Chapitre 2

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Waouh. C'est un véritable choc émotionnel pour moi, je ne pensais pas qu'il allait s'en souvenir. Peut-être qu'au final je représente un peu plus qu'un vulgaire accident. Du moins c'est ce que j'espère. Bon, je n'ai pas vu ma mère mais je pense qu'elle viendra me rendre visite à la pause de midi.
J'observe tous les boutons un à un, positionne mes doigts sur le clavier, prend une grande inspiration pour finalement appuyer sur le bouton qui enverra directement Alice dans sa nouvelle vie. Ça y est, j'ai pris le contrôle. Chaque pensée, chaque geste, chaque émotion mais aussi chaque erreur, chaque faux pas, sont sous MA responsabilité. Cette émotion est bizarrement angoissante et excitante à la fois. J'adore. Je lui fait enchaîner chaque action pour qu'elle puisse réussir au mieux sa vie, qu'elle prenne bien soin d'elle, sans négliger ses études et qu'elle puisse prendre du bon temps dans toutes les activités qui lui plaisent. Je ressens ce qu'elle ressens ; je suis devenu son marionnettiste.
Le temps que je m'habitue à utiliser ses boutons, je comprend la manière dont je dois vivre a travers elle, nous ne formons plus qu'une seule et même personne, nous ne faisons plus qu'un. Je suis vraiment heureux d'être tombé sur Alice, elle est fascinante. Fascinante dans le sens ou nous avons la même manière d'agir.
Je travaille, travaille, travaille. Je veux absolument qu'elle soit heureuse, je travaille a m'en faire pleurer de concentration à cause de l'écran trop lumineux. Mais ça va, a part mes larmes qui coulent, je ne sens rien, aucune douleur, parce que je tiens absolument à ce que sa vie soit meilleur que la mienne. C'est ma première collègue, j'y tiens. Lorsqu'un jardinier exerce, il ne laisse pas flétrir sa fleur, non ?
J'étais très concentré à faire peindre une rose rouge à Alice, elle était inspirée, ça se voyait dans ses yeux qui pétillaient. Quand d'un coup l'image se figea, tous mes ordres ne servaient plus à rien. Je regarde l'heure, il est midi. C'est la pause. Je frotte mes yeux déjà bien trop fatigués, je pense que des lunettes de repos ne me feraient pas de mal quand je travaille.
Je me lève de mon siège pour emprunter la voie qui mène à la cafétéria. J'y croise des anciens "camarades" de lycée qui commencent eux aussi a travailler. Ce ne sont pas des amis, j'ai toujours été introverti, personne ne trouvait agréable de me parler, et ça m'a l'air très bien, pour moi la solitude est plutôt sympathique. De plus, ça me permettait de rêver un peu, mon activité préféré.
J'avance dans la file très longue où toutes les grandes personnes de la ville étaient présentes; les voisins, les oncles, les tantes, les cousins et les cousines, tout le monde. Bon évidement je ne les connais pas tous. Qui connait chaque membre de sa ville, surtout aussi grande que la nôtre. Je passe quand même saluer chaque membre de ma famille, proche ou non, par pure politesse. Il faut bien s'occuper dans une file d'attente aussi longue.
Ah ça y est, je commence à avoir vraiment faim, j'ai l'impression que tout le monde entend mon ventre. C'est assez gênant, surtout quand je sens une main se poser sur mon épaule.

" Bonjour mon chéri !"

Ah c'est ma mère. Disons qu'on la reconnait facilement à cause de son timbre de voix disons... Strident. Je me tourne vers elle. Oh non... Elle est encore habillée comme ça. Je sais pas si elle veut faire plus jeune ou quoi mais il faut qu'elle arrête... Une description ? OK... Mini jupe en cuir noir avec des collants assez provoquants, top rose bonbon et je crois qu'elle a pas fait la différence entre une palette de maquillage et un pot de peinture... Bref c'est ma mère...

"Alors, comment se passe ta première journée mon chaton ?!

- Salut maman... Ça va ?...

- Très bien mon poussin ! Oh ! Joyeux anniversaire mon poulet !!!!

- Merci..."

Sérieux, c'est quoi la prochaine étape... Mon petit poney ?... Et oui j'ai pas trouver mieux... Elle machait son chewing-gum sans aucune pitié pour les oreilles des autres, beurk...

