Intro

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Le débat annuel opposant Abigail Griffin et Marcus Kane avait quelque chose de délicieusement familier. Les premières notes des mélodies trop connues qui allaient tourner plus d'un mois durant dans les magasins, causant autant le bonheur que le malheur des clients, sonnaient pour eux le lancement d'hostilités prétendument amicales qu'ils étaient les seuls à réellement comprendre. En temps normal, ils adoptaient pourtant des relations de voisinage plus cordiales, mais Noël les ramenait toujours à cette matinée neigeuse trois ans plus tôt où Abby avait dressé sur son toit un renne illuminé plus grand que celui arboré par la maison Kane. L'événement avait fait naître une forte rivalité entre les deux, rivalité qui renaissait chaque année pour le plus grand malheur de leurs familles. Pourtant, Clarke, du haut de ses sept ans, trouvait leurs discussions échauffées définitivement amusantes.

Pour preuve, elle avait aujourd'hui quitté trop tôt le confort de son lit pour aller s'asseoir sur la première marche du porche alors qu'à quelques mètres de là, sa mère s'agitait furieusement devant la haie dénudée la séparant de leur voisin tout aussi pris par leur conversation. Clarke gloussa en entendant sa mère prononcer l'un des mots interdits et elle faillit bien lui annoncer qu'elle devait vingt cents au bocal aux grossièretés trônant sur la cheminée, mais elle se tut, craignant trop d'être renvoyée dans la maison si tôt qu'on la remarquerait. Elle avait beau porter ses chaussons fourrés et avoir enfilé la grosse veste de son père sur son pyjama, Abby trouverait toujours l'excuse du froid idéale pour la priver de l'un de ses divertissements favoris de fin d'année.

Un aboiement aigu la tira soudain de sa contemplation. Clarke fronça les sourcils et se tordit le cou pour jeter un coup d'œil à son environnement. Aucun des voisins n'avait de chien pour son plus grand malheur. Pourtant, il y avait bien un chiot dans l'allée des Kane. Un chiot tout aussi inconnu que l'enfant tenant sa laisse. Toujours trop curieuse et aventureuse, la petite blonde se leva et entama une mission commando pour rejoindre discrètement le trou dans la haie qui menait au jardin des voisins. Elle s'y glissa avec un peu de difficulté, le trou ayant rétrécit depuis son dernier passage. En vérité, c'était plutôt elle qui avait grandi, mais l'idée ne lui traversa même pas l'esprit. La terre froide sous ses doigts rendit aussi l'expérience peu agréable. Elle fut soulagée quand elle se redressa et se cacha contre la façade de la maison, le souffle raccourcit par l'effort et le stress que générait son importante opération. Dès que sa respiration fut régulée, elle se pencha vers l'allée et observa de plus près l'autre enfant entrée sur son territoire. Ce n'était pas tellement qu'elle l'était, territorialiste, mais il n'y avait pas grand monde de son âge depuis que Wells avait déménagé à quinze minutes de vélo d'ici. En partant, il lui avait confié la direction du quartier et tout ça venait de lui rappeler ses responsabilités. Le moins qu'elle pouvait faire était bien de mener l'enquête à propos de cette nouvelle venue. Et de son chien. Après une courte observation qui ne lui apprit pas beaucoup - tout ce qu'elle pouvait voir de là où elle se trouvait était des cheveux bruns maladroitement tressés dégringolant sur un pull bleu marine qui semblait trop grand sur le cadre de l'enfant -, elle tenta de siffler pour attirer son attention. Il ne sortit de ses lèvres qu'un souffle presque inaudible et un peu de salive. Zut, ce n'était pas encore aujourd'hui qu'elle pourrait faire comme son père. Un peu vexée par l'échec, elle fit la moue avant de se pencher un peu plus pour tenter d'interpeller l'enfant, toujours sans attirer l'attention des adultes.

« - Hep. Hé toi. »

Le chiot fut le premier à la remarquer. Il se leva pour faire quelques pas patauds dans sa direction, la queue fouettant vigoureusement l'air. Cela attira enfin le regard de l'enfant vers elle. La tête penchée sur le côté, elle laissa planer une paire d'yeux verts curieux sur Clarke. Le moment dura une éternité pour la blonde qui finit par agiter la main en guise de salut et lui adressa un sourire gigantesque dépourvu de deux dents perdues précocement après sa rencontre fortuite avec un ballon de basket pendant le cours de sport une semaine plus tôt. Elle l'enjoignit ensuite à la rejoindre, un doigt scellant ses lèvres pour tenter de l'amener à être discrète. La nouvelle sembla comprendre le message alors qu'elle ramassa le chiot dans ses bras et s'empressa de trouver l'ombre de la maison au côté de Clarke.

« - Je t'ai jamais vue ici. C'est quoi ton nom ? »

Il y eut une hésitation timide.

« - Lexa.
- Moi c'est Clarke. Kane, c'est ton papa ?
- Non... Marcus est mon oncle. »

Clarke n'avait jamais été un modèle de délicatesse même pour une enfant de son âge. Elle était toujours directe, marchant dans tous les plats qui se présentaient devant elle sans l'once d'une hésitation. Elle était pour ça dénuée de malice, mais ce comportement la poussait trop souvent à vexer ou blesser sans qu'elle ne le comprenne toujours. A part cette fois où Raven Reyes s'était jetée sur elle pendant la récréation après le commentaire de trop. Ce jour là, elle s'était pour une fois parfaitement rendue compte de son erreur sous les arguments pour les moins percutants de sa camarade. Rien d'étonnant donc à ce qu'elle ne comprenne pas vraiment le changement dans la posture de Lexa qui s'était tendue, serrant un peu plus sa prise sur le chiot dans ses bras. Pas plus qu'elle n'avait réellement saisi le léger tremblement dans la voix de la brunette. Seulement, elle ne rata pas cette lueur triste dans ses yeux. Et, presque immédiatement, elle ressentit le besoin de la faire disparaître. Sans réfléchir, encore une fois, elle saisit le bord du pull de Lexa, à défaut de pouvoir attraper sa main, et la tira vers le trou dans la haie.

« - Mon papa fait le meilleur chocolat chaud du monde. Il met du cacao au-dessus et des petits marshallows qui flottent dedans et pas ce truc brun pas bon. Tu sais, la poudre bizarre que tout le monde aime.
- Cannelle. Ce n'est pas si mauvais. »

Clarke fit une grimace dégoûtée et mima un haut le cœur avant de continuer son chemin.

« - Si tu veux, il pourra en mettre sur le tien même si c'est beurk.
- Je ne sais pas si...
- T'inquiète pas, Kane sera d'accord. De toute façon, il en a encore pour une éternité avec maman. Ils se disputent toujours super longtemps et après elle l'invite à venir boire un café. Il te trouvera vite. »

Il y avait derrière tout ça une certaine logique que Lexa ne pu pas nier. Alors, elle suivit le mouvement, cachant un sourire dans la fourrure du chien pendant que Clarke continuait fièrement à mener la marche.

So please just fall in love with me this ChristmasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant