Nuit fanée

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Il mange à trois heure du matin son déjeuné de la semaine dernière sans savoir pourquoi il est soudainement affamé au beau milieu de son cauchemar.

Celui-ci est toujours présent dans sa tête quand il engloutit intégralement le contenu non identifiable de son assiette infâme. Il perçoit très bien le sourire provocateur et espiègle qui se dédouble et se multiplie sans cesse dans son esprit.

Il sommeil encore, mais il mange.

Ca ressemble à du somnambulisme même si son médecin qualifierait mieux cela d'un trouble du comportement dut à son tempérament instable.

Il se met debout et s'effondre aussitôt au sol. Son poids semble avoir doublé en l'espace d'un instant comme si il s'alourdissait d'avantage à chaque seconde. Il reste inerte, étendu et ferme les yeux une minute. Son cauchemar le reprend alors d'assaut et la minute s'étend à une deuxième.

Le sourire charmeur se met à rire mais il ne parvient à saisir ne serais-ce qu'un seul écho de gaieté dans ses éclats. La bouche aguicheuse  révèle enfin son visage de jeune fille endormie. Cette demoiselle parait encore plus assoupie que lui et lorsqu'il lui adresse la parole , elle couvre subitement ses oreilles comme une enfant et se met à pleurnicher. Il tend alors le bras dans l'intention de la réconforter mais elle se désintègre d'emblée sous ses doigts.

Il se relève péniblement puis vomi sur le canapé. Il rechute sur ses genoux, sa masse dorénavant insoutenable et saisit son crane douloureux dans ses mains. Son cauchemar persiste, perdure indéfiniment dans sa tête. Il crit pour le faire fuir. Les images ne se dissipent pas.

La fille réapparaît sous tous les angles possibles:  de loin, de près, au dessus ou en dessous de lui, dans toutes les positions imaginables : debout sur le plafond, accroupie dans le coin d'une pièce, exécutant une pirouette acrobatique. Elle ne le regarde pas, elle le nargue de par son indifférence.

Une seconde après, il prend conscience qu'il ne crit pas réellement. Il a en fait interprété son désespoir en une plainte sourde, intérieur pour la faire réagir. Elle répond à son appel en hurlant de douleur puis de joie. Ses avants bras son peints de rouge et elle erre en dansant comme un fantôme dans l'appartement.

A un moment, elle accourt vers lui et l'embrasse ardemment puis elle redevient insaisissable, imprenable comme un courant d'air.

Il demeure piégé dans son cauchemar, soucieux qu'il ne s'achève jamais.

La fille marche dos à lui dans le couloir obscur, terne comme la mort. Elle fait mine de rire  mais elle s'est remise à pleurer. Elle se dirige vers le balcon, alors  oublieux de son incapacité  à maintenir son corps, il se lève et la suit. La brise s'imprègne dans ses longs cheveux et dans sa chemisette. Elle semble épanouit.

Elle s'élance précipitamment au delà des limites, offre sa poitrine au ciel et s'intègre dans la nuit. Elle bondit pour s'envoler et elle s'envole.

Il avise en premier lieux cela comme quelque chose de magnifique mais soudain la scène se répète et il la discerne plus tragiquement.

Il revoit, son décollage, sa chute, la manière dont elle se confond avec le vent, son terrible atterrissage. Elle se relève, replonge devant ses yeux impuissants  et à chaque fois, il éprouve la sensation qu' une nouvelle partie de son cœur se pulvérise.

L'image s'éteint et il se retrouve subitement seul.

Il ressent alors l'adrénaline de l'immensité qui l'appel. Le rues sont animées en rouge et blanc et l'air est glacial. Il échappe un instant à son cauchemar, il sourit.  

Seulement, les visions reviennent rapidement . Il ne supporte alors l'évidence qui se révèle à lui et goûte à son tour au néant : maintenant que sa mémoire lui faisait office de rêve, il était désormais condamné a se rappeler.




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