Je ne comprenais pas comment cela avait pu arriver mais il me fallait bien l'admettre, je me trouvais dans le vestiaire de l'équipe à attendre de recueillir l'avis des joueur sur leur dernier match. Normalement je ne couvrais jamais le sport, ce n'était pas mon domaine, mon côté fan ne me permettant pas d'être réellement objective. Mais cette fois je n'avais pas pu refuser, Billy étant malade, je m'étais résignée à mettre mon "fan service" de côté. Les joueurs firent sauter la porte si brusquement en entrant que je sursautai et manquai de me prendre Sven, l'attaquant, de plein fouet.
- Faut faire de la place ma p'tite dame!, me dit-il en éclatant de rire et en saisissant mes épaules.
Son contact me fit l'effet d'une brûlure et je me défis de sa poigne rapidement. Je dus me faire violence afin de rester professionnelle.
- Ex... Excusez-moi, mais je suis journaliste pour le "Hockey Time"...
- Vous ne préféreriez pas qu'on se douche avant les interviews?
- Je n'en ai pas pour long, je dois encore tout taper ce soir pour que tout ça paraisse au levé du jour, dis-je en évitant de le regarder.
Tous les joueurs agglutiné autours de moi, je me sentis soudainement toute petite et fragile. Les mastodontes de près de 100 kilos éclatèrent de rire et l'atmosphère se détendit en une seconde.
- Et de qui as-tu besoin petite journaliste du "Hockey Time"?, me souffla Joël, l'un des défenseur de l'équipe, en me tapotant l'épaule.
- De Sven et Cristobald... enfin de Monsieur Ryser, et Monsieur Huet.
Je sortis de la pièce et les deux joueurs me suivirent gentiment. Mon portable en main, j'activai le dictaphone et le tendis vers les joueurs afin de récupérer leur témoignage. Je ne réussis malheureusement pas à me détendre et après dix minutes je pris la fuite. Je venais de passer pour une idiote devant mes idoles, voilà pourquoi je n'avais pas choisi le sport comme domaine de prédilection. Je n'avais pas posé les bonnes questions, rigolé au mauvais moment et étais partie sans même les remercier et dire au revoir.
Une heure plus tard j'étais dans un café au coin de la rue et réécrivais pour la huitième fois mon texte en écoutant une énième fois la misérable interview que j'avais mené plus tôt au stade. Mon chef m'ayant déjà refusé trois fois les textes, je commençais à déprimer et commandai un whisky sec... puis un deuxième... et un troisième. Une fois pompette, je commençai à voir les touches du clavier tourner sur elles-mêmes. Perdue et humiliée, je commandai un quatrième whisky. Dix minutes plus tard je chantais du vieux rock devant mon écran en prenant les voix des deux hockeyeurs avec qui j'avais parlé plus tôt. Au moins je rigolais à en pleurer, du Aerosmith dans les oreilles, ma nuit de vendredi aurait pu être pire. Je reçus à nouveau un mail de mon patron m'expliquant de long en large que j'étais une bonne à rien et que la rédaction sportive ce n'était pas pour moi. Sans réfléchir, je lui répondis que c'était de sa faute, qu'après tout, c'était lui qui m'avait désigné pour remplacer Billy et qu'il n'avait qu'à s'en prendre à lui-même. J'envoyais le message et de suite je me mordis les doigts de l'avoir fait, mais j'eus à peine le temps de m'apitoyer sur mon sort à venir que deux lourdes mains se posèrent sur mes épaules et je couinai de surprise.
- Excusez-moi ma chère, je ne pensais pas vous faire peur.
- Monsieur Ryser... Qu'est-ce que vous faites ici?
Il prit la chaise à côté de moi et s'installa en se frottant les mains l'une contre l'autre pour les réchauffer.
- Après chaque match à domicile, je viens m'isoler ici afin de réfléchir à mon jeu et faire un bilan.