"Bon, j'ai quelques petites affaires à régler avec ton père, mon loulou ! Ciao !"

Elle me fait une bise en prenant soin de ne pas négliger l'étape "plein de rouge à lèvre sur les joues de mon petit garçons d'amour". Génial il manquait plus que ça. Pendant qu'elle s'en va en se déhanchant comme... Ben comme je sais pas trop quoi en fait... Bon passons ! Pendant qu'elle part, je m'essuie les joues, même si après coup il me reste encore deux grosses tâches rouge au paumettes.
Voilà, avec mes parents je suis gâté, hein ? Entre mon père très distant et ma mère beaucoup trop collante, j'ai de la chance ! Quoique je n'ai pas trop a me plaindre, je n'aurais pas pu survivre jusque la sans mon refuge : mon grand-père. Cet être si vénérable et humble, qui sous chacune des phrases prononcés par ses lèvres résonne une incroyable leçon de vie. Je l'admire, c'est mon modèle, mon soutien, son avis sur mes projets et mes choix est celui qui m'importe le plus de toute la famille. Il ne travaille plus ici depuis un bon bout de temps, je parie qu'a l'époque ou c'était lui qui dirigeait l'entreprise, les bureaux étais bien plus ouverts et lumineux, tout comme son esprit. Mes rêvasseries viennent de lui, c'est lui qui me racontait des histoires étant petit. Tout ça pour dire que sans mon grand-père, je ne serai plus rien.

La file d'attente avance très, très, très lentement. Plus les minutes passent, plus ma faim s'alourdit ce qui me donne des nausées affreuses. Je réussis à voir la cafétéria qui à ma grande surprise est très colorée et éclairée. J'avance pas après pas, ma faim de plus en plus profonde.Je marche en croisant le regard de personnes ne me reconnaissant pas, n'osant même pas esquisser un léger sourire. Je ne connais aucune personne de mon âge correspondant à mon caractère, et après ma mère me harcèle pour que je trouve une petite copine...

Ah, ça y est je suis arrivé au comptoir. Je dois m'identifier grâce à mon empreinte digitale. Je pose ma main, et l'écran m'affiche "erreur". Deux possibilités s'offrent à moi ; la première "assistance" et la seconde "annuler". Je sélectionne le deuxième bouton pour ensuite recommencer la même opération, qui échoue à nouveau. Je choisis cette fois "assistance" . Une femme vint à moi dans la trentaine de seconde qui suivit mon appel.

"Bonjour. Ça ne fonctionne pas ?"

Elle me regarde d'un air intrigué.

"Tu es nouveau, non ?

- Oui, Pourquoi ?

- Ah ! c'est pour ça ! Il faut t'enregistrer, l'attente est longue aujourd'hui à cause du nombre de nouveaux à enregistrer. Pose ta main là, je m'en occupe."

Je suis donc toutes ses instructions jusqu'à ce que mon empreinte soit finalement bien enregistrée. Je la remercie et j'arrive enfin au self pour me nourrir. Je choisis avec précaution les aliments qui caleront mon appétit, je remplis bien mon plateau. J'ai fini, je cherche donc une table de libre, quand soudain, oh... Je sens l'étrange sensation de m'être pris une assiette pleine sur le torse.

" Oh, Je suis vraiment désolée !! Est-ce-que ça va ?!"

En effet je regarde mon t-shirt tout sali de lentilles. Je relève la tête pour voir une jeune fille se dressant devant moi. Elle était petite, une tête de moins que moi, et avait l'air très mal à l'aise. Cette petite brunette aux yeux bleus me disais quelque chose, il me semblait l'avoir déjà vu au lycée, en cours d'anglais, ou Histoire, je ne sais plus...

" C'est pas grave,  y a pas mort d'homme.

 J'essaie de lui sourire pour effacer son malaise, ce qui fonctionne plus ou moins.

- Ah, ça va alors ! Tu es Nathan, c'est ça ? Nous étions en cours d'Histoire ensemble l'année dernière, ou Anglais, je ne sais plus !

Elle me fait un large sourire. Pour une fois que quelqu'un se souvient de moi, c'est surprenant...

- Oui c'est ça, Nathan.

- Enchantée, moi c'est Clémence !"

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