est à présent poudroyant et parsemé d'une profonde lassitude.

Tu me manque, ton absence m'est douloureusement insupportable. Le manque de toi me consume. J'ai ce besoin constant, celui de savoir que tu vas bien, que tu es en sécurité. Il m'est impossible d'être heureuse, tant que je ne sais pas comment tu te portes. Je n'ai pas pu me résigner à fermer l'œil plus de quelques minutes la nuit dernière. Je sais que les tiens sont ouverts. Comment pourrais-je dormir en te sachant dehors, exposé en permanence au danger ?

Heureusement, l'espoir ne m'a pas quitté. Je pris pour qu'il t'habite toujours également. Il me maintient vivante dans ce tumulte énigmatique qu'est la vie. Je ne saurais mentir en te disant que la peur ne fait que partiellement partie de ma vie, elle vivra en moi jusqu'à ton retour. Malgré tout, mon amour pour toi demeure plus puissant.

Lorsque la boule de feu du soleil s'éclipse et que le disque blanc de la lune s'élève à son tour, tout là-haut dans le ciel, je ne peux m'empêcher de me dire que de l'endroit où tu te trouves, tu la voit également. Alors je pense à toi.

Nous sommes comme la lune et le soleil. Tu es un de ses rayons, le plus scintillant de tous, celui qui illumine mon quotidien. La lune ne peut apercevoir le soleil de l'endroit où elle se déploie. Réciproquement, le soleil ne peut discerner la lune lorsqu'il s'élève. Ils ne se voient pas, ne se regardent pas, ne se touchent pas. Malgré tout, rien ne les empêche de s'aimer.

Tu vois, nous sommes plus chanceux qu'eux dans notre malheur. Nous avons de quoi nous écrire en dépit de la frontière imperceptible qui nous sépare.

Ne prend aucun risque, mais je t'en prie, écris-moi aussi souvent que possible. Contes-moi tout. Ce qui te semble important, ce que tu juges futile... Confis-moi tes peines, tes craintes et ton amertume. Décris-moi tes douleurs et tes jours moins amers. De cette façon, j'aurais l'impression d'être avec toi, à tes côtés.

Il me tarde le moment de nos retrouvailles, ce jour arrivera, j'en suis persuadée. Je pense à toi, toujours. J'attendrai le temps qu'il faudra, je n'abandonnerai pas. Peu importe combien de larmes dévaleront la route de mes joues jusqu'à mes lèvres, peu importe le nombre de jours avant de revoir ton sourire, peu importe combien de fois le temps me semblera figé, j'attendrai. Je t'aime plus fort que tout.

Restes fort.

Avec amour, Rosie.

Lettres d'amour clandestines [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant